Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je n’oublierai pas de remercier à mon tour nos collègues du groupe CRC, qui sont à l’origine de ce débat concernant des milliers de salariés.
La question des travailleurs saisonniers compte parmi les préoccupations récurrentes d’une partie des salariés du département de l’Isère où je suis élu. Le travail saisonnier en région Rhône-Alpes emploie environ 35 000 personnes dans le secteur du tourisme, et le département de l’Isère recrute ce type de personnel pendant les deux saisons, l’été, bien sûr, et l’hiver.
Les travailleurs concernés par ces contrats sont jeunes – trente-cinq ans en moyenne – et adoptent, pour la plupart, cette forme d’emploi pendant plusieurs années consécutives. Ce choix est malheureusement souvent dicté par la nécessité : près de 83 % des saisonniers souhaiteraient voir leur situation professionnelle changer dans les années à venir.
À cette situation professionnelle, s’ajoutent des conditions de vie difficiles. Je veux bien sûr parler du logement. À cet égard, nombre de nos collègues ont déjà évoqué ces situations inacceptables, mais que l’on rencontre encore beaucoup trop souvent : des travailleurs saisonniers logés dans des appartements à la limite de l’insalubrité, certains mêmes dormants dans leur véhicule, soit à cause d’une absence de logement décent, soit en raison du coût trop élevé des logements qui leur sont proposés. Ces situations, nous en sommes tous conscients, ne peuvent perdurer.
Concernant leur situation professionnelle, ces travailleurs, qui alternent souvent emplois à durée déterminée saisonniers pendant la période touristique et CDD classiques le reste de l’année, se trouvent dans une situation d’instabilité professionnelle qui ne leur permet pas de se projeter dans l’avenir. Vous connaissez les difficultés rencontrées par un jeune souhaitant par exemple contacter un emprunt pour acheter un bien immobilier alors qu’il n’est pas employé en CDI.
Ce manque de stabilité représente également un frein pour les employeurs saisonniers, qui ont le plus grand mal à fidéliser leur main-d’œuvre. Ils pointent d’ailleurs régulièrement le manque de qualification du personnel recruté et l’incapacité à leur assurer une formation rentable sur le long terme par l’entreprise. Je pense par exemple à un exploitant de remontées mécaniques, qui souhaiterait pouvoir fidéliser son personnel saisonnier, une fois que celui-ci s’est familiarisé avec le fonctionnement et l’entretien de ses infrastructures bien particulières.
Ainsi, au-delà du caractère nécessairement limité du contrat saisonnier, qui ne couvre par définition que quelques mois dans l’année, des efforts doivent être accomplis pour améliorer son attractivité, en direction tant des personnels que des employeurs ; des efforts qui doivent permettre à nos petites entreprises, à nos artisans et agriculteurs installés dans nos territoires de montagne d'assurer la pérennité de leur activité, mais aussi à tous leurs salariés, notamment aux plus jeunes d'entre eux, de vivre et travailler dans nos massifs.
Voilà quelques années, le dispositif du CDI intermittent a été mis en place pour répondre à cet impératif. Ce contrat était destiné à pourvoir des postes spécifiques dans le cadre d’une activité à forte saisonnalité, par l’alternance de périodes travaillées et non travaillées. Il s’agissait de présenter une solution de rechange à la succession de contrats précaires et de fidéliser les personnels en leur apportant une stabilité d’emploi.
Il faut aujourd’hui constater, monsieur le secrétaire d'État, que ce CDI intermittent n’a trouvé que peu d’applications dans le secteur du tourisme, notamment parce que la possibilité de conclure ces contrats suppose l’existence d’un accord collectif. Or les entreprises du secteur n’atteignent généralement pas la taille minimale pour négocier ces accords. Je pense notamment aux artisans, agriculteurs et petites entreprises de moins de dix salariés, qui sont peu représentés dans les instances professionnelles.
La loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 a ouvert à titre expérimental le droit pour l’employeur de conclure, sans accord collectif, des CDI intermittents dans les entreprises de moins de cinquante salariés, dans trois secteurs du travail saisonnier. Un rapport d’évaluation de cette expérimentation devait être élaboré par le Gouvernement avant le 31 décembre 2014. Il n’est, à ma connaissance, pas encore disponible.
Aujourd’hui, de nombreux personnels et employeurs saisonniers rencontrent toujours les mêmes difficultés, les uns à envisager leur avenir, les autres à trouver du personnel compétent et fiable. Je me réjouis, encore une fois, de la tenue d’un débat sur ce sujet et je souhaite qu’il puisse déboucher sur des propositions concrètes et lisibles susceptibles d’améliorer les conditions de vie et de travail de ces salariés.