Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 28 janvier 2015 à 14h30
Débat sur le thème : « quels emplois pour demain ? »

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

… d’où sont issus des gens, certes, très intelligents, mais qui viennent gonfler une haute fonction publique relativement déconnectée du réel – je parle en connaissance de cause, plusieurs de mes amis sont issus de ces formations.

En Allemagne, il n’y a pas de classes préparatoires aux grandes écoles, sans doute parfaites, mais pour la France napoléonienne du XIXe siècle. En Allemagne, nous ne retrouvons pas cette ségrégation scolaire, même si le système connaît d’autres travers, notamment la relation entre Gymnasium et Realschule

Par ailleurs, je suis tout aussi désolée de le dire, mais, en Allemagne, la formation continue tout au long de la vie est une réalité : 50 % des présidents directeurs généraux allemands sont issus de l’apprentissage, alors que – j’assume mes propos – une partie de notre élite française est déconnectée du réel, ce qui pose question.

Pour le dire autrement et rejoindre le propos de Jean Desessard, nous proposons, pour les emplois de demain, une logique non pas quantitative, mais qualitative. Nous proposons d’évoluer vers une autre société, celle que la transition énergétique permet. Cela induit des contraintes, mais constitue aussi une formidable chance.

Je dirai encore un mot de l’apprentissage. Qui, parmi nous, a envoyé ses enfants suivre un apprentissage de charpentier, de plombier ?… Si l’on avait les statistiques, on trouverait énormément d’enfants dans les grandes écoles et à l’université, et sans doute pas un très grand nombre en apprentissage. C’est un drame français : les métiers intellectuels et les grandes écoles sont survalorisés, alors que les métiers manuels sont – à tort – mal vus. Du coup, pour de mauvaises raisons, l’image de l’industrie est mauvaise, ce qui nous enferme dans un cercle vicieux.

Tant que les mieux dotés ne mettront leurs enfants que dans les grandes écoles, dans les établissements où il n’y a pas de mixité sociale, et que l’on aura cette vision du travail manuel, vous ne pourrez pas créer d’autres emplois pour demain ! Ni la robotique ni le numérique ne résoudront tous les problèmes ! Il faut absolument un changement d’état d’esprit très profond, un changement de paradigme, si nous voulons créer pour nos jeunes les emplois de demain.

En conclusion, je parlerai de l’employabilité. Je n’aime pas du tout ce mot, lequel transfère la responsabilité de l’adaptation de l’économie à nos jeunes eux-mêmes. On leur dit : tu es employable ou tu ne l’es pas ! Nous devons sans doute cette évolution des mentalités, en partie au traité de Lisbonne et à ses conséquences, mais cette approche n’est pas la bonne.

Nous devons former nos jeunes plus solidement et lutter contre le décrochage. Cela passe par la mise en place d’écoles de la deuxième chance et de nouvelles méthodes pédagogiques. Vous pouvez remettre à l’école deux ou trois fois des gamins qui ne l’aiment pas, si vous ne changez pas d’approche, ils n’aimeront pas plus l’école et cela ne servira à rien !

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est d’une révolution pédagogique, d’une révolution de la formation professionnelle, d’une révolution de nos ambitions que nous avons besoin !

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