Intervention de Annie David

Réunion du 18 juillet 2008 à 10h00
Démocratie sociale et temps de travail — Article 16

Photo de Annie DavidAnnie David :

Toutes les études l’attestent, le recours aux heures supplémentaires ne fait pas recette, et ce malgré les mécanismes d’exonération de cotisations sociales que vous avez mis en place, considérant visiblement que le temps travaillé au-delà de la durée légale du travail n’avait pas, pour les organismes sociaux et leur équilibre, la même valeur.

La conséquence, nous la connaissons : des comptes sociaux appauvris et en grande difficulté ! Cela permet à votre gouvernement de suggérer une énième réforme reposant, comme toujours, sur la participation financière des citoyens.

Ainsi, seuls 30 % des salariés à temps plein effectuent aujourd’hui des heures supplémentaires, et encore pour à peine 55 heures sur le contingent de 220 heures actuellement en vigueur. Monsieur le rapporteur, vous nous disiez tout à l’heure rencontrer beaucoup de Français réclamant de faire des heures supplémentaires. Force est de constater qu’ils sont peu nombreux à pouvoir en effectuer actuellement !

Une question s’impose alors, pourquoi vouloir accroître ce contingent puisque 55 heures seulement sont réalisées sur 220 ? Pour laisser le choix au salarié, dites-vous. Mais les salariés ne veulent pas s’user au travail, et le débat que vous faites naître est déséquilibré, car vous ne posez pas la bonne question. Vous demandez aux salariés s’ils veulent travailler plus pour gagner plus.

Vous n’avez pourtant jamais accepté les amendements déposés par notre groupe visant à proposer de manière prioritaire les heures supplémentaires aux salariés les plus précaires, ceux, et surtout celles, qui sont embauchés à temps partiel ou très partiel.

Dans ce contexte de paupérisation, bien entendu les salariés veulent gagner plus ! Mais pouvez-vous réellement affirmer que, pour ce faire, ils entendent accumuler des journées de travail de 10 heures ? Ne pensez-vous pas que, dans cette fausse question, les salariés ne veulent qu’une chose, obtenir une juste rémunération ?

Décidément, vous ne connaissez pas les préoccupations des salariés de ce pays ! Je ne dis pas que vous ne connaissez pas le monde de l’entreprise : cette connaissance, vous l’avez démontrée. Je dis simplement que vous méconnaissez les attentes des salariés de notre pays.

Mais peut-être ignorez-vous également celles des petites et très petites entreprises pour lesquelles la priorité n’est pas la multiplication des heures supplémentaires.

Pourquoi alors cet entêtement à vouloir généraliser les heures supplémentaires, alors même que, vous le savez, elles ne seront jamais utilisées pleinement ?

Pour offrir plus de liberté aux entreprises ? Elles en disposent déjà assez et leurs carnets de commandes ne leur permettent pas de proposer plus de 55 heures supplémentaires.

Non, la vérité est ailleurs. Vous voulez tout simplement remodeler le paysage juridique pour permettre aux employeurs de disposer de tous les outils possibles à un management fondé sur la flexibilité imposée. Vous aurez alors beau jeu d’annoncer dans la presse, ou dans cet hémicycle, que la flexibilité doit être choisie et non subie.

Ce que vous voulez, c’est un droit du travail amoindri, réduit au minimum. La recodification du code du travail a été la première étape, et vous poursuivez dans la ligne.

D’ailleurs, le code du travail deviendra bientôt une relique de l’histoire de notre droit social puisque vous permettez la prédominance de l’accord individuel, que vous nommez de manière mensongère de gré à gré, et de l’accord collectif sur la loi ou les conventions collectives et l’accord de branche.

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