Intervention de Xavier Bertrand

Réunion du 18 juillet 2008 à 10h00
Démocratie sociale et temps de travail — Articles additionnels avant l'article 16

Xavier Bertrand, ministre :

Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Je me suis déjà expliqué avec M. Godefroy sur cette question, mais je voudrais y revenir afin d’être très clair.

Disons le franchement, l’article 17 de la position commune n’est pas là par hasard : il conduit à un quasi statu quo. Alors que, dans tout le texte, figurent les taux de 30 % et 50 %, on ne trouve là que le seuil de 50 %. On sait bien ce qui se passe dans ce cas : pas grand-chose ou rien !

Pourquoi la disposition n’est-elle ouverte qu’à titre expérimental et uniquement sur les heures supplémentaires ? L’enjeu est aussi de simplifier. J’assume le choix qui a été fait : nous avons réduit de 73 à 34 le nombre d’articles traitant de la durée du travail. Nous avons pu nous permettre de simplifier, et pas dans n’importe quelles conditions, parce que nous disposons d’une garantie clé dans l’entreprise : l’accord à 30 % et 50 %.

Monsieur Godefroy, nous n’avons pas la même conception de la durée du travail. Si je ne me trompe, vous croyez encore au partage du travail. Mais ce n’est pas ma conception : j’estime que nous ne pouvons pas partager ce qui manque aujourd’hui. §Il faut plutôt accroître la quantité de travail dans notre pays et en améliorer la qualité. Travailler plus, oui, mais aussi travailler mieux !

Vous faites un autre choix, mais nous nous en tenons à ce que nous avons dit pendant la campagne présidentielle, qui a été redit par le Président de la République en novembre dernier, et que nous avons écrit en décembre. Nous n’allons pas annoncer aux Français : nous voulions le faire, mais les syndicats n’en ont pas voulu, alors, tant pis pour vous, nous ne tiendrons pas nos engagements. Certainement pas ! Il s’agit d’une question de responsabilité politique.

Nous avons toujours été clairs avec les partenaires sociaux et, je le répète, nous l’avons même écrit dans le texte complémentaire que le Premier ministre a transmis aux partenaires sociaux après la conférence sociale du 19 décembre 2007. Aussitôt, entre Noël et le jour de l’an, les syndicats ont réagi. Ils se plaignaient qu’on ne les laisse pas négocier comme il le fallait et s’étonnaient que le Gouvernement veuille aller jusque-là. Pourtant, j’insiste, c’est ce que nous avons toujours dit ! Je n’ai polémiqué avec personne, et certainement pas avec les partenaires sociaux, ce qui laisserait des traces, car, en tant que ministre du travail, je ne suis pas là pour cela, mais pour réussir des réformes.

Vous m’interrogez sur la façon dont va dorénavant se dérouler le dialogue social. J’ai pris hier la décision d’ouvrir des discussions sur la pénibilité, et j’ai annoncé que j’allais rencontrer les partenaires sociaux sur cette question. Pour ne rien vous cacher, je leur en avais déjà parlé. J’ai en effet revu mes interlocuteurs à différentes reprises pour parler des sujets qui sont sur la table.

Rappelez-vous, en novembre, durant les neuf jours de grève contre la réforme des régimes spéciaux, on entendait dire que, si nous avions cherché le dialogue social sur le service minimum, là nous n’avions rien compris et nous avions « cassé » toute chance de dialogue social en France.

Or, deux mois après, nous sommes parvenus à l’accord du 11 janvier 2008. Le dialogue social est plus important et plus fort que tout. Il n’a pas pour vocation de faire plaisir au Gouvernement ou au ministre du travail, mais il doit permettre de trouver les bonnes solutions pour réformer notre pays en matière économique et sociale. Voilà pourquoi il ne faut pas prendre comme un drame le fait que nous ne soyons pas d’accord sur tout.

Je ne reproche pas aux syndicats d’avoir fait de la réduction du temps de travail une question identitaire. Mais je ne veux pas non plus qu’on nous reproche d’avoir une autre conception du sujet. Je ne confonds pas responsabilité sociale et responsabilité politique, alors acceptez que chacun, le Gouvernement comme les syndicats, prenne ses responsabilités !

Je l’avais annoncé avant même l’accord du 11 janvier, et le Président de la République l’avait dit encore plus clairement ici-même, salle Clemenceau, devant l’Association des journalistes de l’information sociale : si les partenaires sociaux parviennent à un accord, les modalités pouvant être différentes de ce que nous avions prévu, nous le transposons ; s’il n’y a pas d’accord, nous intervenons ; si l’accord est incomplet, nous le complétons.

Nous n’avons pas eu à intervenir en ce qui concerne l’accord du 11 janvier, mais là c’était nécessaire. Certains avaient reconnu que nous pouvions avoir une légitimité à intervenir, mais qu’il ne fallait pas relier les deux textes. Au demeurant, prévoir deux textes au lieu d’un seul n’aurait pas permis une application immédiate du dispositif dès l’entrée en vigueur de la loi sur les contingents d’heures supplémentaires. Nous ne pouvions plus attendre encore six mois, neuf mois, un an, deux ans, pour sortir du carcan des 35 heures. J’assume complètement ce choix devant vous. Est-ce que cela nuit pour autant aux perspectives du dialogue social en France ? Non, parce que le dialogue social n’est pas lié à un seul texte. Sinon, tout aurait été fini avec la réforme des régimes spéciaux.

Nous n’avons pas la même conception, soit ! Mais assumons nos différences !

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