Intervention de Alain Milon

Réunion du 28 janvier 2015 à 14h30
Protection de l'enfant — Article 18

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Abandon ou délaissement ? Étymologiquement, « délaisser » un enfant, c’est le laisser seul sans s’assurer qu’il soit pris en charge par un tiers. C’est le terme choisi par le législateur pour désigner l’élément constitutif de l’infraction pénale de mise en péril du mineur : le délaissement n’est pas en soi une infraction ; il n’est réprimé que s’il met en danger la santé ou la sécurité du mineur.

Le mot « abandon » est plus général : il a une connotation tout aussi, si ce n’est plus, péjorative. Mais il est plus compréhensible. L’abandon est également un élément constitutif des infractions d’abandon de famille ou d’incitation à l’abandon. Maintenir ce terme, une notion civile, pour le distinguer du délaissement, notion pénale, n’a donc pas de sens.

Cependant, la rédaction nouvelle de l’article 18 de la proposition de loi dénature totalement l’esprit de la réforme souhaitée par mesdames Dini et Meunier, une réforme qui figurait également dans la proposition de loi déposée le 21 septembre 2011 par Michèle Tabarot et plusieurs de ses collègues sur l’enfance délaissée et l’adoption et qui était également proposée par le Conseil supérieur de l’adoption.

En introduisant la notion d’abstention volontaire dans le texte, c’est aller plus loin que la jurisprudence actuelle quant au caractère volontaire du désintérêt. Cela revient subrepticement à revenir à la notion de grande détresse : seul le désintérêt intentionnel des parents peut justifier le prononcé de la déclaration d’abandon par le tribunal. Seuls les parents fautifs, coupables peuvent être sanctionnés. Encore une fois, c’est détourner son regard de l’enfant pour ne considérer que les adultes et leur responsabilité.

Les débats actuels relatifs à la possibilité pour un tribunal de déclarer abandonné un enfant sans le consentement de ses parents, en raison de la situation d’abandon ou de délaissement dans laquelle il se trouve, montrent que la réflexion doit être reprise et approfondie. Dans ces conditions, il est préférable de ne pas modifier l’article 350 du code civil, sous peine de venir troubler les juridictions.

Enfin, je rappelle que, au moment du dépôt de la proposition de loi portant réforme de l’adoption en 2005, Philippe Bas, alors ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, et moi-même avions beaucoup discuté de ces problèmes de délaissement et d’abandon. Et c’est à la suite de l’adoption de ce texte que l’article 350 du code civil avait été modifié.

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