Madame la secrétaire d'État chargée du développement et de la francophonie, ma question s'adressait aussi à Geneviève Fioraso, secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche.
À Paris comme à Bruxelles, on a célébré il y a peu la naissance du nouveau programme européen de mobilité des jeunes dénommé « Erasmus Plus ».
C’est un bilan plutôt qu’un projet qui a été salué, car Erasmus Plus est en vérité le rassemblement sous une même appellation de plusieurs programmes de mobilité – scolaires, étudiants, enseignants, formation professionnelle… – qui étaient jusqu’alors dispersés sous différents vocables.
Je m’empresse néanmoins de dire qu’avec trois millions de jeunes européens en mobilité depuis la création du programme en 1987, Erasmus est une réussite incontestable.
La réserve que j’apporte à ces célébrations « erasmussiennes » est donc de l’ordre non pas de la critique, mais plutôt du regret : celui que le programme Erasmus, compte tenu de ses qualités, ne parvienne toujours pas à toucher davantage d’étudiants. Et encore, la France, avec plus de 30 000 étudiants en mobilité entrante et 35 000 en mobilité sortante chaque année, fait figure depuis l’origine de très bon élève du programme. Mais chacun comprendra bien que 35 000 étudiants en mobilité sortante Erasmus chaque année, cela ne fait pas beaucoup rapporté à près de deux millions d’étudiants.
L’aspect financier reste sans doute le frein le plus fort. Avec une moyenne d’aide de 272 euros par mois, les dépenses sont toujours bien supérieures aux bourses. Le problème n’est pourtant pas que financier. On le sait, d’autres facteurs de blocage interviennent, qu’ils soient d’ordre linguistique, culturel ou académique. Une communication souvent insuffisante au sein des universités est également en cause.
Mon regret est d’autant plus vif qu’une telle situation pose une question à mon sens extrêmement importante dans le contexte de la mondialisation des savoirs et des emplois, et qui est au cœur de mon propos : celle de l’inégalité croissante des jeunes Français devant la mobilité étudiante. Pour faire simple, presque 100 % des étudiants des grandes écoles de commerce ou d’ingénieurs effectueront une mobilité contre moins de 5 % des étudiants d’universités, auxquels on peut ajouter la grande majorité des étudiants en formations courtes. Et ces 5 % sont le plus souvent issus de familles aisées. Pourtant, la mobilité des jeunes est aujourd’hui vitale pour leur avenir.
Le monde étudiant est victime d’une vraie fracture de mobilité. C’est une vraie fracture sociale qui sépare les universités des écoles, les étudiants favorisés des plus modestes.
Autrefois, il y avait deux catégories : ceux qui avaient fait des études supérieures et ceux qui n’en avaient pas fait. Aujourd’hui, il y a, d’un côté, ceux qui ont fait une mobilité à l’étranger et, de l’autre, ceux qui n’ont pas eu cette chance.
On sait que sur ce sujet, c’est l’argent qui est le nerf de la guerre. Alors, madame la secrétaire d'État, je vous interroge : comment faire ? Comment réagir ? Que prévoit le Gouvernement ? Les prêts prévus dans Erasmus Plus et qui viendront s’ajouter aux bourses seront indéniablement utiles, mais ce ne sera manifestement pas assez. Nationalement, nous devons donc faire davantage pour nos étudiants, d’autant plus qu’un potentiel existe : trois quarts des étudiants se disent intéressés par une mobilité pendant leurs études. Certes, ma question s'adresse plus à Mme la secrétaire d'État chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche…