Intervention de Claude Dilain

Réunion du 28 janvier 2015 à 14h30
Protection de l'enfant — Discussion générale

Photo de Claude DilainClaude Dilain :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, après la loi de 2007, les sénatrices Muguette Dini et Michelle Meunier, qu’il faut remercier et féliciter, ont rédigé un rapport d’information, qui a été adopté par l’ensemble de la commission des affaires sociales. Une proposition de loi en a découlé, reprenant les suggestions les plus opportunes et consensuelles. C’est ce texte que nous étudions aujourd’hui, dont Mme la rapporteur a explicité les contours et les enjeux.

Cette proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui doit en effet nous rassembler, car ce sujet semble bien faire l’objet d’un consensus évident. Tous, nous voulons protéger les enfants. Je n’ai jamais entendu quelqu’un me dire que la protection des enfants n’était pas importante ! Pourtant, il apparaît clairement que légiférer sur ce thème est sujet à débat – nous l’avons constaté en commission – et reste un exercice difficile. Pourquoi ?

Rappelons que le souci du bien-être de l’enfant est un sentiment relativement récent dans notre histoire occidentale. Ce n’est qu’au XIXe siècle, en France, qu’on a commencé à légiférer pour protéger les enfants. Il a fallu attendre le 23 décembre 1874 pour que soit votée la première loi relative à la protection des enfants, en particulier des nourrissons. Cet acte juridique fondateur est bien tardif !

Auparavant, les enfants étaient souvent considérés comme une gêne, tant dans les familles d’aristocrates, qui les confiaient pendant plusieurs années à une nourrice loin du domicile familial, que dans les familles populaires, où les abandons et les infanticides étaient courants. N’oublions pas que longtemps le père a eu droit de vie et de mort sur ses enfants ! Cette réalité historique met d’ailleurs à mal la notion d’instinct maternel ou paternel, comme l’a si bien démontré Élisabeth Badinter.

Même si aujourd’hui le respect et l’amour que nous portons à nos enfants sont une évidence, légiférer sur cette question reste difficile pour plusieurs raisons. En effet, dans la mesure où le premier protecteur de l’enfant est sa famille, si celle-ci est défaillante, quelle qu’en soit la cause, la protection de l’enfant devient un dilemme.

Il y a deux attitudes philosophiques pour aborder cette protection : soit on considère que le lien familial doit être respecté, le plus possible, voire toujours ; soit, au contraire, une rupture partielle ou totale avec la famille est la priorité.

Ces deux philosophies de la protection de l’enfant s’opposent, mais elles ont chacune leur légitimité. Seulement, si l’on veut être efficace, il est indispensable que les tenants de ces deux théories se parlent et trouvent des équilibres opérants. C’est d’ailleurs l’objectif atteint par la proposition de loi.

Légiférer sur la protection de l’enfant est aussi rendu difficile par le fait que chaque situation, chaque drame, est particulier, voire singulier. Il est donc périlleux d’établir une règle générale.

À cela s’ajoute le fait que la maltraitance des enfants génère toujours beaucoup d’affects. Il faudra donc se méfier de nos émotions pour retrouver la sérénité, car il est rare que l’émotion soit bonne conseillère en termes de législation.

Je souhaite maintenant soulever deux points particuliers.

Tout d’abord, à l’article 2, j’ai déposé un amendement, après avoir entendu les professionnels de la protection de l’enfance. Pour eux, c’est au niveau départemental qu’il doit y avoir un recueil transversal des informations impliquant tous les services et que l’on doit échanger sur le partage des bonnes pratiques.

Si la création d’un conseil national de la protection de l’enfance est indispensable pour promouvoir la convergence des politiques menées au niveau local, il est clair que ce conseil doit se nourrir des informations recueillies à l’échelon départemental, et non l’inverse. C’est la raison pour laquelle je proposerai la création de commissions départementales pour la protection de l’enfance.

Ensuite, j’aimerais insister sur la nécessité de remplacer la formule « l’âge du discernement » par la notion de « degré de maturité », ce qui a été fait dans le texte. Je sais que la première formule juridique est présente dans tous les codes, comme vous l’avez fait remarquer, monsieur le rapporteur pour avis. Seulement, j’ai le regret de dire qu’elle n’exprime pas la réalité de l’enfance. Il faut le dire avec force : l’enfant discerne à tout âge, il entend et il comprend ! Cette réalité est maintenant largement démontrée. Il nous appartient donc d’adapter nos discours et nos actions à la maturité de l’enfant et de ne pas attendre un hypothétique âge du discernement. Je sais qu’il faudra du temps pour que cette réalité soit traduite juridiquement. Mais pourquoi ne pas commencer maintenant ?

Pour conclure, en tenant compte de toutes les difficultés que j’ai évoquées, je considère que la proposition de loi de nos collègues Meunier et Dini est courageuse. Je n’ai aucun doute sur la capacité de la Haute Assemblée à pouvoir en débattre sereinement avec un seul objectif : le bien-être de l’enfant.

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