Cet amendement vise à supprimer l’article 17, qui est très certainement l’un des pires de ce texte.
De cette disposition résultera une déréglementation sans précédent de la durée du temps de travail. Les forfaits soit en jours soit en heures avaient été prévus dans la loi Aubry II. Cependant, il s’agissait là d’une rédaction issue d’une réelle négociation avec les partenaires sociaux.
Qui plus est, ce mode de calcul était bien évidemment dérogatoire et ne s’appliquait que pour les cadres ou pour les professions dont l’organisation justifiait le recours à des règles très spécifiques. Tel n’est plus le cas puisque vous le généralisez ou, du moins, vous augmentez considérablement le nombre de salariés pouvant être concernés.
Désormais, il sera donc possible de recourir aux conventions de forfait pour tous les salariés, sans distinction. Les plafonds légaux pourraient atteindre 280 jours par an dans le cadre du forfait en jours. La voie à des conventions individuelles pour tout salarié, cadre ou non cadre, en matière de temps de travail est donc ouverte.
Vous entendez individualiser la durée du temps de travail par le biais d’accord de gré à gré. Ainsi, les salariés, cadres ou non, deviendront individuellement responsables de leurs propres conditions de travail.
Cette logique est contraire à l’efficacité qui devrait être au centre de toutes nos préoccupations. Nous savons tous que la hiérarchie des accords est essentielle. Pour qu’un accord soit efficace, il doit être équilibré. Or seul l’accord de branche le garantit, puisque l’accord d’entreprise est fondé sur des relations de subordination.
Voilà la raison pour laquelle tous les pays qui privilégient la négociation encadrent les accords d’entreprise par des accords de branche. Désormais, la France échappera donc à cette dynamique, empreinte de responsabilité et de respect de l’ensemble des acteurs.
Avec l’inversion de la hiérarchie des normes, vous ouvrez la voie à la déréglementation la plus radicale. Alors que 80 % des entreprises françaises n’ont pas de représentation syndicale, vous transformez le plafond de 218 jours en seuil de déclenchement des jours de travail supplémentaires, dont vous proposez d’augmenter la rémunération de 10 %.
En outre, en instaurant un délai de prévenance de seulement huit jours, vous mettez en cause directement l’organisation de la vie familiale de millions de salariés. Mais, visiblement, cette dimension, pourtant si essentielle au quotidien de tous nos concitoyens, semble n’avoir aucune incidence sur votre vision idéologique de notre société.
Enfin, je terminerai en évoquant le risque que ces dispositions soient déclarées illégales au niveau européen, puisque les mesures que vous voulez étendre ont été sanctionnées par le Conseil de l’Europe pour violation de la Charte sociale européenne, et que l’absence de décompte et l’amplitude horaire qui résultent des forfaits ont été jugées contraires à nos engagements internationaux.
Compte tenu de ces observations, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de supprimer cette disposition inique.