Monsieur le président, je souhaite rappeler dans quel esprit nous avons déposé le texte et comment il peut évoluer.
Lors de la discussion de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, nous étions nombreux ici, Gouvernement et parlementaires, y compris Gérard Collomb, à dire combien il était important que les régions de France jouent un rôle majeur en termes de stratégie économique et de définition des politiques dont elles ont seules la responsabilité, notamment et surtout en matière de recherche, de développement et d’innovation.
Quand avait été votée la partie du texte portant sur les métropoles, la question des régions avait été soulevée et le débat avait permis de trouver le moyen de bien sérier les choses. Nous le disions hier soir, une région ne va pas s’occuper de l’immobilier d’entreprise à tel ou tel endroit, et si une collectivité décide de créer une pépinière ou un incubateur d’entreprises, elle sera applaudie. Nous avons non pas à interdire, mais à encourager et à permettre aux régions de jouer un rôle extrêmement fort de stratégie industrielle. Nous parlons bien de stratégie globale, car, ce qui manque en France depuis la fin du XXe siècle, c’est bien une politique industrielle, une politique de développement des nouveaux emplois.
Si le fait urbain et les métropoles ont été reconnus, c’est qu’ils sont moteurs. Tout le monde le sait et personne ne le nie. Cette appréciation ne pose aucun souci. En revanche, il nous manque effectivement cet engagement de tous pour que puisse être définie une politique industrielle. Le Gouvernement s’y emploie d’ailleurs avec les projets dits « d’avenir ». Des axes de travail ont été déterminés. Mais nous avons besoin que les régions fassent aussi ce travail. D’ailleurs, après de nombreux débats internes au Gouvernement suivis de débats publics, la question des pôles de compétitivité s’est posée, parce que l’État en gère bien trop : soixante-dix, c’est trop ! Les régions doivent aussi être en capacité de gérer des pôles de compétitivité et de déterminer de nouveaux axes.
Dans notre volonté de redresser la France et de permettre aux territoires de participer à cette action, je vous rappelle enfin que nous avons créé la conférence territoriale de l’action publique. Nous nous sommes efforcés de rédiger un texte qui permette de faire émerger de nouvelles compétences, car celles-ci ne manqueront pas d’apparaître : qui aurait cru, voilà quelques années, que nous discuterions aussi longuement du numérique ? Des innovations importantes viendront heurter tous nos textes. Il importe donc que la rédaction soit claire s’agissant des régions et de leurs responsabilités, et prenne aussi en compte l’action des métropoles et des intercommunalités.
Nous en avons souvent parlé ici lors du premier débat, les régions ne doivent pas perdre trop de temps ni de finances à intervenir, par exemple, sur l’immobilier d’entreprise, sur un aéroport ayant une fonction particulière parce que, plus qu’un simple aéroport, il est la seule façon de vivre pour une zone. Nous en avons longuement discuté aussi avec l’Association des régions de France, l’ARF : il n’est pas question que les régions aient à intervenir sur des cas de ce type, ici et là, partout sur le territoire.
L’idéal, surtout pour les nouvelles thématiques qui vont apparaître au fil du temps, et dont la nature variera peut-être selon les régions, est que la loi permette à la conférence territoriale de l’action publique de prendre une décision.
Je mets toutefois de côté les aides directes, sur lesquelles nous devons être extrêmement fermes. Il y a aujourd’hui 6 000 interventions économiques en France, et la région, plus encore que de jouer un rôle de chef de file absolu, doit avoir l’entière responsabilité de ces aides, car elle en détient la compétence.
Dès lors, est-il bien utile d’affirmer trop haut le retour de la commune dans le développement économique, dans la mesure où le bloc communal dispose de la clause de compétence générale, et que nous nous soucions de rationalisation ? Faisons attention à ce que nous écrivons.
Bien entendu, je ne compte pas m’arc-bouter sur une position et, quoi qu’il en soit, le projet de loi fera l’objet de deux lectures, puisque le Premier ministre s’y est engagé. Mais l’objectif de ce texte est de rationaliser, de clarifier et de rendre plus opérantes nos collectivités territoriales. À la fin du XXe siècle, nous avons choisi la politique des services et oublié la politique industrielle. Ne revenons pas sur les raisons de ce choix et avançons !
Je voudrais enfin dire un dernier mot sur l’obligation, défendue hier par Mme Létard, au nom de la commission des affaires économiques, de conclure des contrats infrarégionaux entre la région et les entités désignées sous les termes de pays, pôles, bassins d’emplois, bassins de vie, etc.
Depuis longtemps, nos régions passent des contrats de ce type. En revanche, il me semble difficile d’inscrire cela dans la loi. J’ai entendu l’excellent plaidoyer que vous avez conduit hier soir, madame la rapporteur pour avis, mais il faut, me semble-t-il, laisser la main aux régions pour organiser, chacune avec ses spécificités, ce dialogue singulier avec les « pays » – pour employer un terme générique. Nombre de régions concluent ce genre de contrats depuis longtemps, et il ne me paraît pas nécessaire que la loi fixe les modalités.
Là encore, je fais confiance aux élus et à la CTAP pour trouver la meilleure façon de procéder. Nous connaissons des exemples de contrats infrarégionaux en Bourgogne, en Franche-Comté, en Bretagne, en Aquitaine et ailleurs.