Intervention de Annie David

Réunion du 18 juillet 2008 à 10h00
Démocratie sociale et temps de travail — Article 17

Photo de Annie DavidAnnie David :

…alors même qu’aujourd’hui seuls les cadres et certains salariés dont l’activité est bien précise nécessitaient une réelle autonomie de gestion et d’organisation. Seuls ceux-là étaient concernés.

Ainsi, demain, ce sont tous les salariés autonomes de notre pays qui pourront être contraints – je dis bien « contraints » – d’accepter des forfaits en jours, en heures, ou mensuels.

Contraints, car malgré vos déclarations, nous le savons tous ici, et vous ne pouvez l’ignorer, le marché du travail est tel qu’aujourd’hui ce sont les employeurs qui dictent leurs règles aux salariés.

Avec cet article 17, avec la directive européenne, nous voyons bien quelle est votre conception de l’Europe : une Europe technocratique, qui se joue loin des peuples, pour les intérêts du marché et des capitaux, contre ceux des salariés.

J’en veux pour preuve, monsieur le ministre, votre obstination à vouloir imposer ces forfaits en jours alors que cette disposition est déjà condamnée en France par un arrêt de la Cour de cassation qui exige, même en cas de forfait en jours, que l’on recompose le temps de travail du salarié pour lui apporter une juste rémunération.

Ce qui ne fait pas de doute, c’est que demain, une fois encore, comme cela a été le cas avec le contrat nouvelles embauches, ou CNE, la France sera condamnée. Ce ne sera pas pour la violation d’une convention de l’Organisation internationale du travail – cela ferait trop plaisir à M. Dassault, d’ailleurs – ; cette fois-ci, la France sera condamnée par la Cour européenne en raison de la violation de l’article 2-1 de la charte sociale européenne, qui prévoit que les États s’engagent à « fixer une durée raisonnable au travail journalier et hebdomadaire ».

Autant dire l’inverse de ce que vous faites en créant une nouvelle catégorie des salariés : ceux dont la durée de travail n’a pour seule limite que la disposition du code du travail qui exige une durée minimale de repos de onze heures entre deux jours de travail.

Voilà quelle Europe vous bâtissez, monsieur le ministre. Une Europe prompte à déplacer des montagnes dès lors qu’il s’agit de faire régner les nouvelles règles d’une économie toujours plus libérale, mais une Europe qui peut se mépriser elle-même, par le biais de ces plus hauts dignitaires, dès lors qu’il s’agit de peser sur les droits sociaux.

Monsieur le ministre, vous êtes aujourd’hui le représentant de la France au sein de l’Europe en matière de travail. Le signal que vous envoyez à vos homologues est désastreux. Vous leur dites expressément de mépriser leurs engagements internationaux, de faire mentir leurs États, de dévaluer le poids de la parole donnée.

Autant dire que votre responsabilité est grande ! Tout cela, vous le paierez demain, et c’est toute l’Europe qui en pâtira !

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