Monsieur le sénateur, je vous remercie de cette question, qui appelle une réponse extrêmement précise.
Tout d’abord, pour ce qui concerne les moyens des services de renseignement, qui sont généralement la condition de leur efficacité, vous êtes trop bien informé, comme en témoigne votre question, pour ne pas savoir qu’ils ont été fortement « rabotés » il n’y a pas si longtemps… Je vous rappellerai des chiffres tout à fait précis : alors que des besoins technologiques très importants avaient été identifiés à l’occasion de l’élaboration du Livre blanc de 2008, les crédits n’ont pas été abondés et les effectifs des services ont été réduits de près de 130 unités, dans un contexte où tout le monde avait conscience que la plus grande vigilance était nécessaire.
C’est la raison pour laquelle, lorsqu’il était ministre de l’intérieur, le Premier ministre avait décidé d’augmenter de 432 unités les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI, alors que, à la suite d’un rapport élaboré par MM. Verchère et Urvoas, une réforme des services de renseignement était engagée en vue de transformer la Direction centrale du renseignement intérieur en Direction générale de la sécurité intérieure et que, par ailleurs, étaient augmentés de 12 millions d’euros par an – soit 32 millions d’euros dans le cadre du triennal – les crédits alloués aux moyens technologiques.
Nous irons encore au-delà, car les Français ont besoin de savoir que leurs services de renseignement sont en mesure d’intervenir de façon efficace, en étant dotés de moyens adéquats.
Il existe trois domaines dans lesquels nous avons besoin de conforter ces moyens. Le premier d’entre eux est celui des compétences linguistiques : nous avons besoin de traducteurs pour traduire des interceptions de sécurité en langues complexes. C’est la raison pour laquelle j’avais demandé, dans le cadre de l’élaboration de la loi renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, que soit portée de dix à trente jours la durée d’analyse des interceptions de sécurité. Cela avait suscité des interrogations sur de nombreuses travées : je le comprends, car maintenir l’équilibre entre sécurité et liberté doit être une préoccupation constante.
En ce qui concerne la question de la surveillance des frères Kouachi et de Coulibaly, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité a fait son travail. Nous ne sommes pas là pour procéder à des mises en cause et lancer des accusations : il s’agit de tirer les conclusions et les enseignements de ce qui s’est passé. Cette commission a fait son travail conformément à la loi, comme il convient dans un État de droit. Les frères Kouachi ont été interceptés à plusieurs reprises entre 2011 et 2014. Dans le cadre de ces interceptions, aucun élément témoignant de leur volonté de s’engager dans des opérations à caractère terroriste n’a été décelé. Comme vous le savez, dans un État de droit, les interceptions ne peuvent pas durer indéfiniment.