Intervention de François Baroin

Réunion du 27 janvier 2015 à 14h30
Débat sur l'évolution des finances locales

Photo de François BaroinFrançois Baroin :

Le cycle électoral, période traditionnellement blanche ou grise en matière d’investissement public, se conjugue à deux éléments très importants.

Le premier est le décalage des discussions budgétaires. Même les villes moyennes ou grandes, qui avaient l’habitude de voter leur budget avant la fin de l’année après un débat d’orientation budgétaire à l’automne, ont décalé ce vote d’au moins trois mois. La loi permet de le décaler jusqu’au 15 avril. Le temps de lancer la commande publique, rien ne se produira avant la fin du mois de juin, c'est-à-dire au début de la période estivale, quand les gens partent en vacances. Par conséquent, il n’y aura aucun investissement public des collectivités locales avant le début de l’automne. Un impact direct sur l’activité économique, la croissance, le soutien à l’investissement, notamment dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, se fera donc fortement sentir dès cette année.

Le second élément est la baisse prévisible de l’investissement public du bloc communal sur la période 2014-2017, qui est estimée à 30 % par des études objectives comme celles de la Banque postale ou de l’Association des maires de France. Or une baisse de 30 % de l’investissement public d’ici à 2017 représente une perte de 0, 6 point de croissance. Sans entrer dans un débat polémique, je souligne que le projet de loi Macron table sur un gain de croissance de 0, 1 point grâce à des changements de la réglementation… Au total, la perte de croissance sera donc d’au moins 0, 4 point. Cela représente entre 4 milliards et 6 milliards d'euros en moins pour financer les politiques publiques. Disons-le clairement, la gravité de la situation exige la tenue d’urgence d’une conférence entre l’État et les collectivités locales : il faut dire la vérité à nos concitoyens.

Madame la ministre, derrière les chiffres et les plans de communication, il y a la vie quotidienne des Français. Je m’efforce depuis plusieurs semaines, avec bon nombre de mes collègues, de réveiller votre fibre d’élue locale, qui s’est un peu endormie malgré votre solide expérience. Vous n’êtes pas frappée d’amnésie : vous savez la difficulté de la gestion locale et l’impact des choix gouvernementaux sur les services publics ou l’investissement.

Comment croire un seul instant que le prélèvement sur nos collectivités que vous prévoyez n’aura pas d’impact sur les services de proximité, les crèches, les écoles, l’action sociale, l’animation culturelle ou sportive de nos territoires ? Comment croire un seul instant que le tissu associatif ne sera pas affecté ? On parle d’une réduction de 10 % à 12 % par an des subventions aux associations sur la période 2015-2017, soit une baisse cumulée de 30 %, comme pour l’investissement public. Où les associations trouveront-elles l’argent nécessaire pour assurer leurs missions, qui accompagnent très utilement l’action des collectivités locales ?

Alors qu’une crise politique, économique et sociale profonde traverse notre pays, l’action de nos collectivités pour maintenir la cohésion nationale est particulièrement attendue par nos compatriotes. Nous ne pouvons laisser au bord du chemin les plus fragiles d’entre eux. L’inclusion sociale doit rester au cœur du projet républicain, surtout dans la période actuelle. Sans l’apport des collectivités, cette ambition ne pourra être soutenue. De grands rassemblements ont appelé au vivre-ensemble : permettons aux territoires de conduire les politiques indispensables pour répondre à cette aspiration collective.

Derrière les chiffres, il y a aussi la question de l’accueil et du développement des entreprises. Nos collectivités agissent directement pour le développement de leur territoire, dont l’attractivité se mesure à l’aune de la qualité de l’accueil des salariés en matière d’habitat, de transports publics et d’autres services de proximité. Le choix d’une entreprise de s’installer sur un territoire ne tient pas uniquement à la fiscalité : il dépend aussi du cadre général, de la présence de filières d’enseignement supérieur, de la qualité des transports publics, des équipements culturels et sportifs, de l’habitat… Tous ces paramètres influent sur les décisions des acteurs économiques qui envisagent d’investir.

Améliorer l’attractivité d’un territoire justifie la mise en place de politiques publiques d’accompagnement des zones de développement. Ce sont des dépenses d’investissement productives, des dépenses d’avenir, qui ouvrent des perspectives de développement à notre pays. Qui prendra le relais des collectivités après cette disette budgétaire imposée ? La vie économique de notre pays est aussi liée à la capacité d’investissement de nos collectivités.

Bien sûr, nous devons poursuivre nos efforts, mais les dépenses de fonctionnement des collectivités sont difficilement compressibles. Il y a une corrélation entre la fonction publique d’État, la fonction publique hospitalière et la fonction publique territoriale : les choix effectués au niveau national ont une incidence directe sur la gestion du budget de fonctionnement des collectivités, au travers des charges de personnel.

Madame la ministre, vous êtes chargée de mener la difficile négociation avec les syndicats de la fonction publique, dont les représentants, je puis en témoigner, sont par ailleurs des personnes remarquables, attachées à l’esprit du service. Les décisions que vous prendrez au sujet du glissement vieillesse-technicité ou de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales auront un effet direct sur les budgets des collectivités territoriales.

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