Intervention de François Commeinhes

Réunion du 27 janvier 2015 à 21h30
Débat sur la situation des travailleurs saisonniers dans notre pays

Photo de François CommeinhesFrançois Commeinhes :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer l’initiative du groupe CRC, tant cette question de la situation des travailleurs saisonniers dans notre pays est capitale, a fortiori dans les zones littorales et le département de l’Hérault, que j’ai l’honneur de représenter dans cet hémicycle, avec mon collègue Henri Cabanel.

L’emploi saisonnier est une caractéristique du secteur agricole. Si cette forme d’emploi constitue parfois une manière d’instabilité pour ceux qui en vivent, elle n’en demeure pas moins une dimension indissociable de cette activité, une réponse à la saisonnalité des conditions de production, expression des métiers du vivant.

La part de l’emploi saisonnier a augmenté pour permettre à de nombreuses exploitations de répondre aux défis majeurs de la société d’aujourd’hui. En cela, l’emploi saisonnier prend tout son sens en lien avec l’exigence d’adaptation de l’agriculture aux enjeux de la société.

C’est pourquoi je tâcherai d’exprimer ici les difficultés rencontrées sur la question du logement des travailleurs saisonniers, plus précisément des employés agricoles. Certes, le maire d’une commune touristique que je suis sait à quel point la question de l’habitat des actifs saisonniers est pour l’hôtellerie, la restauration et l’ensemble des professions affectées par l’activité touristique un enjeu majeur. Il s’agit toutefois d’une question globale, et traiter l’accueil des travailleurs saisonniers agricoles ne peut qu’avoir un effet vertueux et une action de levier sur l’ensemble du secteur.

Les exploitants agricoles sont, dans leur grande majorité, conscients de l’importance de la qualité des logements proposés aux saisonniers qu’ils recrutent. En effet, il suffit de dialoguer avec eux pour connaître la difficulté d’employer des travailleurs locaux, cette main-d’œuvre faisant souvent défaut.

Si les discours contre la réglementation peuvent apparaître souvent revendicatifs, ils ne sont pas pour autant négatifs, chacun ayant conscience de l’intérêt pour tous de proposer des hébergements confortables.

Aujourd’hui, c’est un fait, les normes standardisées imposées aux agriculteurs peuvent représenter un véritable frein à l’activité agricole. Certes, il est difficile de créer une cohérence entre des impératifs sociaux, relevant des droits de la personne dans le cas des saisonniers, et les nécessités économiques d’un secteur d’activité, l’agriculture, auquel la société demande des prestations de plus en plus diverses – son but n’est plus simplement de nourrir la population, mais aussi, entre autres objectifs, d’entretenir le paysage.

Il est alors temps de prendre conscience que l’emploi saisonnier et, directement, les normes fixées pour le logement saisonnier jouent un rôle dans la capacité des exploitations à se maintenir et à assurer leurs diverses fonctions pour la société.

Nous avons ici débattu, lors du projet de loi de finances, du maintien de la spécificité du contrat « vendanges ». Dans toutes les régions viticoles, particulièrement en Languedoc, l’équation est simple : pas de vendanges ni de cueillettes sans le renfort de 800 000 salariés ! À cela, les agriculteurs peuvent ajouter que, sans vendanges ni cueillettes, point d’agriculture performante au niveau local et européen, ni d'ailleurs de champagne en Champagne !

Sur la question du logement des travailleurs saisonniers, l’agriculture en zone littorale est soumise à de très fortes pressions – urbanisme, périmètres de protection réglementaire comme les zones naturelles d’intérêt écologique et faunistique, les ZNIEFF, ou les plans de prévention du risque inondation, les PPRI. Parmi ces pressions, la loi Littoral contraint, nous le savons, la constructibilité en zone agricole, qu’il s’agisse de bâtiments de stockage ou, dans le cas précis qui nous occupe, de logements pour les travailleurs saisonniers.

La loi Littoral distingue plusieurs types de zones : la « bande des cent mètres », les « espaces proches du rivage », les « espaces remarquables », ainsi que les coupures d’urbanisation. Deux dérogations sont prévues : tout d’abord, les « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » ; ensuite, une construction isolée est possible si l’activité agricole est jugée incompatible avec le voisinage.

Ces contraintes réglementaires freinent grandement les agriculteurs dans les adaptations nécessaires de leur outil de travail et remettent aujourd’hui de facto en question l’économie agricole dans ces zones littorales. La difficulté essentielle réside donc dans l’impossibilité de répondre aux besoins des exploitations pour loger leur main-d’œuvre face à une réglementation clairement inadaptée à la réalité de ces territoires.

La création ou l’extension de hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, autorisée par la loi Littoral, ne peut constituer une réponse pleinement adaptée à la demande des agriculteurs. En effet, l’extension de ces hameaux est limitée, la création « en dur » ne correspond pas aux besoins temporaires de logements et la construction de ces hameaux nécessite un portage financier que ni les collectivités ni les professionnels ne sont aptes à supporter.

Permettez-moi, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d’État, de profiter de ce débat pour appeler à une nécessaire évolution de la loi Littoral, afin de répondre aux besoins de logements saisonniers des agriculteurs.

Parmi les évolutions, il serait souhaitable – nombre d’acteurs du secteur et d’élus héraultais ont travaillé sérieusement sur cette question – d’autoriser la création de hameaux nouveaux intégrés à l’environnement à vocation agricole.

Il s’agirait d’autoriser la construction de ces logements sur un zonage A dédié, de réfléchir à la nécessité de mettre en place un habitat léger, de répondre à un projet collectif et d’assurer une implication forte des collectivités, garantes des équilibres locaux, par la prise d’arrêtés municipaux régissant la période d’ouverture de ces logements saisonniers, la mise en sécurité des sites et l’adoption d’une charte entre la collectivité, la chambre d’agriculture et les agriculteurs usagers.

Pour la profession, il est nécessaire de permettre aux structures agricoles de continuer à exister et de garantir leur mission d’entretien des paysages, de maintien d’une activité primaire et d’accomplissement d’un dynamisme au service de l’économie locale et de l’emploi.

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