Au cours de la séance du 28 octobre dernier, M. le Premier ministre a souligné sa volonté de favoriser l’essor de régions fortes, de régions « qui devront bénéficier de leviers puissants, de leviers stratégiques, pour préparer leur avenir et celui de notre pays. »
Je tiens à réaffirmer avec force que, contrairement à ce que j’entends souvent, les régions ne réclament rien ; elles ne réclament aucune compétence supplémentaire et, en particulier, elles n’entendent pas prendre celles des départements. §Elles demandent seulement les moyens d’assumer pleinement leurs missions, notamment les deux missions essentielles que le présent projet de loi leur confère : l’aménagement du territoire et le développement économique.
Leur rôle majeur dans le domaine économique se traduit par le pilotage du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation et par la définition des régimes d’aides aux entreprises. Il est en effet nécessaire que ce travail soit accompli à une échelle géographique permettant la mobilisation de l’ensemble des partenaires utiles, depuis les acteurs de la recherche jusqu’à ceux du financement, en passant par ceux de la formation : il ne saurait donc être réalisé à un échelon infrarégional – ce propos est complémentaire de celui que vient de tenir M. Collomb.
Les rapports Gallois et Queyranne-Demaël-Jürgensen ont dressé un constat sans appel : les interventions économiques des pouvoirs publics sont fragmentées, sédimentées et ne sont pas majoritairement orientées vers la compétitivité de demain, fondée sur les « quatre I » que sont l’investissement, l’industrie, l’innovation et l’international. Alors que l’on confie aux régions une compétence majeure dans le soutien au développement économique, il faut leur donner les leviers d’action leur permettant d’accompagner le redressement économique.
L’article 2 du présent projet de loi consacre un nouvel outil de planification : le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, que M. le rapporteur vient de présenter. Ce document stratégique, conçu à la lumière des expérimentations menées depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, assurera, selon moi, la cohérence des interventions économiques des collectivités territoriales, dans un souci de clarification des compétences et d’amélioration de la lisibilité.
Les modalités de co-élaboration de ce schéma par les régions, les collectivités territoriales infrarégionales et leurs partenaires vont faire l’objet d’un débat nourri. Prescriptif, ce document définira les orientations en matière d’aides aux entreprises, de soutien à l’international et d’investissement immobilier ; il permettra d’assurer la complémentarité des actions menées par l’ensemble des collectivités territoriales et de leurs groupements, et d’éviter que les aides versées par ceux-ci ne soient des vecteurs de délocalisation des entreprises au sein de la région ou au détriment des régions limitrophes.
Il s’agit, je le répète, d’améliorer la lisibilité des interventions, mais aussi, notamment, de simplifier les procédures et de réduire la dispersion des moyens, tous objectifs auxquels tiennent fortement les entreprises et les collectivités territoriales.
Seulement, madame la ministre, monsieur le rapporteur, j’ai quelques bémols à formuler. En effet, cette architecture de la compétence économique impose au législateur de clarifier l’action publique en faveur des entreprises, en octroyant à la région une compétence exclusive pour ce qui concerne les interventions économiques directes et indirectes qui devra être exercée en liaison avec l’exercice par le bloc communal de sa compétence exclusive en matière immobilière et de foncier d’entreprise – une compétence que les régions reconnaissent tout à fait.
À cet égard, l’amendement n° 758 rectifié du Gouvernement vise à supprimer la notion d’interventions économiques en tant que compétence exclusive des régions au prétexte, selon son objet – j’en suis quelque peu étonné – qu’elle restreindrait la capacité des EPCI en matière de création de zones industrielles. L’expression « interventions économiques » a pour finalité, au contraire, de couvrir, au-delà de la simple allocation d’aides directes aux entreprises, l’ensemble de ce que l’on appelait auparavant les « aides indirectes ».
L’objectif est bien de proposer un interlocuteur unique à toutes les entreprises du territoire régional en matière d’interventions économiques hors secteurs immobilier et foncier, et de mettre en cohérence au sein d’un schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation co-élaboré l’ensemble des interventions en faveur des entreprises, afin que ces dernières s’approprient les stratégies régionales.
Enfin, je m'exprimerai sur les capacités de financement de l’action publique en cohérence avec ces deux compétences exclusives, et mes propos feront sans doute réagir certains d’entre vous, mes chers collègues. En effet, le projet de loi supprime les compétences des départements en matière d’interventions économiques sans prévoir, dans le même temps, l’octroi aux régions des ressources correspondantes. Cette situation met gravement en péril les entreprises susceptibles d’en bénéficier à l’heure où elles ont pourtant plus que jamais besoin d’être soutenues et accompagnées.
Il est donc nécessaire que l’exercice des deux compétences exclusives susvisées s’accompagne d’un transfert de fiscalité permettant de redéployer vers les régions et le bloc communal la somme de 1, 6 milliard d’euros que les départements consacraient jusqu’alors au soutien aux entreprises, sous peine de voir baisser l’effort national en faveur des entreprises.
Par ailleurs, comme le Premier ministre l’avait dit, il convient de tirer les conséquences sur la fiscalité économique de la clarification proposée sur les compétences en matière de développement économique en redistribuant la CVAE aux deux seuls échelons qui disposeront d’une compétence exclusive en l’espèce, à savoir l’échelon communal-EPCI-métropoles et les régions.