Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 27 janvier 2015 à 14h30
Nouvelle organisation territoriale de la république — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voilà parvenus à la conclusion de ce marathon, commencé avant les fêtes, que fut l’examen de ce troisième volet de la réforme territoriale.

Il est donc temps de reprendre son souffle et d’essayer de mesurer le chemin parcouru, sachant que, suivant le tracé choisi, à vol d’oiseau, nous ne sommes pas très loin du point de départ, même si nous avons parcouru beaucoup de kilomètres !

Des dizaines d’heures de débat sur l’organisation territoriale de la République disent obligatoirement quelque chose des blocages et des priorités de la France d’aujourd’hui.

En ce début d’année marqué par un moment de barbarie que nous savons nourri aussi des fractures sociales de notre pays, ce débat était important pour dire notre volonté collective d’une action publique plus forte et cohérente. Mais, à notre avis, il n’aura malheureusement pas permis de dégager des lignes claires.

Les objectifs des écologistes étaient, quant à eux, très clairs et s’articulaient autour de deux grands objectifs : assurer un meilleur équilibre des territoires, ce qui passe, d’après nous, par des régions fortes, seules à même d’imposer une redistribution entre les plus riches et les plus fragiles de leurs territoires ; renforcer la démocratie locale et régionale, ce qui nécessitait une réforme en profondeur du millefeuille territorial, une lisibilité sur le « qui fait quoi », mais aussi, car c’est essentiel, des modes de scrutin légitimant l’action publique territoriale.

Le groupe écologiste a abordé cette discussion sans dogmatisme. Je rappelle, pour éviter tout faux débat, que, lors d’une précédente intervention à cette tribune, j’avais déjà pris acte du maintien de l’échelon départemental, conforté dans son rôle en matière d’action sociale puisque, très clairement, personne ou presque – ni les régions ni les intercommunalités – n’avait manifesté la volonté de reprendre ses attributions en la matière.

Ces grands principes qui ont constamment guidé nos interventions et amendements ne sortent guère renforcés de ces quinze jours de débat, et nous en sommes déçus : détricotage et raccommodage n’ont pas vraiment permis de confectionner un habit neuf, ni, au final, très seyant. Il s’agit de comprendre pourquoi.

Évidemment, il y a les habitudes prises, le goût pour nos vieux vêtements, même rapiécés, dans lesquels nous nous trouvons finalement assez confortables, même si l’usure risque de faire lâcher les coutures. Le sénateur se méfie des modes ; cela peut s’entendre, mais il s’agissait bien, ici, de gagner en agilité et en vitesse d’intervention, avec des habits moins nombreux et plus souples, adaptés à la vie d’aujourd’hui.

Malgré tout, c’est l’attachement à la vieille garde-robe qui l’a emporté. Toutes les couches ont été conservées, un peu élargies ici ou là, mais toujours aussi suturées les unes aux autres, au risque donc d’entraver les mouvements et de continuer à désorienter les citoyens, peu attirés par un tel accoutrement.

Bien plus – et il faudra en débattre –, ce qui s’est exprimé ici, c’est une terrible méfiance des élus territoriaux les uns vis-à-vis des autres.

Si certains ont défendu leurs intérêts acquis, leur cagnotte financière ou leur territoire politique – ce genre de réflexe doit bien exister un peu, c’est humain –, je reste étonné de l’incroyable défiance qui s’est manifestée.

Nous sommes tout de même nombreux à avoir quelques valeurs communes, à considérer qu’aucun territoire ne doit rester en dehors de la République, que le maintien du service public, des offres de mobilité, des accompagnements d’implantation d’entreprises, sont de notre responsabilité collective d’élus et de responsables politiques. Pourtant, nos réponses en termes d’organisation territoriale sont parfois diamétralement opposées ou presque.

Ce débat s’est en particulier focalisé sur l’avenir du département, parfois présenté comme le dernier rempart face à des « mégarégions » aux mains d’appareils politiques, d’apparatchiks et de technostructures, régions qui auraient donc vite fait de faire passer par pertes et profits les territoires excentrés, notamment ruraux. Je ne crois pas caricaturer ce que j’ai entendu pendant deux semaines.

C’est un terrible procès d’intention, qui témoigne de notre fragilité collective, y compris du climat de méfiance entre élus du même bord...

Ces quinze jours de débat sonnent ainsi comme un signal d’alerte sur un émiettement politique. Il faut l’analyser. En effet, si nous ne retrouvons plus le sens de l’action collective entre échelons de collectivités, nous ne pourrons pas développer d’action efficace ; aucune réforme ne permettra de suppléer une telle défiance. Nous devrons donc de nouveau en débattre et aller au bout de l’analyse.

Les élus régionaux, moins présents dans cet hémicycle, doivent aussi entendre ce message et apporter de vraies réponses face à cette défiance. Et c’est un régionaliste convaincu qui s’exprime ici !

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