Je suis fier d'être pressenti pour prendre la direction de ce grand établissement de recherche public à caractère industriel et commercial. Depuis 70 ans, cet organisme exceptionnel a contribué à l'excellence scientifique française, à la sécurité et à la compétitivité de notre pays. Je mesure le poids et la responsabilité que d'être à la tête de 16 000 salariés chercheurs, ingénieurs, techniciens et personnels administratifs de haut niveau et qui ont su faire reconnaître dans le monde entier la qualité de la recherche française tout en offrant à notre pays une dissuasion crédible.
Je suis ingénieur et chercheur, diplômé de l'École centrale de Paris. Je suis entré au CEA en 1977 pour y accomplir mon service national puis, l'année d'après, comme ingénieur. J'ai effectué toute ma carrière au sein de la direction des applications militaires tout en ayant exercé de 1997 à 2000 la fonction de directeur scientifique pour la simulation numérique auprès du Haut-commissaire René Pellat.
Mathématicien et informaticien, j'ai occupé successivement plusieurs postes de recherche et de management : c'est ainsi que j'ai été le premier directeur du programme de simulation français, puis que j'ai dirigé le centre CEA DAM-Île de France à Bruyères-le-Châtel, avant d'être nommé en 2007 directeur des applications militaires.
Le CEA est l'un des rares organismes de recherche à avoir été bâti autour d'une thématique. Sa devise, « De la recherche à l'industrie », traduit bien le positionnement voulu par ses créateurs, le général de Gaulle et Frédéric Joliot-Curie, qui perdure encore. Le CEA est en effet organisé autour de cinq grands pôles opérationnels.
Parce que la physique nucléaire est la fille aînée de la physique et de la science, le premier pôle est la direction des sciences de la matière : largement ouverte sur la communauté de la recherche mondiale, elle a pour mission d'apporter à l'ensemble du Commissariat tous les savoirs fondamentaux dont il a besoin.
Les directions de l'énergie nucléaire et des applications militaires développent les applications civiles et militaires de l'atome, mais aussi des énergies alternatives. La direction de l'énergie nucléaire transmet son savoir aux industriels et mène des recherches appliquées sur cette thématique. La direction des applications militaires a en charge la partie nucléaire des programmes d'armement de la dissuasion française, de même que la lutte contre la prolifération et le pilotage des programmes de sécurité nationale confiés au CEA.
L'actuelle direction de la recherche technologique (CEA-Tech) utilise et transfère vers l'industrie française, notamment les petites et moyennes entreprises (PME), les savoirs, les technologies et les méthodes développées par le CEA. L'innovation tient le plus souvent à la combinaison de plusieurs domaines. Ainsi, le développement des énergies renouvelables croise les connaissances sur les matériaux, les semi-conducteurs et les technologies de l'information. Cette direction se ressource régulièrement en puisant dans les travaux financés par les programmes nucléaires.
Enfin, dès la découverte des premières propriétés du noyau des atomes, les scientifiques ont compris que l'interaction du rayonnement et du vivant pouvait présenter des dangers. A la création du CEA, Joliot-Curie a voulu que cette interaction soit étudiée pour mieux s'en préserver, mais aussi pour appliquer les connaissances ainsi produites.
Les profondes évolutions du CEA ces dernières années se sont concrétisées par son changement de patronyme en 2010 lorsqu'il est devenu le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives. Depuis plus d'une décennie, le Commissariat a voulu développer les énergies décarbonées, en transférant à l'industrie les résultats de ses recherches, le but étant d'améliorer le rendement et le stockage des énergies renouvelables en assurant la complémentarité entre le nucléaire et les énergies alternatives.
Depuis sa création, le CEA a valorisé ses travaux en transférant ses applications non nucléaires à l'industrie française. Je rends hommage à tous ses personnels qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes à la science et à notre pays, et en particulier aux hauts commissaires et administrateurs généraux qui se sont succédé : de Frédéric Joliot-Curie à Yves Bréchet, de Raoul Dautry à Bernard Bigot, qui a été mon patron pendant six ans.
