Néanmoins, depuis les premiers travaux intervenus sur la réforme du droit des contrats, aucun débat parlementaire n’a eu lieu. Ainsi, les travaux de la Chancellerie s’appuient notamment sur deux rapports, l’un rédigé en 2005 sur l’initiative du professeur Catala, l’autre rédigé entre 2008 et 2013 sur l’initiative du professeur Terré.
Au demeurant, une habilitation à procéder par voie d’ordonnance n’aurait pas pour effet d’écarter les parlementaires de ce chantier ambitieux.
Tout d’abord, dans le cadre des travaux d’élaboration de l’avant-projet de réforme, la Chancellerie a adressé cet avant-projet aux commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat en juin 2014. En outre, des parlementaires ont participé à de nombreuses réunions de travail.
De plus, Mme la garde des sceaux s’est engagée à déposer un projet de loi de ratification spécifique et à l’inscrire à l’ordre du jour du Parlement, qui pourra ainsi exercer son droit de regard dans l’examen de ce projet et apporter les modifications qu’il jugera nécessaires.
Sur le fond, il convient de rappeler que, si cette réforme d’ampleur se propose de moderniser le droit des obligations en introduisant de nouvelles dispositions, une grande partie du projet vise en réalité à consolider les acquis, en consacrant à droit constant les solutions dégagées par la jurisprudence, qui sont ainsi connues des praticiens.
J’ajoute que cette réforme permettra de renforcer l’attractivité économique de la France par un environnement juridique sûr et prévisible, critère déterminant pour la vie des affaires, mais aussi et surtout pour tout citoyen, qui n’aura pas nécessairement accès à un conseil juridique.
La réforme inscrit le droit français dans un mouvement de dialogue des droits, en particulier dans le cadre européen. Elle consacre notamment certains principes du droit européen des contrats, telles la liberté contractuelle, la bonne foi ou encore l’incitation des parties à renégocier le contrat en cas de changement imprévisible de circonstances. En outre, elle prévoit l’interdiction des clauses abusives en droit commun, sur le modèle de ce qui existe en droit allemand et en droit britannique.
Parallèlement à ce mouvement d’harmonisation européenne, la réforme vise à préserver efficacement la singularité de notre droit civil, en maintenant un contrôle de l’équilibre du contrat par le juge et en consacrant la notion de violence économique.
Ce nouvel équilibre entre code et jurisprudence, d’une part, et entre singularité française et harmonisation européenne, d’autre part, permettra de réinscrire notre code civil parmi les modèles internationaux et de renforcer ainsi à la fois l’attractivité de la France, je l’ai dit, et sa capacité d’influence par le droit à l’échelle internationale.
Aussi, tant l’article 3 du projet de loi que ses autres dispositions participent du même objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi auquel le Conseil constitutionnel accorde une valeur constitutionnelle depuis sa décision du 16 décembre 1999. Le Conseil constitutionnel considère en effet que l’accessibilité et l’intelligibilité doivent permettre aux citoyens de disposer « d’une connaissance suffisante des normes qui leur sont applicables », en application de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
C’est pour satisfaire à cette obligation constitutionnelle, et plus encore à cet impératif démocratique, que je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir voter ce texte.