Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le travail saisonnier est un sujet important pour mon département, la Haute-Savoie, et je remercie donc le groupe CRC de son initiative. Il concerne, par exemple, nos maraîchers, nos horticulteurs, nos viticulteurs, nos artisans et notre secteur très dynamique du tourisme. Après Paris, la Haute-Savoie est le premier département touristique de France, avec une double saisonnalité, été comme hiver : 652 000 lits, 35 millions de nuitées, 22 000 emplois saisonniers à l’année.
C’est un secteur prospère, regroupant une grande diversité d’activités : métiers de l’accueil et de l’information, de l’animation du sport, de la restauration et de l’hébergement.
Les nombreux emplois créés sont des emplois temporaires, qui suivent les rythmes imposés par le caractère saisonnier de la plupart des activités touristiques. En hiver, dans nos stations de montagne, les contrats courent de novembre à mars ; en été, de mai à septembre. La grande majorité de ces contrats concernent le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, avec des problèmes variés selon leurs spécificités.
Ce type de travail touche une population jeune – moins de 31 ans pour les saisonniers d’hiver et moins de 27 ans pour les saisonniers d’été –, qui doit accepter une grande mobilité géographique et professionnelle, avec des salaires compris entre 11 euros et 13 euros bruts de l’heure.
Selon une enquête de la CFDT, « les avis des saisonniers quant aux attentes vis-à-vis de leur emploi et ainsi quant à la précarité de leurs situations sont partagés. Pour certaines personnes la saisonnalité résulte d’un choix, pour d’autres elle est subie ».
Les entreprises qui les emploient, souvent familiales, sont très attentives à ce personnel, essentiel à la vie de leur activité. Si l’on doit parler du travail saisonnier, il faut aussi aborder les problèmes des entreprises qui les recrutent, et entendre leurs difficultés.
Ainsi, elles doivent faire face à un fort turn-over, qui rend le recrutement sur le moyen et le long terme difficile, et à d’importants enjeux en termes de formation des personnes au fonctionnement de leur entreprise. De nombreux employeurs seraient prêts à annualiser leurs saisonniers pour garantir un emploi plus stable, mais font face à de trop lourdes charges patronales.
Certains évoquent également les aléas du temps. Le changement climatique, que l’année 2014, la plus chaude depuis près d’un siècle, a pu confirmer, entraîne aussi des problèmes d’organisation au quotidien. Pour exemple, je veux citer les entreprises de loisir de plein air en été : cinq jours de mauvais temps, succédant à sept jours de temps mitigé, sont très difficiles à gérer en termes de personnel. Il faudrait inventer une nouvelle façon de travailler, en phase avec ces nouvelles contraintes climatiques.
Certains entrepreneurs souhaitent ainsi une évolution du code du travail vers plus de souplesse, bien évidemment dans un système « gagnant-gagnant » pour l’employeur et pour l’employé.
On ne peut pas parler de travail saisonnier sans évoquer également le logement, qui reste un maillon faible, comme partout sur notre territoire d’ailleurs… Pour mémoire, la Fondation Abbé Pierre estime à 3, 5 millions le nombre de mal-logés en France, et la mise en chantier de logements neufs est passée sous le seuil symbolique des 300 000 logements, selon les chiffres du ministère du logement de décembre 2014. On s’éloigne donc encore un peu plus des 500 000 logements neufs par an censés correspondre aux besoins minimaux du pays.
Si certains saisonniers sont hébergés ou habitent la région, la situation reste précaire pour les autres, employés de la restauration et des services, de l’agriculture ou du bâtiment.
Cette situation a pu conduire à des drames, comme dans mon département, le 3 janvier 2013, avec la mort d’un jeune couple dans l’incendie de son camion, qui a été rappelée par de nombreux intervenants. Des actions très concrètes et des mesures ont été prises par la préfecture de la Haute-Savoie, laquelle a engagé, avec l’ensemble des élus concernés et des collectivités, une réflexion et des mesures pour l’accueil des saisonniers : réutilisation des bâtiments vacants, mobilisation du potentiel de logements touristiques déqualifiés, ouverture des campings.
De nombreux dispositifs ont été mis en place pour les saisonniers et sont encore à développer. Je voudrais citer le plan régional de la saisonnalité du conseil régional de Rhône-Alpes, engagé en 2006 en lien avec l’INSEE, mais aussi le remarquable guide de la saisonnalité, édité par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, en collaboration avec le conseil général de Haute-Savoie et les collectivités territoriales. Ce guide, qui recense toutes les informations utiles pour les saisonniers, mérite d’être généralisé. Les élus de Haute-Savoie se tiennent d’ailleurs à votre disposition pour faire partager leur expérience.
Aussi, je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d’État, quelles initiatives vous comptez prendre concernant les différentes questions que je viens d’évoquer : la précarité, la formation, le droit du travail, les charges patronales et le logement.