Intervention de Jean-Claude Boulard

Réunion du 27 janvier 2015 à 14h30
Débat sur l'évolution des finances locales

Photo de Jean-Claude BoulardJean-Claude Boulard :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en matière de finances locales, nous souhaiterions d’abord avoir un peu de stabilité, en contrepartie de la durabilité de nos engagements. Mais je sens bien que ce vœu a peu de chances d’être entendu…

L’effet cumulé du recul des dotations, du financement de la péréquation et de la réforme de la DGF risque de poser des problèmes tout à fait redoutables dans certains territoires.

Le recul des dotations peut être comparé à un régime. Les premiers kilos ne sont pas trop difficiles à perdre, mais les choses se compliquent lorsque l’on commence à perdre de la masse musculaire… Un repli massif de l’investissement constitue un risque bien réel pour 2016 et 2017. Nous avons en effet une gestion prudentielle, un culte de l’excédent, et nous nous dirigeons probablement vers un recul très important de l’investissement. Ne négligeons pas ce premier phénomène.

Concernant la péréquation, on lui fait jouer aujourd'hui un rôle un peu pervers. Elle a été instaurée pour réduire les écarts de richesse. Je rappelle toutefois qu’un territoire subit un prélèvement au titre de la péréquation dès lors que sa richesse atteint seulement 90 % de la moyenne. On utilise de plus en plus la péréquation pour atténuer les effets des reculs des dotations. Ceux qui croient qu’une telle situation pourra perdurer s’illusionnent. Il s’agit en effet d’un usage assez pervers de la péréquation.

Enfin, la réforme de la DGF ne peut pas se limiter à la réduction des écarts. En effet, certains écarts s’expliquent, sont légitimes, par exemple ceux qui sont liés au niveau d’intégration des compétences, justifiant l’existence d’un coefficient d’intégration fiscale, sur lequel est indexée la DGF, ou aux charges de centralité. À cet égard, permettez-moi de citer le cas du maire de Baugé-en-Anjou, ville de 3 800 habitants, qui crée une commune nouvelle pour mieux répartir ces charges de centralité. On ne peut donc pas limiter la réforme de la DGF à la simple réduction des écarts.

S’agissant maintenant de la fiscalité locale, je rappelle que, depuis quarante ans, on ne cesse de supprimer des impôts locaux au profit de dotations que l’État, mais que le gouvernement en place, quel qu’il soit, après avoir annoncé qu’il ne toucherait jamais à ces dotations parce qu’elles sont sacrées, finit toujours par les réduire.

Le Sénat avait donc souhaité, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2015, mettre effectivement en œuvre le principe de sanctuarisation de la fiscalité locale et, en conséquence, rétabli trois taxes qu’avait supprimées l’Assemblée nationale en première lecture : la taxe pluviale, la taxe de trottoirs et la taxe sur les spectacles de variétés. Malheureusement, nos collègues députés ne nous ont finalement pas suivis. On aurait pourtant pu penser qu’au moment où l’on assiste à un repli des dotations l’heure était venue de mettre définitivement fin à ce mouvement de suppression des impôts locaux.

Sommes-nous d’accord pour sanctuariser la fiscalité locale ?

Par ailleurs, il convient de clarifier cette fiscalité en actualisant l’ensemble des bases locatives, commerciales ou d’habitation. À cet égard, se présente évidemment une difficulté : s’agissant d’impôts de répartition, l’allégement des uns peut entraîner l’augmentation, fût-elle légère, des autres. La prudence s’impose donc dans cette démarche ; d’où la nécessité absolue de procéder à des simulations.

Dernier point : l’autonomie. Je ne pense pas que l’autonomie fiscale de certaines collectivités locales doive passer par la remise en cause de celle d’autres collectivités.

La réforme de la taxe professionnelle a eu pour conséquence de réduire extraordinairement l’autonomie des régions et des départements, mais le recouvrement légitime par elles de leur pleine autonomie fiscale ne doit pas se faire au détriment de celle du bloc communal. Or la tentation de procéder ainsi existe, comme on a pu le constater avec la question du versement transport.

Avant de conclure, mes chers collègues, je veux citer trois mots dont il faut se méfier dès lors qu’il est question de fiscalité locale.

Derrière le mot « simplification » – surtout lorsque ce sont des inspecteurs des finances qui l’emploient –, se dissimule l’idée de « suppression ».

Derrière le mot « toilettage », il y a l’idée qu’on peut être tondu. §

Et quand on parle de « mise à plat », il faut comprendre qu’on va rouler sur les jantes !

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