Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 16 janvier 2015 à 21h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Article 9

Photo de Gérard LonguetGérard Longuet :

Ce n’est pas nécessairement un inconvénient que d’avoir un peu d’expérience.

Madame la ministre, je vous ai écoutée avec une extrême attention évoquer la diversité des moyens financiers des départements en matière de routes. Cette diversité, je l’ai bien connue moi-même, en tant président de la région Lorraine : 5 kilomètres de voirie par habitant en Meuse, 1 kilomètre par habitant en Moselle.

L’inégalité est donc inscrite dans la réalité des routes départementales.

Est-ce suffisant pour dire que la bonne réponse se trouve dans un transfert aux régions ? Votre explication ne m’a pas convaincu et je vais vous dire pourquoi.

Le réseau routier est un système finalement assez simple, qui a profondément évolué depuis trente ans.

Vous avez un réseau national et international qui, pour l’essentiel, s’organise autour d’autoroutes – dont la plupart sont désormais privées – et de quelques routes nationales à deux fois deux voies, qui sont gratuites, et c’est tant mieux.

Toutes les capitales régionales sont desservies soit par une autoroute, soit par une route nationale à deux fois deux voies. Accéder à la capitale régionale est aujourd’hui relativement facile et les élus cherchent à faire en sorte que les différents points de l’espace territorial dont ils ont la charge ne soient pas à plus d’une demi-heure d’un échangeur. Lorsque vous êtes à moins d’une demi-heure d’un échangeur, vous êtes dans le réseau national et, globalement, votre problème est réglé. Ce n’est pas vrai de toutes les régions de France, je le sais bien, mais c’est le cas de 80 % d’entre elles.

La seconde fonctionnalité des réseaux routiers est l’accès au bassin d’emploi. Celui-ci est généralement local. Très souvent, les salariés vont au chef-lieu de département ou d’arrondissement, parcourant une trentaine de kilomètres pour aller travailler. Dans leurs relations quotidiennes, ils ne vont quasiment jamais au chef-lieu de la région d’aujourd’hui et ils iront encore moins au chef-lieu de la région de demain. D’ailleurs, s’ils devaient y aller, ils emprunteraient les autoroutes.

Le concept de route d’intérêt régional n’existe donc pratiquement pas… mais il existe quand même.

Nous avons accepté, à l’article 6, le principe d’un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire. La réponse est très simple : laissons les routes aux départements et, à travers cette responsabilité du schéma d’aménagement du territoire, traitons les deux questions qui sont effectivement posées.

La première question est celle des continuités supradépartementales ou interdépartementales d’intérêt régional, qui représentent certainement moins de 10 % des routes départementales. À cette première question correspond une première ouverture : faisons en sorte que ces itinéraires reconnus par le schéma régional soient subventionnés par la région, pour que les propriétaires que sont les départements fassent l’effort de les aménager.

La seconde question est celle des financements. D’où cette seconde ouverture : faisons en sorte qu’il y ait une péréquation régionale. D’ailleurs, jusqu’à une certaine époque, toutes les régions la pratiquaient. Et puis elles se sont arrêtées d’intervenir pour des raisons qui sont, généralement, d’ordre idéologique.

Vous allez sans doute, madame le ministre, me demander : « Mais pourquoi diable êtes-vous tellement attachés à la départementalisation ? » Ce serait oublier qu’entre la route et l’usager un tiers important intercède : l’élu.

Les départements, survivance tardive de la Révolution française, sont certes archaïques et inégaux. Ils ont toutefois un immense avantage : leurs élus qui siègent au conseil général sont accessibles, comme le sont du reste la plupart des élus.

Ainsi, lorsqu’il faut déneiger une route, aménager un carrefour dangereux ou redresser un virage, les maires, qui représentent en général les populations, savent à qui s’adresser.

Avec le conseil régional, assemblée profondément politique, élue à la proportionnelle départementale, le système ne fonctionnera plus et le lien entre l’usager et le décideur sera coupé.

C’est la raison pour laquelle ce sujet déchaîne autant de passions.

Nous avons quelque chose qui fonctionne et qui pourrait être perfectionné par le simple jeu d’une implication régionale fondée sur le schéma d’aménagement du territoire. Cela suffirait largement, en laissant les services opérationnels aux collectivités contrôlées par les élus de proximité.

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