Intervention de Ronan Dantec

Réunion du 27 janvier 2015 à 14h30
Débat sur l'évolution des finances locales

Photo de Ronan DantecRonan Dantec :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les dotations de l’État aux collectivités territoriales diminueront de 11 milliards d’euros entre 2015 et 2017, après avoir déjà baissé de 1, 5 milliard d’euros en 2014. Cela a déjà été souligné, les possibles répercussions de ces baisses sur la qualité des services rendus à la population sont préoccupantes.

Sans perdre de vue l’équilibre des comptes de la nation, les écologistes s’opposent à la baisse de ces dotations : nous n’acceptons pas que la résorption de la dette publique se fasse au détriment des services publics territoriaux !

Nous considérons que la forte baisse annoncée met en péril la capacité d’animation des collectivités territoriales, et donc le dynamisme des territoires. En effet, comme nos collègues Dallier, Mézard et Guené, nous estimons que, dans bien des cas, la baisse des dépenses de fonctionnement ne suffira pas à équilibrer les budgets locaux – même s’il est vrai qu’il existe de grandes différences entre collectivités territoriales, et que certaines sont bel et bien en mesure de réaliser des économies de fonctionnement –, de sorte que les investissements devront également être revus à la baisse. Or réduire la capacité d’investissement des collectivités territoriales nous semble particulièrement périlleux en période de crise, alors que cet investissement joue un rôle central pour l’emploi local.

Les écologistes, qui n’ignorent pas les contraintes que le contexte budgétaire tendu fait peser sur l’action du Gouvernement, ont plusieurs pistes d’avenir à présenter en matière de finances locales.

La première concerne la réforme de la dotation globale de fonctionnement, ou plutôt des dix-huit dotations que l’État verse aux collectivités territoriales, sur le fondement d’une myriade de critères qui se superposent, rendant le mécanisme à peu près illisible. Il faut clarifier les choses, avec l’objectif prioritaire de réduire les inégalités qu’engendre ce dispositif : aujourd’hui, les montants de DGF par habitant varient de un à quatre ! Ainsi, les élus locaux ne font souvent plus le lien entre, d’une part, la situation de leur territoire et les décisions qu’ils prennent, et, d’autre part, l’évolution de la DGF.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, une mission parlementaire va commencer à travailler sur ce dossier. Elle devra déboucher sur des propositions précises, visant à améliorer à la fois la lisibilité et la prédictibilité du dispositif, ainsi que la solidarité territoriale et les péréquations qui doivent être au cœur de la DGF.

Je rappelle que le groupe écologiste avait déposé un amendement au projet de loi NOTRe visant à établir un principe directeur en matière de péréquation : il s’agissait de fixer une fourchette maximale d’écarts de richesse, et de ne pas prendre en compte seulement des critères monétaires.

Il faudra aussi bien préciser comment la charge de la baisse annoncée de la DGF sera répartie entre les différents territoires. En ce qui nous concerne, nous proposons de lier la baisse de la dotation à la situation sociale du territoire et au respect, par la collectivité territoriale, d’un certain nombre d’obligations. Par exemple, il serait simple et pertinent d’indexer cette baisse sur le taux de logements sociaux du territoire. De fait, mes chers collègues, nous connaissons tous des collectivités territoriales qui n’ont toujours pas fait l’effort d’augmenter leur taux de logements sociaux ; il serait assez normal qu’elles soient particulièrement touchées par la baisse de la DGF.

Il est tout à fait clair que certaines communes, notamment en deuxième couronne parisienne et en banlieue, disposent de ressources fiscales faibles alors qu’elles comptent un très grand nombre de ménages modestes. Nous savons bien qu’elles ne pourront pas faire face à une baisse de la DGF.

Cela m’amène à évoquer la nécessaire réforme des bases fiscales. Je ne doute pas que notre collègue François Baroin, président de l’Association des maires de France, fera preuve de volontarisme sur ce sujet. Le fait est que la situation actuelle est source de difficultés pour un grand nombre d’intercommunalités.

