Intervention de Jean-François Husson

Réunion du 27 janvier 2015 à 14h30
Débat sur l'évolution des finances locales

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

Tenues de présenter un budget à l’équilibre, elles sont aujourd’hui confrontées à une baisse drastique des dotations de l’État.

Ce retrait de l’État intervient alors que l’épargne brute des collectivités ne cesse de diminuer depuis 2012 – de presque 10 % –, du fait de la faible croissance des recettes fiscales et des premières diminutions des concours financiers de l’État.

Le ralentissement des dépenses de gestion des collectivités depuis trois ans ne réduit pas l’effet de ciseaux, d’autant qu’une hausse des frais de personnel et des diverses prestations sociales, comme l’a dit notre collègue Vincent Delahaye, a été imposée aux collectivités.

La baisse, déjà observée, de l’épargne brute a une double conséquence : la diminution de l’investissement et l’augmentation de la dette.

Au lieu de considérer que les collectivités avaient apporté leur contribution au redressement des finances publiques et de leur laisser le temps de rétablir l’équilibre de leurs comptes, votre gouvernement, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, a fait le choix de programmer une baisse des dotations de 11 milliards d’euros d’ici à 2017 ! Ainsi, les collectivités auront subi une diminution de 28 milliards d’euros, pas moins, de 2013 à 2017.

Le bloc communal sera plus particulièrement visé par ces baisses : alors qu’il représente 56 % des dépenses publiques locales, il supportera une baisse de 70 % des dotations qui lui sont destinées.

Dans votre budget, le montant de l’emprunt est de 200 milliards d’euros environ, pour des investissements de 16 milliards d’euros environ. Les collectivités, soumises, elles, à une obligation d’équilibre budgétaire et ne pouvant emprunter que pour investir, seraient-elles le dindon de la farce ? L’État semble en tout cas avoir plus de facilité à imposer une rigueur budgétaire aux collectivités qu’à lui-même !

Pour illustrer l’effort demandé par l’État aux collectivités, j’indiquerai que le montant total des moyens budgétaires mis en œuvre par les seize communautés urbaines et métropoles est de 11 milliards d’euros, soit le coût de la totalité des actions des communes et des communautés de France en matière de culture et de sport.

De nombreux spécialistes estiment que les dépenses d’équipement vont diminuer de 30 %, sans pour autant freiner l’endettement des collectivités locales, comme nous avons pu l’observer en 2014, des collectivités qui devront donc arbitrer entre la préservation du capital existant et la réalisation de nouvelles infrastructures ou d’investissements répondant à des besoins nouveaux ; je pense notamment au numérique, à la performance énergétique.

Dans le domaine des travaux publics, François Baroin l’a dit tout à l’heure, c’est la perte de 70 000 emplois qui est quasiment annoncée.

Par conséquent, loin de soutenir la croissance, l’effort qui est demandé aux collectivités locales fait peser un risque réel de récession.

La loi de programmation des finances publiques 2015-2017‎ instaure un objectif national d’évolution de la dépense publique qui regroupe les dépenses de fonctionnement et d’investissement des collectivités locales, hors amortissement des emprunts.

Le Gouvernement entend ainsi inciter les collectivités à participer à l’effort national de réduction des déficits. C’est logique ! Sinon que, le choix d’un tel indicateur montre à quel point le Gouvernement est dans l’erreur : consolider les dépenses de fonctionnement et d’investissement n’apparaît pas des plus judicieux. L’effort des administrations doit essentiellement porter sur le fonctionnement, afin de dégager de l’épargne et de soutenir les dépenses d’investissement, vertueuses pour le développement économique de nos territoires.

Au-delà de la baisse des dotations, votre gouvernement évoque régulièrement depuis un an l’idée de réformer « sans attendre » la DGF, ce qui suscite questionnement et inquiétude.

Lors des dernières Assises de la ruralité, le relevé de conclusions prévoyait de « rééquilibrer les dotations et aides financières aux collectivités rurales, en faveur des territoires ruraux ».

Si l’on peut accepter de revoir, sur le principe, les dotations aux collectivités, convenons que leurs écarts résultent de calculs connus et ont leur justification. Surtout, évitons que cette question ne dérive trop vite vers le faux débat « urbain contre rural ».

Il convient d’ailleurs de rappeler que la DGF n’est pas une dotation mesurant l’aide de l’État ; elle n’est que le remboursement d’un prélèvement fiscal opéré par l’État en remplacement d’un autre prélèvement fiscal opéré antérieurement par les collectivités locales.

Enfin, s’agissant des dotations aux collectivités locales et/ou des modalités financières de leur accompagnement, permettez-moi, madame la ministre, de formuler une proposition.

Puisqu’il faut essayer de faire mieux avec moins, essayons d’être imaginatifs et audacieux, en sortant quelque peu des sentiers battus. Pourquoi ne pas imaginer un dispositif nouveau et incitatif de dotations qui seraient attribuées par un système de bonification pour les projets d’investissement qualifiés de structurants, qui répondraient à des choix stratégiques s’intégrant par exemple dans des schémas de service et d’équipements élaborés par les élus et participant aux dynamiques de développement et d’attractivité des territoires ? La durée de bonification pourrait être limitée, pour permettre d’adapter le montant des enveloppes dédiées dans le temps et selon les territoires.

L’objectif serait d’inviter les collectivités à hiérarchiser leurs projets et à privilégier les opérations structurantes, considérant qu’aujourd’hui de nombreux projets qui s’inscrivent dans cet esprit et cette démarche ne peuvent plus être financés.

Je pense, par exemple, aux projets scolaires.

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