Effectivement, mais les défis scientifiques étaient de taille. M. Bigot devrait prendre la direction d'ITER, ce qui ne sera pas une sinécure, vu les nombreux États impliqués. Il a le talent nécessaire à la tâche.
Le LMJ est financé par le budget du ministère de la Défense. À la différence d'ITER, qui a vocation à produire de l'énergie par fusion, le laser mégajoule est un instrument de physique dont la vocation est d'étudier l'ensemble des phénomènes pouvant affecter le fonctionnement des armes. La quantité de tritium consommée est de l'ordre du kilogramme pour ITER, et seulement du milligramme pour le LMJ. Pour produire l'équivalent d'une tranche nucléaire de 1 000 mégawatts, il faudrait que le laser effectue 50 expériences par seconde. On est loin d'un outil de production. Ces deux projets sont complémentaires et font appel à des technologies communes, comme la cryogénie. Ainsi, c'est la même équipe du laboratoire de Grenoble qui travaille sur la supraconductivité à basse température nécessaire au fonctionnement d'ITER, et sur l'utilisation du gaz sous forme de glaçon pour le LMJ.
Le CEA travaille bien avec Areva et EDF depuis de nombreuses années. Cette collaboration pourrait être approfondie autour de projets plus structurés et plus intégrés, par exemple sur le démantèlement des installations nucléaires. Le CEA épaulerait efficacement EDF sur la question de la prolongation de vie des centrales nucléaires, en faisant valoir auprès de l'ASN ses connaissances en termes d'évolution du matériau à l'intérieur des centrales. Ce ne sont là, bien évidemment, que des pistes que je lance.
Quant aux effets de la réduction du parc nucléaire sur la motivation des salariés, il n'est pas toujours nécessaire d'espérer pour entreprendre. Il sera difficile d'atteindre l'objectif de réduction de 50 % en 2025. Néanmoins, le tout nucléaire n'est pas nécessairement la meilleure solution. En France, les barrages et l'éolien produisent chacun l'équivalent de quatre à cinq tranches nucléaires. Le bouquet énergétique peut encore se développer. Mieux vaut présenter aux salariés le verre à moitié plein qu'à moitié vide. D'ailleurs, je ne suis pas certain que le pourcentage d'électricité d'origine nucléaire ait une réelle influence sur leur motivation, car beaucoup d'entre eux travaillent très en amont dans la recherche. Je ne suis pas aussi pessimiste que vous sur le sujet.
Areva est une entreprise en difficulté. Sa dette a dépassé les 4 milliards d'euros. En revanche, à court terme, c'est-à-dire au moins jusqu'en 2016, aucun problème de trésorerie n'est à prévoir. Il est important que l'État continue à soutenir cette entreprise stratégique pour notre pays, tant pour les emplois que pour le nucléaire. Dans les années 2005-2007, les dirigeants d'Areva ont fait le pari que le nucléaire allait redémarrer, et ont augmenté fortement les investissements de l'entreprise. Or l'accident de Fukushima a freiné le développement espéré. Areva a révisé ses investissements sans pouvoir en retirer les bénéfices escomptés. Lors de ma collaboration avec Technicatome, une des branches d'Areva, j'ai pu constater la qualité des personnels de cette entreprise, et leur grande compétence. Cela justifie de les soutenir et de garder espoir dans l'avenir de cette entreprise.