Cher collègue Dantec, je ne vous en veux pas particulièrement, mais je saisis l’occasion de votre amendement pour m’exprimer sur le fond de cet article 6.
Je considère que notre rapporteur et la commission des lois se sont efforcés de régler la quadrature du cercle et ont progressé par rapport au texte gouvernemental. Toutefois, mon cher collègue, cela n’est pas satisfaisant sur le fond.
Je suis un élu engagé politiquement, monsieur le président de la commission des lois, dans le même groupe que vous, je serai donc solidaire de votre recherche de la quadrature du cercle. J’attire simplement l’attention de mes collègues sur le fait que la probabilité que cela fonctionne est à peu près nulle !
Pour avoir présidé un conseil régional pendant douze ans, je puis vous dire que l’autorité du conseil régional naît de deux atouts qu’il a d’ailleurs progressivement perdus : le premier, c’est l’argent et, à ce titre, la capacité de négocier avec des collectivités locales qui sont indépendantes de lui, mais qui se tournent vers lui pour obtenir les subsides nécessaires à la réalisation d’une salle de spectacles ou d’un contournement routier, ou encore au développement d’une fertilisation pertinente des herbages pour les régions agricoles.
Donc, le conseil régional existait parce qu’il avait de l’argent ! Il se trouve que, progressivement, les conseils régionaux ont accepté, notamment avec le TER, de prendre en charge des dépenses de fonctionnement et que, de proche en proche, leur autonomie financière a considérablement diminué, et, de ce fait, leur attractivité pour les autres collectivités a diminué d’autant. Peut-on rattraper par la loi l’autorité perdue par les finances ? La réponse est non, et c’est la quadrature du cercle que vous nous proposez.
Certes, le texte de la commission est meilleur que celui du Gouvernement. Avec le rapport d’un côté, le formulaire de l’autre, on a le sentiment d’une subtilité où il y a à la fois des principes généraux qui ne sont pas prescriptifs et des formulaires qui le seront sans doute et qui rassemblent celles des prescriptions qui s’imposent, et évidemment pas celles qui ne s’imposent pas puisque, par définition, elles ne peuvent pas exister.
Cela dit, le système est tout de même assez complexe, d’autant plus que le préfet réapparaît, que vous le vouliez ou non, et le texte même de la commission le dit : si le préfet n’est pas content, il indique les modifications qu’il veut voir figurer dans ce schéma. Cependant, les modifications, ce ne sont pas des règles de procédure ; ce sont des éléments de fond. Et comme nous avons toute une série d’amendements qui proposent d’encadrer, de préciser, de spécifier les obligations de ce schéma régional, ce sont autant d’occasions et de prétextes pour des contentieux à venir.
Prenons le simple exemple, évoqué par notre collègue Dantec, de l’usage économe du foncier. C’est un sujet de conflits permanents ! Si une commune a l’occasion de développer une activité industrielle consommatrice d’espace, elle la saisira parce qu’elle préférera les emplois à l’utilisation économe de l’espace.
De la même façon, comment sera considérée l’utilisation économe de l’espace lorsqu’il y aura un projet d’intensification agricole à l’hectare ? Je pense à la célèbre ferme des Mille vaches, en Picardie, où les animaux sont concentrés sur un seul site d’élevage hors-sol. Une telle exploitation est compatible avec l’usage économe du sol, mais incompatible avec les considérations plus écologiques que l’on retrouve dans un certain nombre d’amendements.
Nous sommes en train d’élaborer un dispositif qui ne pourra pas fonctionner. Mais, comme le Sénat doit présenter un texte afin que l'Assemblée nationale ne se retrouve pas face à un vide, je soutiendrai cette rédaction, qui, si elle me semble de bon sens, ne sera – je le redis – vraisemblablement pas applicable.
La première force d’une collectivité, son premier atout, disais-je, c'est d’avoir de l’argent ; la deuxième, d’être un lieu de rencontre. Avec l’interdiction du cumul des mandats, qui fera que les élus se méconnaîtront et s’ignoreront, les conseils régionaux ne seront plus des lieux de rencontre. Sans argent et sans fraternité de combat, vous n’aurez plus cette solidarité qui permettait aux territoires de se réunir, en général – il faut bien le reconnaître ! – contre l’État.