Intervention de Corinne Imbert

Réunion du 20 janvier 2015 à 10h30
Questions orales — Accueil des mineurs isolés étrangers et répartition des missions afférentes entre départements et état

Photo de Corinne ImbertCorinne Imbert :

Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention et celle de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les conditions d’accueil des mineurs isolés étrangers et sur la prise en charge de ce public par les départements.

À ce jour, les services de la protection de l’enfance connaissent de grandes difficultés dans la gestion de ce public, en termes tant d’accueil que de détermination de l’âge de ces jeunes. Leur accueil semble, aujourd’hui, relever davantage de la politique migratoire de notre pays et ne se situe absolument pas au niveau de la protection de l’enfance, gérée par les départements. Ainsi, il reviendrait plus naturellement à l’État d’assumer cette politique, notamment à travers les centres d’accueil des demandeurs d’asile, tout en tenant compte, bien sûr, de l’âge de ces jeunes.

Il est donc regrettable que la proposition de loi portée au Sénat en mai 2014 par M. Jean Arthuis n’ait pas été adoptée ; elle prévoyait pourtant d’organiser au niveau régional ou interrégional l’accueil et l’évaluation de tous les mineurs isolés étrangers.

Le rapport, rédigé en 2010, de notre collègue Isabelle Debré, parlementaire en mission, pointait déjà le fait qu’il était plus convenable que l’État organise cette prise en charge et non les conseils généraux, et ce au titre de la maîtrise des flux migratoires.

À partir du dispositif de prise en charge actuel, il est constaté, de surcroît, que, dès lors que le nombre de ces jeunes était relativement modeste, il était encore envisageable de construire, pour eux et avec eux, des parcours en coordination avec l’éducation nationale.

Mais ce phénomène, identifié depuis les années 1980, s’est amplifié et s’est organisé en véritables filières depuis le début des années 2000. À ce jour, il n’est, malheureusement, plus possible d’accompagner ces jeunes de la même façon : l’éducation nationale n’est plus capable d’offrir une scolarité de qualité pour ce public.

Nous constatons également l’impossibilité d’offrir une formation professionnelle de qualité à ces jeunes, afin qu’ils puissent s’insérer, à leur majorité, sur le marché de l’emploi. Sans caricature, bien sûr, ni même remise en question du principe de l’accueil et de la solidarité dont fait preuve la France, et à laquelle nous sommes tous attachés, l’interrogation porte sur le gestionnaire de ce public et les moyens afférents. La circulaire du 31 mai 2013, relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers avait instauré une contribution financière forfaitaire de l’État. Mais cela ne suffit pas devant l’augmentation exponentielle et conjoncturelle d’accueil dudit public.

Pour le seul département de la Charente-Maritime, quinze mineurs isolés étrangers étaient accueillis en 2011. Plus de quatre-vingt-dix ont été accueillis en 2014, soit six fois plus, engendrant un coût avoisinant les 4 millions d’euros, répartis entre la prise en charge de ces jeunes par le foyer départemental de l’enfance et les familles d’accueil.

Madame la secrétaire d’État, je tenais à vous alerter sur la réalité des difficultés des départements dans ce domaine, et je souhaite également vous demander ce que vous comptez faire, afin de permettre une véritable réflexion sur ce sujet sensible, qui doit être de la compétence de l’État, sans se réfugier derrière la plateforme nationale, et en donnant les moyens aux institutions adaptées d’assurer cet accueil spécifique.

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