Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la crise de notre système politique et de la démocratie en France s’aggrave de semaine en semaine, sinon de jour en jour.
La Constitution de la Ve République, que le parti communiste français fut la seule organisation à combattre dès l’origine, portait en son sein le germe des dérives auxquelles nous assistons aujourd’hui.
Sur le plan purement constitutionnel, ces dérives sont la personnalisation du pouvoir, la crise de la représentation, la déconnexion entre les citoyens et les lieux de décision.
Bien entendu, cette crise profonde de nos institutions est intimement liée à une situation économique et sociale qui jette par milliers nos compatriotes dans la souffrance sociale, la crainte de l’avenir et, trop souvent, le désespoir.
Cette crise de la politique tient en premier lieu à l’incapacité des dirigeants successifs à répondre aux attentes populaires en matière d’emploi et de qualité de vie. Comment ne pas percevoir que le système, en difficulté, se recroqueville, se protège et rabaisse les exigences démocratiques pour contrer la contestation montante de sa légitimité ?
Les citoyennes et les citoyens veulent plus de pouvoir. Ils veulent reprendre le pouvoir. Ils ne supportent plus les promesses non tenues, les mandats non respectés. La crise du système provient d’une perte de citoyenneté progressive, dans la ville face aux grands choix politiques, mais aussi dans l’entreprise, où la précarité, la flexibilité et la pression du chômage ont fait leur œuvre : les salariés sont désorganisés, le syndicalisme est en panne, la force collective s’est fragmentée.
M. Mézard et les auteurs de la proposition de loi évoquent dans leur texte le « désenchantement des citoyens français vis-à-vis de leurs institutions ». Nous partageons ce constat, mais il fallait, selon moi, rappeler que cette crise provient de la précarité vécue par une part très importante de la population et de la volonté de ceux qui profitent du système de construire des barrières, pour que surtout rien ne change.
La fonction présidentielle et le statut du Président de la République font aujourd’hui débat. Nous fûmes longtemps seuls, au parti communiste français, à nous interroger sur la dérive présidentielle de la Ve République et sur la personnalisation de la vie politique qu’elle induisait. Il aura fallu l’agitation et l’hyperprésidentialisation des années durant lesquelles Nicolas Sarkozy fut au pouvoir pour que cette interrogation se diffuse plus largement dans la société.
L’abandon de ses promesses de campagne par François Hollande amène un grand nombre d’observateurs et de citoyens à s’interroger sur cette fonction qui autorise un homme disposant de pouvoirs considérables à décider, seul, du sort de notre pays, et donc de ses habitants.
Ce renforcement de la fonction présidentielle – c’est l’objet de la proposition de loi dont nous discutons – est la conséquence directe de la réduction de la durée du mandat à cinq ans et de l’inversion du calendrier électoral qui l’a logiquement suivie.
En effet, la durée du mandat présidentiel ayant été alignée sur celle du mandat des députés, il apparaissait logique de soumettre les élections législatives à l’élection présidentielle.
Les partisans de la Ve République ont tiré les leçons des périodes de cohabitation – qui, finalement, redonnaient une place importante au Parlement –, en organisant la soumission pleine et entière de la majorité de l’Assemblée nationale à celui qui l’a menée à la victoire, le Président de la République.
L’élection présidentielle est désastreuse pour notre démocratie. Elle tue le pluralisme en favorisant le bipartisme, elle met en place une médiatisation exacerbée de la vie politique. La conquête du pouvoir devient un objet de communication absolue. C’est l’heure du storytelling : on construit de belles histoires qui s’évanouissent dès l’élection passée. Après « la France qui se lève tôt » et le « travailler plus pour gagner plus » de Nicolas Sarkozy, c’est aujourd’hui l’oubli du « changement, c’est maintenant », de « mon ennemie, c’est la finance », de « moi président, je ne ferai rien comme avant », tout continuant comme avant !