Intervention de Marylise Lebranchu

Réunion du 27 janvier 2015 à 14h30
Débat sur l'évolution des finances locales

Marylise Lebranchu :

Compte tenu de la situation des finances publiques, pour verser ces dotations aux collectivités territoriales, l’État est contraint de s’endetter. Ainsi, pour permettre aux collectivités de respecter cette fameuse règle d’or, à savoir de ne pas emprunter, l’État emprunte lui-même, et cet emprunt est celui de tous les citoyens français !

Il convient donc de rappeler que le budget est un tout, qu’une partie de l’endettement de l’État s’explique par ces dotations de l’État aux collectivités et que la dette de la France s’entend dotations aux collectivités territoriales comprises !

Celles-ci ont été gelées par l’ancien gouvernement – j’assume entièrement mes propos de l’époque à ce sujet –, puis baissées de 2013 à aujourd’hui, comme l’a expliqué André Vallini. Il est vrai que, auparavant, elles augmentaient régulièrement en fonction de la progression de la dépense des collectivités territoriales, qui n’était le fruit de la seule volonté des élus locaux, mais aussi du coût des compétences transférées.

En analysant la situation à travers ce prisme-là, on peut commencer par se réjouir que le plan Juncker prenne en compte les demandes des collectivités territoriales concernant leurs investissements. Un certain nombre d’entre elles se sont déjà organisées, en particulier les régions – François Patriat le sait bien – afin que cet effet levier soit important. Les associations d’élus ont ainsi déjà désigné certains projets prioritaires. Nous y reviendrons le 10 février.

Par ailleurs, choisir d’accroître la compétitivité des entreprises grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui représente 12 milliards d’euros d’allégements en 2014 et 20 milliards d’euros en 2015, c’est mobiliser une part de l’emprunt national pour aider directement les entreprises, car il faut bien compenser la baisse des cotisations.

Ce choix de la compétitivité a été largement approuvé par les entrepreneurs, qui en bénéficient. Dès lors, sont-ils fondés à nous reprocher aujourd’hui que ce choix se traduise aussi par une baisse des dotations aux collectivités et, par conséquent, par un certain ralentissement de leurs investissements, donc de leurs commandes aux entreprises ?

Chacun sait que ce choix est contesté. M. Éric Bocquet a rappelé tout à l’heure qu’il y était fermement opposé et qu’il aurait préféré que l’on reversât ces sommes aux collectivités territoriales.

Nous, nous faisons le choix de la compétitivité de la France, et c’est un choix que porte, avec difficulté, le budget de l’État. Cela devra également faire partie de la discussion.

M. Baroin, ancien ministre du budget et actuel président de l’AMF, nous rappelait tout à l'heure que j’avais qualifié le gel des dotations de récessif. Oui, la baisse de la dépense publique a toujours un effet récessif, quelle que soit la catégorie de dépense publique concernée, qu’elle vise à redistribuer de l’argent ou qu’elle contribue à l’investissement. Personne n’a pu démontrer le contraire ! Mais nous avons assumé ce choix dans le cadre du pacte de responsabilité et à travers l’aide directe à nos entrepreneurs.

François Hollande évoquait le risque de défaut de la France dans son discours de Dijon. Nous n’avons peut-être pas suffisamment expliqué nos choix difficiles de juillet 2012 : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, c'est-à-dire une aide aux entrepreneurs, d’une part, et des économies, d’autre part. Il s’agissait d’éviter le défaut. Quand on voit ce qu’implique une véritable austérité, notamment pour les collectivités territoriales et pour les services publics, pour un pays en général, il semble bien que nous ayons eu raison !

Sans revenir sur le partage des responsabilités quant à la situation, je rappelle tout de même que l’accroissement de la dette, à la fin 2012, était considérable. Aux 30 milliards d’euros hérités de l’ancien gouvernement se sont ajoutés nos propres engagements, d’un coût équivalent. C’est alors que nous avons décidé d’arrêter, car nous nous dirigions vers le défaut.

Il est vrai que nous avons imposé un certain nombre de normes aux collectivités, en particulier s’agissant de la fonction publique territoriale. Ces décisions ont cependant été prises en commun : les employeurs territoriaux siègent avec nous au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale. Son président, pourtant membre de l’opposition, a d’ailleurs déclaré à l’occasion de ses vœux qu’il assumait ces décisions, car les fonctionnaires territoriaux de catégorie C étaient trop mal payés. Il va même jusqu’à admettre que le gel du point d’indice de la fonction publique lui pose problème !

Ces mesures ne sont donc pas le fait du seul Gouvernement, mais bien de l’ensemble des employeurs, réunis avec les organisations syndicales.

Fallait-il renoncer à augmenter nos fonctionnaires territoriaux les moins avantagés ? Pensons à ceux qui travaillent de nuit dans les EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes : ils avaient besoin de ce coup de pouce. Par ailleurs, pour la vie de nos collectivités territoriales, il était important que le pouvoir d’achat de ces personnels leur permette de consommer un peu plus.

Entendons-nous donc sur ce que sont les choix du Gouvernement : on peut les critiquer, mais nous devons assumer ensemble la responsabilité des décisions que nous avons prises ensemble !

M. Charles Guené a évoqué certains points sur lesquels nous reviendrons le 10 février, en particulier les valeurs locatives ou cadastrales.

Jacques Mézard a, lui, rappelé la différence entre la taxe d’habitation à Paris et la taxe d’habitation dans les petites villes. C’est en effet terrifiant !

Il existe, entre nos collectivités, des différences majeures, qui nous interdisent de les traiter par strate, en considérant comme égales toutes les régions, comme égaux tous les départements. Entre nos régions, entre nos départements, entre nos intercommunalités, entre nos communes, les inégalités sont parfois énormes.

Nous avons commencé à remonter la pente par la péréquation. François Patriat peut témoigner que la nouvelle carte des régions va nous permettre de retrouver une répartition plus homogène du PIB par habitant entre les régions.

À l’époque, avec Gilles Carrez, nous avions soutenu l’utilité de cette péréquation pour essayer de corriger quelques grandes différences entre les uns et les autres. Aujourd’hui, à bien y regarder, malgré ce dispositif, des inégalités considérables persistent, dans les situations comme dans les moyens. J’entends bien m’y atteler.

Il ne s’agit pas non plus d’opposer les communes urbaines aux communes rurales.

Nous connaissons tous des communes rurales qui n’empruntent pas un euro. Mais elles n’ont pas beaucoup de services à prendre en charge, sachant que ce sont les communes voisines qui les assurent.

Pour analyser vraiment les situations, il faut donc tout se dire !

Lorsqu’une station de sports d’hiver supprime le chauffage des trottoirs par mesure d’économie, elle ne se prive que d’une forme de luxe.

Lorsque le maire d’une commune située à une heure de Paris affirme disposer de 80 millions d’euros de provisions sans avoir d’emprunt à rembourser, c’est tout de même le signe d’une criante injustice !

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