Monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Mme Christiane Taubira, qui a suivi ce projet de la loi bien connu de vous, mais qui ne peut être présente au Sénat ce matin.
Ce projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures vous est soumis aujourd’hui en nouvelle lecture.
Il a déjà fait l’objet d’âpres discussions, et nous savons de part et d’autre les points qui nous opposent, non pas tant sur le fond, d’ailleurs, que sur la méthode.
Le long parcours de ce texte, déposé devant la Haute Assemblée le 27 novembre 2013, a permis un enrichissement croissant du projet, avec des dispositions relevant certes de domaines très différents, du droit de la famille à la réglementation de l’enseignement de la conduite automobile, mais concourant toutes au même objectif : la simplification des normes et des démarches en vue de les rendre plus accessibles à tous les citoyens.
Le Gouvernement tient particulièrement à l’adoption de ce projet de loi : la simplicité est gage de compréhension et de lisibilité des normes, mais aussi de facilité des démarches donnant accès à des droits et à des libertés. Ce projet de loi a vocation à faciliter la vie des justiciables et des usagers de l’administration, sans pour autant porter atteinte à l’impératif de sécurité juridique. La simplicité ne doit pas fragiliser les dispositifs, mais la sécurité juridique ne doit pas avoir pour effet de complexifier les démarches. C’est à cet équilibre délicat, à ce réglage subtil, que nous avons travaillé ensemble.
Ces objectifs sont d’autant plus importants qu’ils s’adressent ici à des justiciables ou des usagers qui se trouvent souvent dans une situation de faiblesse à l’égard de la justice ou de l’administration. Ainsi, il est question du régime de protection des mineurs et des majeurs, qui sera fluidifié, des personnes sourdes et muettes, qui pourront désormais tester sous la forme authentique, ou encore des héritiers de sommes inférieures à 5 000 euros, qui verront leurs démarches simplifiées pour accomplir les actes conservatoires nécessaires.
Sur certains points, nous avons su trouver le juste équilibre et parvenir à un accord. Sur d’autres points, nous sommes d’accord sur le principe de la simplification, mais peinons à trouver cet équilibre. Le Gouvernement considère que les travaux de la commission ont sans doute péché par excès de prudence sur la question de la preuve de la qualité d’héritier dans les successions modestes. Multiplier les démarches pour s’assurer du caractère modeste de la succession fait perdre son intérêt à ce dispositif, alors même que le risque de fraude est mineur. De même, en matière de procédure pénale, la commission a ajouté des conditions pour la communication électronique qui ne nous paraissent pas utiles et risquent de faire perdre tout intérêt à ce dispositif.
Nous regrettons par ailleurs que la commission ait vu, dans l’article 1er bis relatif au statut de l’animal, une disposition inutile ; cette dernière, introduite par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, est au contraire respectueuse du droit positif et répond à une demande raisonnable de certains députés et, au-delà, de l’opinion publique.
S’agissant du tribunal foncier en Polynésie française, les travaux de la commission ont abouti à la suppression du commissaire du Gouvernement. Or la présence de ce commissaire ne soulèverait pas de difficulté au regard de l’indépendance du tribunal foncier dans la mesure où il ne participera pas aux délibérés et que l’article 14 bis rappelle explicitement le nécessaire respect du principe du contradictoire. Son rôle s’inspire en réalité du commissaire du Gouvernement auprès de la juridiction de l’expropriation, dont la mission est confiée au directeur des services fiscaux dans le département, en application de l’article R. 13-7 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique. Le commissaire du Gouvernement de la Polynésie française apportera une expertise sur les questions de fait et de droit, qui éclairera le tribunal foncier. Son rôle permettra donc une mise en état du dossier, évitant au tribunal, dans nombre de situations, d’avoir à recourir à des mesures d’expertise, source de ralentissement de la procédure.
Enfin, le désaccord le plus important entre le Gouvernement et le Sénat, de méthode plutôt que de fond, porte sur l’article 3. Le Gouvernement regrette de ne pas vous avoir convaincus, mesdames, messieurs les sénateurs, de la nécessité d’adopter cet article, qui l’habilite à réformer le droit des contrats par voie d’ordonnance.
Alors que le droit de la famille, le droit des sûretés et la prescription ont été réformés récemment, le droit commun des obligations, qui est le fondement même des échanges économiques sur le territoire national, est pour l’essentiel issu du code Napoléon de 1804.