Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, qu’est-ce qu’un travailleur saisonnier ? Notre code du travail n’apporte pas de réponse précise à cette question. Et je ne parle pas du statut du travailleur saisonnier étranger !
Selon le site internet du ministère du travail, « le travail saisonnier se caractérise par l’exécution de tâches normalement appelées à se répéter chaque année, à des dates à peu près fixes, en fonction du rythme des saisons – récolte, cueillette – ou des modes de vie collectifs – tourisme. Cette variation d’activité doit être indépendante de la volonté de l’employeur. »
Cette définition nous éclaire sur un aspect majeur : une activité qui se répète chaque année, de manière régulière. C’est la différence fondamentale avec l’intérim, qui est une façon de travailler non régulière, temporaire.
Faute de statistiques sur les saisonniers, on ne connaît pas aujourd’hui leur nombre exact dans notre pays. Cependant, en regardant les besoins de main-d’œuvre de Pôle emploi, on peut noter plusieurs tendances.
D’abord, les saisonniers se retrouvent dans de grands secteurs : l’agriculture – qui emploie 91 % de saisonniers –, l’hébergement-restauration – 62 % –, l’agroalimentaire – 53 % – et le commerce de détail – 44 %.
Ensuite, les recrutements saisonniers ont surtout lieu dans les petites structures : 60, 4 % des projets de recrutement saisonnier concernent des entreprises de zéro salarié et 46, 7 % de ces projets, des entreprises qui comptent un à quatre salariés.
Enfin, la part des projets de recrutement liés à une activité saisonnière est en hausse en 2014 et s’établit à 39, 2 % des prévisions d’embauche, contre 35, 8 % seulement en 2013. Cela correspond à 667 000 embauches potentielles.
Comme je le disais, il n’existe pas de statut de saisonnier dans le code du travail. Certains considèrent que c’est un point positif, car créer un statut spécifique pourrait enfermer ces salariés dans la précarité. On peut aussi estimer, à l’inverse, qu’une reconnaissance juridique permettrait aux pouvoirs publics de mieux encadrer les pratiques, de définir des règles et de limiter les abus.
Les contrats saisonniers sont, pour la plupart, des contrats à durée déterminée. Cependant, à la différence des autres CDD, ils n’ouvrent pas le droit à la prime de précarité. Il en résulte deux conséquences directes : une injustice évidente entre les salariés ; une incitation donnée à certains employeurs peu scrupuleux d’utiliser ce type de contrat dès lors qu’un pic d’activité intervient, alors qu’un contrat de droit commun serait justifié.
Il faut également souligner que les conditions de logement sont parfois difficiles. Dans bien des cas, c’est l’employeur qui se charge de loger les saisonniers. Or les activités saisonnières ont souvent lieu dans des zones où le logement est en tension. De plus, dans l’hôtellerie, par exemple, c’est aussi un outil de travail. Les employeurs sont ainsi tentés d’accueillir de la clientèle plutôt que de loger leurs employés, ce qui pousse à la faute en reléguant les salariés dans des logements de qualité moindre, voire indigne.
Notre droit prévoit certes des obligations légales de salubrité et de surface minimale pour les logements mis à disposition. Toutefois, pour être respectées, ces règles doivent s’accompagner d’une surveillance continue de la part de l’inspection du travail.
Notons aussi que la représentation syndicale des saisonniers est très limitée, ceux-ci n’étant pas toujours en situation d’emploi lorsque ont lieu les rencontres, les incitations à adhérer et, surtout, les élections professionnelles.
Le but de mon intervention n’est pas de contester la nécessité de ce type de travail. Vendanges, sports d’hiver, vacances d’été, centres de vacances : toutes ces activités sont, par définition, saisonnières et ne peuvent créer des emplois stables tout au long de l’année. En revanche, il faut explorer toutes les pistes pour assurer des droits suffisants aux saisonniers, afin de leur permettre de faire face aux variations d’activité et, surtout, à la précarité.
À ce titre, le Défenseur des droits a fait, en 2011, plusieurs propositions qui mériteraient d’être étudiées.
Il conviendrait, tout d’abord, de définir précisément le travail saisonnier dans le code du travail pour en renforcer l’encadrement juridique, prendre en compte les situations des salariés concernés et empêcher les employeurs de recourir à ce type de contrat lorsque cela ne se justifie pas.
Le Défenseur des droits nous invite ensuite à réfléchir aux moyens d’améliorer la stabilité d’emploi de ces salariés. Cela peut passer par un cadre normatif incitatif visant à favoriser une reconduction plus systématique des contrats d’une saison sur l’autre.
Enfin, il est proposé d’accorder aux travailleurs saisonniers l’indemnité de fin de contrat dont bénéficient tous les autres salariés employés en contrat à durée déterminée. Inexistante pour les contrats de travail saisonniers ne comportant pas de clause de reconduction ou lorsque cette reconduction n’est pas respectée par l’employeur, cette indemnité manquante est une vraie injustice !
Au-delà de ces propositions, on peut également réfléchir à la question du logement, en prévoyant, par exemple, une prime spécifique, en plus du salaire. Et, dans le cas où l’employeur se charge de l’hébergement, pourquoi ne pas lui demander de remplir une déclaration préalable adressée à l’inspection du travail dans le but de faciliter à celle-ci les contrôles ?
En conclusion, je tiens à remercier le groupe communiste, républicain et citoyen d’avoir proposé ce débat important. Il montre qu’il est aujourd'hui nécessaire de légiférer pour mettre un terme à la précarité des saisonniers et à leur usage opportuniste.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez entendu de la bouche des trois premières oratrices des propositions somme toute assez convergentes. Nous vous encourageons à prendre la plume pour rédiger de nouveaux textes ! §