Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je formulerai quelques remarques liminaires.
Premièrement, chacun s’accorde, majorité comme opposition, à reconnaître que la loi de 2007 réformant la protection de l’enfance, que l’on doit à notre éminent collègue Philippe Bas, ici présent, est un bon texte – certes perfectible après huit ans d’application.
Deuxièmement, en matière de protection de l’enfance, les départements – dont l’existence est menacée, nous le savons bien – sont chef de file et pilotent la quasi-totalité du dispositif. J’aurais tendance à dire qu’ils le font plutôt bien. J’en profite pour rendre ici hommage à tous les acteurs départementaux anonymes et courageux côtoyant au quotidien les pires situations, en particulier les assistants familiaux et maternels, métiers difficiles et peu considérés.
Troisièmement, au XXIe siècle, et compte tenu de l’évolution de la cellule familiale et de son éclatement, le sujet de la protection de l’enfance est compliqué et douloureux. La subjectivité, la morale et l’éthique y tiennent une place considérable.
Cela étant posé, le texte que nous étudions aujourd’hui fait suite à un excellent rapport – qui avait reçu un accueil favorable de la commission – de Mmes Meunier et Dini, cette dernière ayant décidé de ne pas se représenter lors des dernières élections sénatoriales. Malheureusement, le groupe UMP considère majoritairement que la transposition de ce rapport en texte législatif n’est pas aboutie et aurait mérité un peu plus de recul, ainsi qu’une sérieuse étude d’impact concernant les conséquences sur le coût et le fonctionnement de l’aide sociale à l’enfance dans les départements.
De plus, en ce qui concerne l’adoption, une remise à plat profonde comme le souhaite notre collègue Alain Milon aurait nécessité plus de recul. Je connais la critique : on en parle depuis dix ans, et nous n’avançons pas ! Toutefois, commencer à examiner cette proposition de loi six mois après le dépôt du rapport est extrêmement court. Peut-être aurions-nous pu consacrer six mois supplémentaires, voire une année, à davantage de réflexion et de concertation. Je salue d’ailleurs l’excellent travail de la commission des lois, qui s’est penchée essentiellement sur les problèmes d’adoption et a voté à l’unanimité la plupart des amendements que va défendre le rapporteur pour avis, M. Pillet. J’ajoute que notre collègue Philippe Mouiller interviendra également sur les problèmes d’adoption.
Pour ma part, j’analyserai cette proposition de loi sous l’angle de la complexité administrative et des charges nouvelles pour les départements. Il se trouve que tout le monde souhaite un choc de simplification, mais jamais personne ne le met en œuvre !
L’article 1er prévoit la création d’un conseil national de la protection de l’enfance, alors que, de l’avis même du rapporteur, la structure existant déjà ne fonctionne pas. Il convient donc de reprendre cette initiative et de s’appuyer sur l’Observatoire national de la protection de l’enfance prévu à l’article 3 en améliorant son fonctionnement. Il me paraît en effet nettement plus simple de créer une seule structure et d’étendre ses compétences.
L’article 2 vise à réaliser un bilan annuel des formations, dont l’utilité est discutable compte tenu principalement de son élargissement à des acteurs qui n’ont rien à voir avec les services départementaux, comme les policiers, les gendarmes et les magistrats. Ce sont des agents de l’État et non des agents des conseils généraux ! Par conséquent, il n’existe aucune raison pour que les conseils généraux prennent en main ces formations et, surtout, les financent. Il serait plus logique et plus simple de confier à l’Observatoire départemental de la protection de l’enfance la formation des seuls agents départementaux, sans compter que cette décision permettrait d’économiser un certain nombre de charges.
L’article 4 tend à créer un médecin référent dans chaque service départemental de protection maternelle et infantile. Certes, la coordination est souhaitable, mais n’oublions pas le problème de la désertification médicale. Nous avons déjà beaucoup de mal dans les conseils généraux à trouver des médecins référents, que ce soit pour l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap ou la protection maternelle et infantile, n’allons pas créer des postes pour des médecins que nous ne trouverons pas. Soyons réalistes !
L’article 7 a pour objet de créer une commission pluridisciplinaire – une de plus ! La plupart des conseils généraux chiffrent à quatre le nombre d’équivalents temps plein que la création d’une telle commission nécessitera. Il semblerait même, je dis ça sous réserve, qu’un président de conseil général de l’actuelle majorité, et pas des moindres, ait parlé de cet article 7 comme d’une usine à gaz. En réalité, cette nouvelle structure se superposera aux décisions de justice avec les conséquences que l’on peut imaginer, ce qui ne va pas dans le sens de la protection de l’enfant.
L’article 8 vise à prévoir une intervention du juge sur le changement du lieu d’accueil. Cet article traduit une certaine défiance – ce qui va à l’encontre du propos liminaire que j’ai tenu sur la compétence des personnels de l’aide sociale à l’enfance – à l’égard des services de protection maternelle et infantile dans les départements.
L’article 9 tend à modifier le rapport annuel des services de l’aide sociale à l’enfance. Cela va dans le bon sens, mais une telle mesure introduit aussi des charges nouvelles non compensées.
Faute de temps, nous n’avons pas pu établir un chiffrage de ces dispositions, mais toutes ces obligations nouvelles à la charge des départements, au moment où les départements sont menacés dans leur existence et sont totalement exsangues, auraient mérité nettement plus de réflexion et une concertation plus approfondie avec l’Assemblée des départements de France. J’ajoute qu’on peut se poser la question de la conformité de ces nouvelles charges avec l’article 72-2 de la Constitution, qui dispose que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». À ma connaissance, aucune compensation au bénéfice des départements n’est prévue dans le texte.
Le groupe UMP, fort modéré, proposera de supprimer les articles qui visent à augmenter les charges des départements. Nos autres amendements tendent à apporter des améliorations au texte. Je persiste à penser que, avec un peu plus de recul et une meilleure étude d’impact, nous n’en serions peut-être pas arrivés là. Je regrette de dire que l’enfer est pavé de bonnes intentions, car l’objectif recherché par les uns et par les autres est bien la protection de l’enfant.
Si la plupart des amendements que notre groupe propose sont adoptés, nous voterons le texte ainsi amendé. En revanche, si la version d’origine est maintenue, nous ne pourrons pas le voter.