Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 19 janvier 2015 à 21h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Article 14

Marylise Lebranchu, ministre :

Dans le texte initial refondu par la commission des lois, nous avions envisagé, en utilisant la clause de revoyure de la dernière loi sur laquelle nous nous sommes alignés concernant les dates, de réintroduire un seuil de 20 000 habitants pour nos intercommunalités, estimant que, pour sauver les communes, rien ne vaut bien souvent l’intercommunalité ; encore faut-il que des bases fiscales importantes lui permettent d’agir.

Nous avons attentivement relu l’excellent travail réalisé, département par département, par le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, qui a bien montré que ce seuil était un objectif largement atteignable ; nous avons entendu les uns et les autres, en considérant les remarques des élus au cours de nos nombreux déplacements, notamment à Caen, monsieur le président de la commission des lois, mais aussi les observations des associations départementales des maires de France ou des préfets : nous en avons retenu qu’il fallait envisager, non pas des dérogations, car ce mot choque les élus de montagne, mais des adaptations.

Le Premier ministre s’est engagé en ce sens lorsque la densité démographique et/ou la géographie ne permettent pas de constituer des intercommunalités de 20 000 habitants qui fonctionnent dans de bonnes conditions pour les élus, et donc pour les populations.

Face à cette évidence, nous avons envisagé une première adaptation pour les intercommunalités dont la densité démographique est inférieure de moitié à la densité moyenne du département.

D’autres critères, dont nous nous étions ouverts auprès de M. Larcher, ont été testés, comme celui de la distance entre le siège de l’intercommunalité et la commune la plus éloignée de ce dernier. Nous nous sommes toutefois aperçus que le critère de la densité démographique recouvrait tous les autres. Les résultats des simulations sont en effet les mêmes, que l’on retienne la densité démographique, la distance ou le nombre de communes.

Le critère de la densité permet donc de régler nombre de cas, en zones de montagne ou ailleurs. Cette première adaptation tient compte à la fois des observations des élus de montagne sur la nécessité de retenir un seuil différent et des remarques formulées par beaucoup de maires, de présidents de conseils généraux et de parlementaires qui connaissent dans leurs départements des zones de faible densité démographique.

Nous proposons une autre adaptation qui, pour sa part, devient dérogation, car elle n’est pas de la même nature.

En effet, si certaines intercommunalités qui viennent de se constituer depuis le 1er janvier 2012 ne comptent que 17 000 habitants, nous n’allons pas leur demander de tout recommencer.

Le cas est le même lorsque, dans une zone donnée, on peut constituer deux ou trois intercommunalités de 20 000 habitants, puis qu’il reste 17 000 habitants à regrouper.

Si le critère de la densité démographique permet de régler la très grande majorité des problèmes, nous devons aussi prendre en compte le cas des intercommunalités récemment créées – on ne peut pas leur demander de revoir leur copie pour trouver 3 000 ou 4 000 habitants supplémentaires –, et celui des zones frontalières ou littorales qui ne comptent pas suffisamment d’habitants pour atteindre le seuil de 20 000 habitants.

J’en viens aux territoires insulaires. Très peu sont concernés, mais une demande est intervenue de Belle-Île-en-Mer, qui compte plusieurs communes et peut donc constituer une intercommunalité. À l’inverse, d’autres îles appartiennent depuis longtemps à des communautés de communes qui, bien qu’elles soient rurales et dirigées par une majorité de même sensibilité politique que la majorité actuelle du Sénat, estiment que le seuil de 20 000 habitants constitue, pour un territoire rural, le minimum requis pour pouvoir se développer. Ainsi, l’île de Batz, que le président Larcher connaît bien pour avoir eu l’honneur de la visiter, a rejoint la communauté de communes du Pays Léonard.

Il convient de prendre en compte les questions posées, essentiellement, par Belle-Île-en-Mer et l’île de Ré, dont les communes abritent suffisamment d’habitants pour qu’elles puissent travailler ensemble et progresser en s’appuyant sur des outils de développement non négligeables comme le tourisme et l’agriculture.

Des adaptations d’une part, des dérogations d’autre part et, je l’espère, une façon d’avancer qui se traduira par une instruction aux préfets pour leur demander de prendre en compte ces différents critères, en premier lieu celui d’une densité démographique inférieure de moitié à la densité moyenne du département : telle est, monsieur le rapporteur, exposée aussi sommairement que possible, la nouvelle proposition du Gouvernement, issue des multiples discussions que nous avons eues avec les acteurs concernés.

Il faut avoir un horizon, mais aussi faire preuve de bon sens et développer une capacité d’adaptation ou de dérogation pour pouvoir prendre en compte toutes les situations.

Pour conclure, on voit bien que ce sujet suscite des doutes sur la façon de travailler en intercommunalités.

Nous avons discuté tout à l’heure du risque de perte d’identité, mais celui-ci peut être écarté, me semble-il, tant que la commune subsiste. En revanche, que confie-t-on à l’intercommunalité, que peut-on faire ensemble pour lutter contre les violentes inégalités entre les territoires ?

Il me semble qu’une petite intercommunalité perdue au milieu d’une zone de densité démographique moyenne à l’échelle de la France n’a pas beaucoup de chance de résister à une nouvelle concurrence entre les territoires. Aujourd’hui, l’association des maires ruraux s’inquiète notamment du fait que les intercommunalités rurales affichent souvent un faible taux d’emprunt et une pression fiscale très basse, car la base fiscale est tout simplement insuffisante pour mobiliser une population sur des projets structurants.

Au nom de l’intérêt général que nous devons défendre – c’est la mission d’un exécutif –, nous devons être lucides sur les difficultés de ces intercommunalités, dont certaines ne sont même plus en mesure de faire face aux dépenses liées à leur école primaire.

Je ne sais pas si l’on rendrait service à ces intercommunalités en les empêchant de disposer de moyens supplémentaires. En effet, le monde est difficile, et ceux de nos concitoyens qui partent vivre en milieu rural, s’ils acceptent d’avoir peu de services au début, ne l’acceptent souvent pas longtemps, quitte à devenir parfois un peu « difficiles », selon les termes des ruraux.

De la même façon, nous devons gagner dans nos territoires ruraux la bataille du maintien de la terre agricole et du développement de l’agroalimentaire, qui est en danger aujourd’hui, et qui le sera demain si l’on n’y prend garde. J’ai souvent insisté sur ce point, non pas pour défendre absolument nos territoires ruraux, mais pour les porter, car ils nous sont vraiment indispensables.

Quand on parle de densification, de prise en compte de tous ces mètres carrés précieux qui sont ceux de l’agriculture ou des espaces naturels qui nous protègent, il faut que l’intercommunalité en charge de ces terres dispose de quelques moyens. Or ceux-ci sont très limités quand on regroupe trop peu d’habitants.

C’est pourquoi le Gouvernement a ouvert le débat avec cet amendement, qui prévoit ces adaptations et ces dérogations.

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