Cette différence de visibilité des travailleurs saisonniers dans nos débats, par rapport à d’autres salariés plus proches des relais traditionnels, s’explique assez facilement. C’est pourquoi je suis heureux que nous puissions aujourd’hui accorder à ces travailleurs toute l’attention qu’ils méritent.
Aujourd’hui, de 1, 5 million à 2 millions de personnes seraient concernées chaque année par un emploi saisonnier, une pratique utilisée majoritairement dans les secteurs agricole et touristique. Les limites de ce statut sont connues : à la différence du CDD, le salarié saisonnier n’a pas droit à la prime de précarité de 10 % à la fin de l’exécution de son contrat.
Les travailleurs saisonniers sont soumis à de nombreux inconvénients et risques professionnels. Outre la précarité inhérente à cette nature d’emplois, ils ne bénéficient pas des formations auxquelles ils pourraient prétendre, subissent un rythme effréné et des horaires décalés et notablement excessifs au regard de la loi, une fatigue et un stress particulièrement nuisibles.
Les principales infractions relevées concernent la sous-déclaration des heures de travail.
Les conditions de transport et de logement sont elles aussi délicates ; cela a été dit, mais je le répète. Nous avons tous en mémoire la mort des deux jeunes saisonniers brulés vifs, évoqués à l’instant par nos collègues.
Pour apporter des réponses durables à ces situations de précarité, quelques solutions existent. Je pense notamment aux groupements d’employeurs, car ce système, véritable exemple de mutualisation, a démontré son efficience.
Dans mon département de l’Hérault, l’emploi saisonnier est majoritairement concentré dans la branche agricole et dans la branche tourisme, qui représentent à elles seules, selon Pôle emploi en Languedoc-Rousillon, près de 24 % des emplois proposés dans le département.
Pour faciliter la création d’emplois durables, différentes actions ont été menées afin de repérer les besoins des entreprises ou des collectivités, d’identifier les complémentarités d’activités entre filières, branches et territoires, et de mener des actions de formation ciblées auprès des publics demandeurs d’emplois pour faire coïncider les compétences et les besoins des entreprises.
Ces actions de structuration de l’emploi saisonnier ont mis en évidence la nécessité de faire coopérer les entreprises en facilitant le partage d’emplois et de compétences pour sécuriser les parcours professionnels et faciliter la création d’emplois pérennes.
Dans l’Hérault, cette solution est l’une des mieux adaptées à l’évolution et à l’amélioration des conditions de l’emploi saisonnier. Elle a donné des résultats probants depuis sa mise en place dans les années deux mille. Près de 148 groupements d’employeurs actifs, dont 70 % de groupements agricoles, ont vu le jour à la suite des actions menées sur les territoires. Au total, 1 500 emplois ont ainsi été créés.
En 2010, à la suite d’un constat de déficit de compétences, la profession agricole a souhaité accompagner la création d’un GEIQ, un groupement d’employeurs pour l’insertion et la qualification, spécifique aux métiers de la vigne et du vin. Après quatre années d’activités, soixante personnes ont été formées dans le département de l’Hérault, pour cinquante-cinq entreprises adhérentes. Au total, quelque 90 % d’entre elles ont ensuite trouvé un emploi pérenne.
Aujourd’hui, quatre GEIQ sont présents dans l’Hérault. Ils concernent des secteurs très divers : l’agriculture, le bâtiment, l’hôtellerie de plein air et les services à la personne.
Il s’agit d’un exemple concret de réponse au problème de précarité lié à l’emploi saisonnier. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous m’indiquer si vous avez des pistes pour favoriser l’émergence de tels groupements d’employeurs, notamment des aides au démarrage, lesquelles permettraient d’accompagner des emplois qualifiés, qui sont aussi l’une des composantes des groupements d’employeurs ?
Pour revenir au contexte national, comment aborder enfin la question des travailleurs saisonniers sans évoquer les travailleurs venant de pays hors Union européenne ?
Si la situation des travailleurs saisonniers ressortissants de l’Union européenne n’est pas satisfaisante, celle des ressortissants de pays tiers est le plus souvent marquée par le dumping salarial et social, ainsi que par des règles de droit ouvertement bafouées. Sur l’initiative des organisations syndicales, de nombreux exemples d’horaires, de conditions de travail et de logement indignes sont portés chaque année à la connaissance du public et donnent lieu à contentieux.
À cela s’ajoutent les sociétés de service européennes qui, via des contrats de prestations de services, offrent une main-d’œuvre étrangère en toute légalité, à des tarifs défiant toute concurrence – onze euros de l’heure –, sans aucune formalité : pas de bulletin de salaire, pas de déclaration à l’URSSAF, pas de cotisations sociales, une prestation payable sur facture. Les salariés peuvent être nourris et logés par le prestataire, qui retient parfois une partie de leur salaire. Dans la majorité des cas, les règles ne sont pas respectées, notamment en ce qui concerne le taux horaire. C’est scandaleux.
Dans l’Hérault, certains agriculteurs font appel à ces sociétés pour diverses raisons. Il est d’abord très difficile, compte tenu de la pénibilité des tâches et de la flexibilité des horaires – le week-end ou les jours fériés par exemple – de trouver des salariés. Ces sociétés épargnent aux agriculteurs les lourdeurs administratives. Ils n’ont en effet qu’une facture de prestation de services à payer. Cela doit nous conduire à nous interroger fortement sur ces emplois, qui n’alimentent pas la solidarité nationale et qui n’offrent aucune perspective durable aux travailleurs souvent venus de pays d’Amérique latine.
Une directive sur ce sujet a été adoptée par le Parlement européen le 5 février 2014, qui doit obligatoirement être transposée dans les deux ans et demi. Je suis évidemment impatient de voir la traduction dans les faits de cette initiative européenne.
Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer les principaux changements attendus par la transposition de cette directive ? J’attends notamment des précisions sur les moyens de contrôle prévus et les sanctions envisagées.