Intervention de Matthias Fekl

Réunion du 27 janvier 2015 à 21h30
Débat sur la situation des travailleurs saisonniers dans notre pays

Matthias Fekl, secrétaire d'État :

Concernant les spécificités de la loi Littoral, qui ont été soulevées dans ce débat, j’ai bien entendu le message et les propositions qui ont été formulées.

Au sujet de la santé, les saisonniers font souvent face à des conditions de travail très difficiles, dans des métiers sujets à des accidents du travail et surtout au développement de maladies professionnelles, sans toujours bénéficier d’un suivi médical suffisant. Le problème des saisonniers doit être intégré dans le calendrier des professionnels de la santé au travail. Des créneaux pourraient être réservés en début de période touristique pour les saisonniers, comme à la rentrée pour les apprentis.

De nombreuses interventions ont porté sur la question, très complexe et extrêmement sensible dans de nombreux territoires de notre pays, des salariés détachés. C’est bien sûr un sujet fondamental. La directive du 15 mai 2014 permet d’améliorer l’effectivité de la directive de 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services et de prévenir le contournement ou la violation des règles applicables.

Tout au long des négociations qui ont conduit à l’adoption de cette directive, la France a adopté une position d’extrême fermeté en faveur d’un texte ambitieux, pour renforcer les contrôles du respect des règles de détachement, afin de lutter plus efficacement contre le dumping social et la concurrence déloyale, deux pratiques inadmissibles qui peuvent déstabiliser des secteurs entiers et fragiliser les salariés.

L’essentiel des mesures législatives nécessaires à la transposition de la directive du 15 mai 2014 ont été adoptées dans le cadre de la loi du 10 juillet 2014, un texte d’initiative parlementaire, proposé par le député Gilles Savary, qui vise à lutter contre la concurrence sociale déloyale. Des travaux d’analyse sont en cours avec l’ensemble des ministères compétents pour déterminer si d’autres mesures législatives seront nécessaires, pour renforcer la réalité de l’action sur le terrain et son adéquation aux situations constatées.

La question de l’Europe sociale a aussi été évoquée lors de plusieurs interventions ; à l’évidence, elle demeure plus que jamais un objectif, avec des actions à mener dans de nombreux secteurs. La situation de l’Allemagne a été citée : son choix de s’engager sur un salaire minimum est, à cet égard, un indice très encourageant, qui doit avoir des traductions et des répercussions sur la réalité économique de notre pays, et pas seulement dans les zones frontalières.

Il est vrai que la concurrence salariale, quand elle existe entre États européens – c’est une réalité que nombre d’entre vous connaissent et constatent sur leur territoire – est un sujet de préoccupation extrêmement fort.

Beaucoup d’intervenants ont rappelé les difficultés actuelles liées au travail illégal, mais également à la situation des travailleurs non ressortissants de l’Union européenne.

Sur le premier point, vous le savez, la lutte contre le travail illégal fait l’objet d’une attention particulière du Gouvernement. Elle est organisée autour de deux axes : le contrôle et la prévention.

Le contrôle, tout d’abord, permet de faire appliquer le droit et les règles fixées par les lois de notre République. Chaque année, tous corps de contrôle confondus, sont effectués environ 65 000 contrôles d’entreprises dans les secteurs prioritaires. La réforme de l’inspection du travail et de son organisation a permis, depuis le 1er janvier 2015, la constitution d’un pôle « Travail illégal », dans chaque DIRRECTE, spécifiquement dédié à ce dossier.

S’agissant des initiatives visant à prévenir le recours au travail illégal, dans le secteur agricole, une convention de partenariat relative à la lutte contre le travail illégal en agriculture a été signée le 24 février 2014, lors du salon de l’agriculture, avec les partenaires sociaux et les ministres chargés de l’agriculture et du travail.

Par ailleurs, les caisses de la Mutualité sociale agricole ont très largement diffusé sur leur site internet des dépliants d’information, destinés aux exploitants agricoles, sur les risques qui existent à recourir à des sociétés prestataires étrangères sans s’assurer de la régularité de leurs interventions en France. Cette action de sensibilisation est très importante.

À propos de la transposition de la directive, comme nombre d’entre vous l’ont rappelé, l’Union européenne s’est dotée le 17 février 2014 d’une directive relative à l’emploi saisonnier des travailleurs non ressortissants de l’Union européenne que la France doit transposer d’ici au 17 août 2016. Le Gouvernement souhaite qu’elle se fasse dans les meilleurs délais. La transposition de cette directive est pilotée par le ministère de l’intérieur, et des réunions sont en cours en ce moment pour caler les mesures de transposition.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ferai part de nos échanges à mes collègues du Gouvernement, afin que les propositions qui ont été présentées aujourd’hui pour améliorer les conditions de vie et de travail des saisonniers puissent toutes être expertisées. Nombre d’entre elles sont débattues depuis trop longtemps, d’autres sont neuves et apportent des contributions importantes.

Il est essentiel que nous avancions collectivement sur un sujet qui se trouve au croisement de nombreux enjeux économiques et sociaux. Sur ce sujet complexe et multiforme, l’État doit avoir un rôle d’impulsion. Engager les partenaires sociaux à travailler à l’amélioration de ce statut par la négociation collective est une priorité.

Je salue une nouvelle fois ce débat, l’ensemble des interventions et l’initiative prise par le groupe CRC et Mme la sénatrice Annie David.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous nourri ce débat de vos analyses, de votre expérience de terrain et de vos propositions. Vous avez aussi rappelé de nombreux rapports de référence, qui ont amplement traité de ce sujet depuis de longues années.

En conclusion, ce débat ne peut pas être une fin, et je sais que vous souhaitez qu’il ne le soit pas. Il doit être un début, celui d’un travail interministériel exigeant et ambitieux, pour améliorer concrètement la situation et la vie des travailleurs saisonniers. C’est la volonté et la détermination du Gouvernement. Je sais que c’est aussi la vôtre, et je vous en remercie.

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