La transition énergétique est indispensable. Nos sociétés occidentales se sont développées grâce aux énergies fossiles, dont les réserves sont limitées. De plus, leur consommation est nocive pour la santé et amplifie l'effet de serre. Nous devons donc faire appel à des énergies bas-carbone et améliorer l'efficacité énergétique.
Les énergies décarbonées représentent plus des deux-tiers des travaux financés par l'État. Le gouvernement a demandé au Commissariat de contribuer au redressement industriel de notre pays, en créant des plateformes régionales de transfert de technologies (PRTT). Ces programmes, qui répondent aux enjeux de la transition énergétique, ne doivent pas être redondants avec ceux d'autres organismes de recherche, d'où les alliances comme l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE) ou l'Alliance nationale de recherche pour l'environnement (AllEnvi). Notre pays n'est plus assez riche pour financer des doublons dans la recherche, sauf lorsqu'il y a lieu de stimuler la concurrence.
Le CEA s'est doté d'un outil exceptionnel de soutien et de transfert au tissu industriel français. Cette action est conduite en étroite collaboration avec les régions, les départements et les organismes de recherche présents.
Six enjeux principaux détermineront l'avenir du CEA. Celui-ci, qui atteint l'âge respectable de soixante-dix ans, va devoir s'interroger sur son mode de gouvernance : je devrai conforter la confiance que nous accordent les quatre ministères de tutelle et la représentation parlementaire afin que chacun ait une bonne vision de notre action. Il faudra renforcer les plans à moyen et long termes - qui sont les documents navettes entre les tutelles et le CEA - et les contrats d'objectifs, pour que l'information soit transparente.
Le second enjeu sera de préserver l'équilibre financier du CEA. Le redressement des comptes publics de l'État a conduit le Gouvernement à demander aux organismes de recherche et à l'administration de nouveaux efforts. Le CEA a renforcé son dialogue avec ses tutelles pour identifier les priorités à préserver et il aura à s'interroger sur le calendrier et la conduite des projets dont il est responsable.
L'amélioration de la sûreté et de la sécurité du nucléaire est le troisième enjeu : l'accident de Fukushima nous a conduits à mettre en place un plan de mesures complémentaires de sûreté qu'il convient de mener à son terme. En outre, le CEA doit améliorer la mise en oeuvre des mesures de protection des matières nucléaires.
Quatrième enjeu, le soutien à la filière nucléaire française, et plus particulièrement l'appui aux industriels de l'énergie. Le Commissariat devra poursuivre ses partenariats avec Areva et EDF, et en développer de nouveaux avec d'autres acteurs industriels de l'énergie. Les PRTT monteront en puissance. Nos relations scientifiques avec les laboratoires du monde entier font rayonner la recherche française. Il faudra développer les accords existants et en signer de nouveaux.
Depuis les années 2000, le CEA s'est attaché à ouvrir des centres en région et il a développé des zones partagées avec des établissements de recherche et des industriels. Cette démarche sera poursuivie, y compris par la direction des applications militaires, qui devra participer au développement de Paris-Saclay, dont nous sommes membre fondateur.
Le dernier enjeu est sans doute le plus important : il s'agit du personnel de l'établissement public. Le CEA n'a pas d'autre valeur que celles de ses personnels. Son rayonnement exceptionnel tient à la qualité de leurs travaux. Alors que les augmentations salariales se font rares, je préserverai la motivation des salariés au service du pays et du CEA. Le dialogue social y est de très grande qualité : celui-ci devra bien sûr se poursuivre. Mon slogan est de faire en sorte que chaque salarié se sente bien au travail et sache quelle est sa propre contribution.
Si vous approuvez ma nomination, il m'appartiendra de relever, avec tout le personnel du CEA, ces nouveaux défis.