Intervention de François Baroin

Réunion du 27 janvier 2015 à 14h30
Débat sur l'évolution des finances locales

Photo de François BaroinFrançois Baroin :

Cette règle d’or ne s’applique donc qu’aux collectivités territoriales. Vous me permettrez, dans un esprit de concorde nationale, de citer le Président de la République, qui, dans son discours de candidat à Dijon, avait déclaré que « si l’État était soumis aux mêmes contraintes que les collectivités locales, sa défaillance aurait été constatée depuis longtemps » ! §

La trajectoire financière du rééquilibrage de nos comptes publics ne sera soutenable que si les trois acteurs, l’État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales, concourent équitablement à l’effort.

La situation est bien connue. Dans le contexte d’une crise économique internationale majeure, j’avais, en tant que ministre du budget, assumé totalement le gel des dotations de l’État aux collectivités locales. Il s’agissait, à l’époque, d’un effort de l’ordre de 1, 5 milliard d’euros, avec une inflation un peu plus élevée qu’aujourd’hui, effort partagé entre l’État et les collectivités locales de façon justement équilibrée au travers de la révision générale des politiques publiques, prévoyant notamment le non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux.

En ce qui concerne la sécurité sociale, nous avions réduit l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, qui n’avait jamais été respecté depuis 1993, à un niveau tel que tout le monde nous expliquait que notre objectif était impossible à tenir. Finalement, l’objectif d’une augmentation de 2, 7 % des dépenses d’assurance maladie pour l’exercice budgétaire 2011 a été atteint : lorsque l’équilibre est juste et l’effort partagé par tous, l’objectif fixé est atteignable par chacun !

Cette mesure de gel des dotations aux collectivités territoriales correspondait à des gains de productivité possibles, notamment dans le cadre de la réforme territoriale : suppression de la clause générale de compétence, réduction du nombre d’élus, meilleure coordination par l’institution du conseiller territorial… L’État s’imposait également une réduction de ses effectifs en appliquant la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux que je viens d’évoquer.

Dans ce débat, il ne peut donc pas y avoir, me semble-t-il, de postures : droite et gauche ont voté successivement des mesures contraignantes pour nos collectivités. Les élus locaux sont responsables et prêts à contribuer au redressement des finances publiques.

Le débat d’aujourd’hui porte non pas sur la nécessité de consentir des efforts, mais sur le positionnement judicieux du curseur, à la hauteur des responsabilités de chacun.

Le Gouvernement a décidé de réduire de 30 % le montant des dotations versées aux collectivités pour la période 2014-2017. Il s’agit, au total, d’une ponction de 28 milliards d’euros sur le budget des collectivités en quatre ans, ce qui n’a rien de comparable avec le gel des dotations que nous avons connu.

La répartition de ces efforts est profondément inéquitable, et même dangereuse au regard du rôle joué par les collectivités locales pour soutenir la croissance, à travers l’investissement public et la commande publique, qui engendrent un volume d’activité permettant aux entreprises de maintenir les emplois en période de crise ou d’en créer en période plus favorable.

Sur les trois sources de dépenses, la plus importante est celle de la sécurité sociale – 650 milliards d’euros environ –, la deuxième est celle de l’État – 280 milliards d’euros, hors dettes et pensions –, la plus modeste est celle des collectivités territoriales – 230 milliards d’euros. N’oublions pas que l’investissement public est assuré à 70 % par les collectivités locales, dont 58 % par le bloc communal – communes et intercommunalités. Pour aller à l’encontre de tant de rapports orientés, qu’il me soit permis de souligner, au nom du groupe UMP, que la part des collectivités locales dans la dette publique de 2 000 milliards d’euros de notre pays n’est que de 9, 7 %, dont 4 % pour le bloc communal. Et l’on demande aux collectivités locales une contribution à l’effort global de 25 % ! L’objectif est inatteignable en volume et dans le calendrier prévu.

L’examen attentif des objectifs de réduction du déficit public fait apparaître un objectif de réduction globale des dépenses chiffré à 11, 5 milliards d’euros à l’horizon 2017, soit une réduction des dépenses de l’État équivalente à la réduction des recettes des collectivités locales. En effet, le programme de stabilité prévoit explicitement que la contribution des collectivités correspondra en totalité à une diminution des concours financiers de l’État, qui seront réduits de 11 milliards d'euros.

L’État ne peut s’exonérer de conduire de véritables réformes structurelles et transférer ainsi à nos collectivités le coût de dépenses de fonctionnement qu’il n’a pas su maîtriser. Le transfert de l’impôt national à l’impôt local est le fil rouge de ce plan de réduction des déficits. Ce n’est pas acceptable. Nous sommes en profond désaccord avec vous sur ce point.

Dans un rapport récent, la Cour des comptes a expliqué que, de son point de vue, les collectivités locales pouvaient parfaitement assumer ce choc en augmentant les impôts locaux ou la dette. Il me faut réfuter cette argumentation développée par la Cour des comptes.

L’augmentation de la fiscalité locale est un choix souverain des instances délibérantes municipales ou intercommunales. Les décisions en matière d’investissement et de fiscalité locaux sont profondément politiques. La plupart des élus, de gauche comme de droite, ont fait, peu ou prou, campagne sur le thème de la stabilité fiscale, au moins à périmètre constant. Je ne connais pas un élu local qui ait fait campagne sur une sévère augmentation des impôts ! S’il en existe un, il doit être doté d’un immense talent…

Quelques semaines après les élections, nous avons appris cette mesure « guillotine » de réduction des dotations sur la période 2014-2017. Nous nous sommes donc trouvés dans l’obligation de préparer un budget en augmentant soit les impôts – mais les collectivités refusent ce transfert de l’impôt national vers l’impôt local –, soit l’endettement, mais la dette d’aujourd'hui, c’est l’impôt de demain, et il n’est donc pas concevable de financer durablement l’investissement public par la dette. Pour l’exercice 2015, les collectivités vont réduire leur autofinancement afin d’atteindre les objectifs fixés ; en 2016, les comptes de nombreuses collectivités territoriales basculeront dans le rouge… §

Nous attirons solennellement votre attention sur la question de l’investissement public, madame la ministre. Toutes les études convergent : le choix des élus sera naturellement de réduire l’investissement public.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion