Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Réunion du 18 juillet 2008 à 10h00
Démocratie sociale et temps de travail — Article 16

Photo de Jean-Luc MélenchonJean-Luc Mélenchon :

Je vous en donne lecture :

« Mesdames et messieurs […], vous allez légiférer sur la durée du travail. Nous, représentants des salariés, nous adressons à vous, représentants des citoyens et garants de l’ordre public et social. Mesdames et messieurs, comme vous le savez, le Technocentre a connu une série de suicides en l’espace de deux ans. Si toutes les entreprises étaient frappées de la même manière, ce serait un fléau comparable aux morts sur les routes. Avec sans doute des proportions équivalentes entre morts et blessés.

« À partir de l’enquête du cabinet d’expertise agréé par le ministère du travail et mandaté par le CHSCT, toutes catégories professionnelles confondues, la durée moyenne du travail au Technocentre peut être estimée à 44 heures environ par semaine en moyenne sur l’année, et à 48 heures par semaine en moyenne hors jours de RTT et heures de repas. 50 % des cadres (la moitié de l’effectif) fait plus de 50 heures par semaine, sans compter le travail le soir et le week-end. Pour les techniciens, 95 % des heures supplémentaires réalisées sont non déclarées.

« Mesdames et messieurs […], le travail nous dévore la vie. La résistance humaine a des limites. Elles sont atteintes. Et la loi le permet déjà aujourd’hui. Aller plus loin serait déraisonnable.

« Comment est-ce possible ?

« D’une part, par un système de servitude volontaire, “une culture du sur-engagement” liée notamment à la combinaison de la passion pour son métier, de l’ambition professionnelle et d’un système managérial “qui s’appuie sur ces leviers pour atteindre des objectifs de plus en plus ambitieux”[…].

« Ne pas “compter ses heures” est une règle non écrite. L’enfreindre, c’est s’exposer à être considéré comme un salarié “peu performant”.

« Il n’y a pas d’heures supplémentaires : il n’y a que des gens qui n’arrivent pas à faire leur travail correctement dans les temps.

« Il n’y a pas de dépassement du nombre de jours sur l’année : il n’y a que des gens qui ne prennent pas leurs congés.

« Le sentiment de ne pas y arriver est renvoyé à la responsabilité individuelle, à un sentiment de culpabilité, et dans les cas extrêmes, à la perte de l’estime de soi jusqu’au suicide.

« D’autre part, en raison de l’excès de liberté que donne déjà la loi aux employeurs, et qu’ils utilisent pleinement.

« En théorie, le dépassement de la durée légale du travail est majoré et donc pénalisé financièrement d’autant plus qu’on s’en écarte, à l’image du dépassement des limites de vitesse autorisées par le code de la route.

« Dans la réalité, au Technocentre, pour une moitié de la population, 95 % des heures supplémentaires sont non déclarées, en toute impunité. La loi, qui ne prévoit pas de mesure statistique indépendante de la durée du travail, est inopérante. Pour l’autre moitié de la population, le travail est décompté en jours, et la durée théorique maximum de 13 heures ne donne lieu à aucun contrôle indépendant. Tous les jours de congés sont capitalisés automatiquement au fur et à mesure de leur acquisition, sans majoration, sans limite maximum, sans limite de durée autre que le départ à la retraite. »

Voilà, je ne poursuis pas plus loin ma lecture ; je pense que vous pouvez entendre ce cri.

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