Par ailleurs, en ce qui concerne la péréquation horizontale, il convient de réexaminer les marges de manœuvre disponibles au sein du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC.

À cet égard, nous avons proposé, au cours de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation de la République, l’instauration d’une péréquation entre les communes d’une même région, sur le modèle de celle qui est assurée par le Fonds de solidarité des communes de la région d’Île-de-France, le FSRIF. Un mécanisme de ce type donnerait une traduction concrète, au-delà des discours ou des procès d’intention, de la volonté politique de faire participer plus clairement les métropoles et les territoires riches au financement des besoins de développement de l’ensemble du territoire régional.

Un autre vaste chantier s’ouvre devant nous : celui de la mutualisation. Le rapport d’évaluation des mutualisations au sein du bloc communal, remis le 22 janvier au Gouvernement et à l’AMF, tombe à pic. Il ouvre quelques pistes intéressantes, à commencer par l’idée d’accompagner les mutualisations d’un soutien financier, sous la forme d’une incitation fiscale ou du maintien de la dotation pendant la phase de mise en place. En effet, toute mutualisation commence par engendrer un surcoût avant de produire des économies.

Or, sous l’effet de la baisse de la DGF, qui a déjà commencé, on assiste plutôt à une forme de repli, notamment des intercommunalités : comme les recettes diminuent, les présidents d’intercommunalité sont souvent extrêmement réticents à approfondir les mutualisations, alors que celles-ci représentent l’un des gisements possibles d’économies de fonctionnement. Le mécanisme est simple à comprendre : quand on a moins, on est réticent à développer de nouveaux services et, en définitive, on mutualise moins.

Le rapport envisage aussi la possibilité d’assouplir le cadre juridique. Cela nous semble nécessaire, en vue notamment d’autoriser la mutualisation de tous les types de services entre intercommunalités ou entre communes et intercommunalités. Ainsi, la mutualisation pourrait être pratiquée plus largement.

Nous soulèverons de nouveau cette question au cours de l’examen en deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, puisque les amendements que nous avions déposés sur ce sujet en première lecture n’ont pas été adoptés et que les réponses données par M. le rapporteur ne nous ont pas pleinement satisfaits. Peut-être pourrons-nous mettre à profit le temps qui nous sépare de la deuxième lecture pour faire avancer ce débat important et trouver des formulations qui fassent consensus entre nous.

Une autre piste à explorer est particulièrement d’actualité, alors que nous sommes sur le point d’entamer l’examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte : celle des investissements publics liés à la transition énergétique. Outre qu’ils entraînent à terme une baisse des charges, le retour sur ces investissements concourt à une bonne gestion des collectivités territoriales.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, compte tenu de l’urgence climatique et de la menace planant sur les investissements publics, ne pourrait-on pas faire bénéficier ces investissements liés à la transition énergétique d’une prise en compte différenciée pour le calcul du taux d’endettement des collectivités territoriales ? Ainsi, les collectivités territoriales qui se mobilisent sur ce dossier ne seraient pas pénalisées par une explosion de leur niveau d’endettement. Cette question est technique et assez complexe, mais elle représente un enjeu majeur dans la perspective de la transition énergétique.

Pour conclure, je tiens à insister sur une évidence : les collectivités territoriales riches, souvent dotées de moyens humains plus importants que les collectivités territoriales plus petites et plus fragiles, sont davantage capables que ces dernières de développer de nouveaux projets, et donc de capter les financements. Les régions, garantes demain de l’équilibre territorial, devront être attentives à ce problème et mettre en place des outils d’accompagnement en amont des projets.

Telles sont, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quelques-unes des propositions que les écologistes ont à verser à ce débat. Le chantier est vaste, mais les enjeux sont essentiels : il s’agit ni plus ni moins que de remettre la solidarité et l’équilibre des territoires au cœur de l’action publique ! §

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