Intervention de Maurice Vincent

Réunion du 27 janvier 2015 à 14h30
Débat sur l'évolution des finances locales

Photo de Maurice VincentMaurice Vincent :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la situation des finances locales est une question très importante. Mon temps de parole étant limité à six minutes, je me contenterai d’aborder, ou plutôt d’effleurer, trois aspects de cette question : premièrement, l’évolution récente de la situation financière des collectivités ; deuxièmement, l’importance de l’investissement local ; troisièmement, le problème des emprunts toxiques, qui s’aggrave de nouveau.

En ce qui concerne la situation financière des collectivités territoriales, une certaine incompréhension, il faut le dire clairement, règne entre ce qui est vécu sur le terrain et ce qui est perçu à l’échelon central, notamment à Bercy. Certaines collectivités territoriales, plus particulièrement les départements, ont vu leurs ressources fiscales stagner ou augmenter légèrement, et leurs dépenses, en particulier sociales, parfois exploser.

Sur le terrain, la persistance des normes, les transferts de compétences pas toujours compensés à 100 % et, maintenant, la réduction de la dotation globale de fonctionnement engendrent logiquement des discours peu positifs, pointant la dégradation des finances locales et l’ampleur des difficultés à venir, révélateurs d’une vision assez pessimiste de la situation actuelle et des perspectives d’avenir.

À Bercy, mais aussi dans les études macroéconomiques de l’INSEE ou de la Banque postale, le constat est plus nuancé. Je souligne que, de 2004 à 2013, l’épargne brute des collectivités a augmenté de 31 milliards à 38 milliards d’euros selon la Banque postale ; malgré l’augmentation concomitante de la dette, il ne fallait, en 2013, que 4, 4 années d’épargne brute pour rembourser la dette des collectivités, ce qui laisse, objectivement, des marges de manœuvre.

Dans une grande ville que je connais bien, au moment de la discussion des orientations budgétaires, j’ai pu moi-même constater que, pour 2015, la baisse des dotations était évaluée à 5 millions d’euros, mais que la croissance des bases était un peu supérieure à 4 millions d’euros et que la baisse des taux d’intérêt engendrait une économie de 1, 5 million d’euros. Malgré les difficultés, on peut donc considérer que la situation est gérable.

En revanche, pour 2016 et 2017, on est en droit d’être inquiet. On attend des collectivités des efforts de rationalisation, mais chacun sait bien que ces efforts ne produisent tous leurs effets que dans le temps, tandis que les ponctions sur les budgets des collectivités annoncées pour 2016 et 2017 ne sont pas négligeables. Personne ne peut affirmer qu’il sera facile, pour les collectivités, de réaliser les économies nécessaires sur leurs dépenses de fonctionnement. L’État doit le reconnaître. La situation serait encore pire si, comme on l’entend parfois demander, le plan d’économies sur les dépenses publiques devait s’élever à 150 milliards d’euros au lieu de 50 milliards…

Que peut-on envisager pour 2016 et 2017 s’agissant de l’investissement local ? C’est une question essentielle. Plusieurs éléments extérieurs, tels que la baisse de l’euro, la diminution du prix du pétrole, la nouvelle politique de la Banque centrale européenne, ouvrent des perspectives de croissance devant à mon sens être accompagnées, sur le terrain, par une reprise de l’investissement local, qui représente plus de 70 % de l’investissement public.

Sur le plan macroéconomique, les collectivités peuvent aller plus loin, en étant raisonnables, grâce à la faiblesse de leur taux d’endettement. Cela étant, il me semble nécessaire que l’État prenne des initiatives pour éviter la déprime collective qui risque de s’installer dans l’esprit d’un certain nombre de nos collègues élus locaux. En économie, on le sait, les facteurs psychologiques sont souvent aussi importants, voire davantage, que les réalités objectives. Il faut donc tout faire pour que, contrairement aux prévisions qui circulent aujourd’hui, l’investissement public se redresse en 2016 et en 2017 et apporte ainsi son concours à la croissance.

Un économiste de l’Observatoire français des conjectures économiques, Éric Heyer, soulignait récemment que 1 euro d’investissement public engendrait 3 euros d’activité et par suite, compte tenu du niveau actuel des prélèvements obligatoires, 1, 5 euro de recettes fiscales, ce qui contribue à la résorption des déficits. C’est un point que nous devons avoir à l’esprit.

En conclusion, je dirai quelques mots des emprunts toxiques. C’est une longue histoire, qui a conduit voilà quelques années à la mise en place d’un fonds de soutien. Celui-ci a permis d’aider certaines collectivités, sans résoudre pour autant tous les problèmes. Plusieurs dizaines d’entre elles sont aujourd’hui confrontées à la forte hausse du franc suisse par rapport à l’euro. Il faut se pencher sur ce problème, important pour les collectivités concernées mais aussi pour le système bancaire, notamment pour la Société de financement local, la SFIL. En 2012, ce type d’emprunts représentait un risque de 3 milliards d’euros ; il serait souhaitable de savoir ce qu’il en est aujourd’hui après cette évolution des parités et combien de collectivités sont touchées, sachant que ces dernières devront faire face à des taux d’intérêt délirants, qui pourront atteindre 25 %, 30 %, voire 40 % ! Cette situation n’est acceptable pour les contribuables locaux ni sur le plan financier ni sur le plan moral. Il convient donc de relancer la réflexion et l’action sur ce sujet.

Mes chers collègues, je me souviens avoir participé, à la fin de 2008, à des réunions d’élus locaux au sujet des emprunts toxiques. Il nous avait alors semblé nécessaire de résoudre le problème au plus vite, de peur qu’il ne prenne des proportions explosives. Sept ans plus tard, malheureusement, l’explosion nous menace !

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