Les annales de nos débats me permettent de vous dire que j’ai toujours, pour ma part, défendu dans cet hémicycle l’idée que le forfait en jours était une idée que je n’approuvais pas, quel qu’ait été le Gouvernement conduit à en présenter ici des extensions ou des créations.
Pourquoi ? Parce que j’estime que le forfait en jours est la forme embellie et « euphémisée » du travail à la tâche. Celui-ci a toujours été en fin de compte une source de surexploitation du travailleur. Le forfait en jours contient cette espèce de folie qui consiste à rendre le travailleur – dans ce cas, il s’agit d’un cadre, évidemment – en quelque sorte responsable de son exploitation.
C’est ce qu’illustrait très bien la lettre du syndicat CGT de Renault Technocentre dont je vous ai lu quelques extraits tout à l’heure. J’ai regretté que vous n’ayez pas accordé beaucoup d’intérêt à ce document parce qu’il décrit assez bien, vu de l’intérieur, dans le Technocentre Renault, comment les cadres ressentent et mettent en œuvre eux-mêmes cette logique folle qui les conduit à ne pas compter leurs heures et à considérer que celui qui le fait n’est pas un bon cadre.
Selon moi, le forfait en jours n’est pas une bonne idée. Certes, je comprends parfaitement pour quelles raisons il en est ainsi : en effet, certaines tâches nécessitent une continuité, notamment les tâches de responsabilité. Mais enfin, le résultat est toujours le même.
L’endiguement qui a été donné à cette dérive du temps de travail des cadres a consisté à inventer ce forfait en jours afin de pouvoir rendre applicable la réduction du temps de travail à ces cadres. Sans cela, nous a-t-on dit à l’époque, on ne savait pas comment s’y prendre pour qu’elle s’applique à eux également.
Cela a d’ailleurs donné lieu dans les entreprises à une survalorisation de cette négociation sur le forfait en jours par rapport au travail posté et par rapport au travail directement productif. Par conséquent, dans la négociation par l’entreprise, les 35 heures ont souvent tourné au désavantage de ceux qui sont à la production et à l’avantage seulement de ceux qui sont dans les bureaux, et plus on était dans les bureaux, plus on en profitait !
Maintenant voyons la nouvelle disposition. Peut-être n’ai-je pas bien compris, je reconnais que je ne suis pas l’un des grands spécialistes du code du travail dans cette assemblée, quoique j’ai participé à un très grand nombre de débats.
Que reste-t-il de la réduction du temps de travail pour les cadres, après cette nouvelle définition du forfait en jours ? Si j’ai bien compris, le plafond légal passe de 218 à 235 jours. Il suffirait d’un simple accord d’entreprise pour aller au-delà des 235 jours et atteindre 282 jours travaillés. Si les comptes que j’ai sous les yeux sont justes, cela fait six jours sur sept toute l’année, à l’exception des cinq semaines de congés payés.