Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 19 janvier 2015 à 16h00
Nouvelle organisation territoriale de la république — Article 14

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Voilà déjà sept mois – c’était le 18 juin 2014 – que le conseil des ministres a adopté le projet de loi NOTRe. Depuis cette date, les commissions départementales de coopération intercommunale, les CDCI, dont il sera beaucoup question dans le chapitre du texte dont nous abordons l’examen, ont eu le temps d’anticiper son application et d’analyser sa faisabilité.

En tant que maire, je siège comme assesseur au sein de la CDCI de mon département. Ce cumul des mandats, je tiens à le signaler, permet à chaque parlementaire concerné de se confronter à la réalité du terrain.

En accord avec le préfet, nous avons décidé de rencontrer en priorité les élus communautaires des huit communautés de communes de moins de 20 000 habitants. L’objectif est de faciliter le rapprochement des EPCI directement visés par ce projet de loi avec les intercommunalités voisines, dans la perspective de la révision du schéma départemental de coopération intercommunale au 1er janvier 2016.

Il est communément admis que les facteurs à prendre en considération pour justifier au mieux les rapprochements sont les bassins de vie et l’activité économique. Or ce n’est pas si simple.

Pour illustrer concrètement mon propos, permettez-moi d’évoquer trois situations différentes. Dans les trois cas, il s’agit d’intercommunalités qui s’inscrivent dans l’esprit du projet de loi, mais qui rencontrent des difficultés pour s’y conformer.

La première situation est celle de quatre communautés dont les bassins de vie sont interdépendants. Ces communautés sont réunies au sein d’un même schéma de cohérence territoriale, ce qui a favorisé l’émergence d’un projet de fusion. Cette perspective apparaît d’ailleurs dans le schéma départemental adopté dès 2006. Toutefois, les conditions de majorité n’ayant pas été atteintes, le projet a échoué en 2013.

Aujourd’hui, seule l’une de ces quatre intercommunalités se situe en dessous du seuil de 20 000 habitants : la communauté de communes de Sèvre, Maine et Goulaine, qui compte 14 255 habitants. Les maires de cet EPCI se sont exprimés à l’unanimité en faveur d’un regroupement avec une ou plusieurs autres intercommunalités. Or, si aucun des trois autres EPCI ne décide clairement de fusionner, que se passera-t-il ? Comment le préfet pourrait-il imposer une solution ?

Il est à noter que ces quatre communautés sont très différentes eu égard à leur niveau d’endettement, mais également aux compétences qu’elles se sont attribuées.

De l’étude de ce premier cas, il ressort que ce n’est pas parce que l’on souhaite se marier que l’on trouve l’âme sœur. Devons-nous obliger des intercommunalités à contracter une union non consentie ? Quel en serait le résultat ?

La deuxième situation est celle de deux communautés de communes, celle de la région de Nozay, qui compte 15 000 habitants, et celle de Blain, qui en recense 15 500. Ces deux intercommunalités ont fait connaître leur intention de se rapprocher, mais elles appartiennent à des schémas de cohérence territoriale différents. Avant de conclure une fusion, les deux EPCI doivent se mettre d’accord sur le SCOT de rattachement. Le cinquième alinéa de l’article L. 122-5 du code de l’urbanisme prévoit une adhésion de plein droit au SCOT du territoire dont la population est la plus nombreuse. Or dans ce cas, l’écart de population est très faible et peut évoluer dans un sens ou un autre.

C’est là l’autre écueil d’une loi qui manquerait de souplesse. Il convient en effet dans cet exemple de veiller à la cohérence globale des rapprochements en étudiant leur incidence au niveau des périmètres supra-communautaires.

Dans les deux cas que je viens d’évoquer, la mise en œuvre d’études par les collectivités est nécessaire pour nourrir la réflexion des élus. Je suis persuadé qu’il ne faut pas précipiter les choses. Il faut laisser du temps à la concertation.

À cet égard, permettez-moi de citer Jean-Paul Delevoye : « Aucune politique ne peut être acceptée et appliquée telle la parole divine et infaillible : le temps de l’explication et de l’acceptation de la décision est bien plus important que le temps de la décision elle-même. »

Ces deux situations montrent à quel point il est difficile d’appliquer la loi, malgré la volonté réelle des élus d’aller dans le sens du texte.

Ce n’est pas en fixant la barre à 20 000 habitants que nous apportons une réponse aux exemples que je viens de citer, alors que certains maires s’y sont déjà engagés. Nous tombons dans les mêmes travers que pour le seuil de 25 % de logements sociaux, lequel n’apporte pas de solution.

Pourquoi définir un seuil au lieu de faire confiance au bon sens des élus locaux qui ont en charge l’équilibre des territoires et qui connaissent leurs spécificités ?

Enfin, la troisième situation que je tiens à évoquer est celle de la communauté de communes de Pornic.

Les articles 18, 19 et 20 du projet de loi ont pour objet de compléter le champ des compétences nécessaires et optionnelles des communautés de communes et des communautés d’agglomération pour qu’elles soient éligibles à une bonification de la dotation globale de fonctionnement. Trois nouvelles obligations sont ajoutées : la création d’un office du tourisme, l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires d’accueil des gens du voyage, enfin, la création et la gestion de maisons de services au public.

Pour être éligible à la DGF bonifiée, une communauté de communes devra donc exercer six compétences dans la liste des onze qui sont prévues. L’ajout d’un seuil de population me paraît regrettable alors que ces obligations sont parfois déjà satisfaites en raison de l’activité ou du dynamisme des communes.

Aussi, je souhaite soulever un élément de bon sens concernant les communautés d’agglomération et les communes littorales.

Il me semble pertinent que la population DGF des communes littorales, dites « centres », disposant d’un classement en station de tourisme puisse être prise en compte pour l’appréciation du seuil des 15 000 habitants.

En effet, les communes classées stations de tourisme disposent d’infrastructures et de services d’envergure, bien souvent surdimensionnés et suréquipés par rapport aux besoins de la population des résidences principales. Ils doivent prendre en compte une grande partie de l’année les besoins de la population des résidences secondaires, mais aussi la fréquentation touristique.

Le classement en station de tourisme est le signe d’un engagement fort de la commune. Elle s’engage à proposer des services publics de qualité, et ce dans des domaines très larges, qui vont bien au-delà des services offerts sur des territoires non touristiques. La prise en compte de la population DGF pour la commune-centre classée en station de tourisme est donc pertinente.

Pour conclure, dans un contexte de montée en puissance de l’échelon régional, de raréfaction des deniers publics, de clarté et d’efficacité de l’action publique, les élus communautaires ont déjà engagé des réflexions afin d’agrandir les communautés de communes, voire de créer des communautés d’agglomérations. Leur volonté est de répondre efficacement aux besoins en services de leur population. Ils sont déjà dans une logique de coconstruction.

Il ne saurait y avoir de bonne loi territoriale sans souplesse. D’ailleurs, les pôles d’équilibre territoriaux et ruraux qui ont été créés au 1er janvier 2015 favorisent les échanges sur des sujets intercommunautaires. Pour autant, il est essentiel que les rapprochements ne résultent pas d’une simple volonté administrative.

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