Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Réunion du 29 janvier 2015 à 9h00
Débat sur le thème : « la france dispose-t-elle encore du meilleur système de santé au monde ? »

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la semaine dernière, la Cour des comptes a rendu public son rapport sur les maternités, commandé par notre commission des affaires sociales et dont les conclusions ne sont pas des plus optimistes. La Cour y révèle qu’en dix ans la France est passée du sixième au dix-septième rang européen en matière de mortalité néonatale. Et ce, alors qu’elle se situe au premier rang en taux de fécondité.

Ce classement illustre bien l’utilité du débat qu’a demandé le groupe du RDSE et qu’a ouvert notre excellent collègue Gilbert Barbier. Je tiens d’ailleurs à les remercier d’emblée au nom du groupe UDI-UC.

Ce que l’on observe à l’échelon des maternités se retrouve-t-il à l’échelon de l’ensemble du système de santé ? Voilà la question ! On peut en effet s’inquiéter de voir nos performances de santé se dégrader relativement à celles des autres pays de l’OCDE.

Au demeurant, le thème de ce débat est aussi le reflet de l’image positive que les Français se font de leur système de santé. C’est ainsi que Jean de Kervasdoué, dans son Carnet de santé de la France 2012, se félicitait d’être français après chaque séjour à l’étranger et de « jouir, de ce seul fait, d’un système d’une telle généreuse qualité ».

Toutefois, la France a-t-elle jamais eu le meilleur système de santé au monde ? C’est aussi la question qu’il faut se poser. Dans l’affirmative, est-il vraiment menacé, voire déjà en déclin ?

Comme premier élément de réponse, je dirai que, si l’état de santé des Français continue de s’améliorer, il progresse moins vite que dans plusieurs autres pays. Le problème viendrait donc moins de la dégradation de notre système que de l’amélioration des performances des autres.

De fait, la France demeure bien classée sur un certain nombre d’indicateurs déterminants : elle se classe au neuvième rang des pays occidentaux pour l’espérance de vie et au troisième rang pour la mortalité par crise cardiaque et accident vasculaire.

De plus, on peut noter que certaines des contre-performances françaises n’ont rien à voir avec la qualité du système de santé puisqu’elles sont directement imputables à notre mode de vie. La France demeure, par exemple, au premier rang pour la consommation d’alcool, et le tabagisme progresse fortement, surtout chez les femmes.

Enfin, juger le système de santé français globalement, c’est faire fi des inégalités socioculturelles et territoriales qui le traversent.

Mais l’exercice est tout de même incontournable. Pour l’accomplir plus avant, il convient de se mettre d’accord sur ce qu’est un bon système de santé et, ensuite, de trouver les données comparatives chiffrées les plus précises.

Je crois qu’un système de santé peut être jugé à l’aune de deux critères. Le premier est le service qu’il rend au patient. Le second est son efficience, c’est-à-dire le rapport entre les moyens engagés et les performances.

Toutefois, les données chiffrées font parfois cruellement défaut, surtout pour disposer d’un benchmarking actualisé. C’est, entre autres raisons, pour cela qu’il nous a fallu commander à la Cour des comptes un rapport sur les maternités.

Cela dit, il semblerait que, du point de vue tant de la qualité médicale du service rendu que de son efficience, notre système de santé bénéficie de substantielles marges d’amélioration.

Ainsi, le dernier rapport du Haut Conseil de la santé publique révèle que la mortalité prématurée des hommes, correspondant aux décès avant soixante-cinq ans, est élevée en France. Cette contre-performance, qui classe notre pays au quatorzième rang sur vingt-six pays de l’Union européenne, s’explique par un autre indicateur alarmant : la France se classe défavorablement pour les cancers, en particulier chez les hommes.

La santé au travail pose aussi problème à en juger par notre mauvais classement en ce qui concerne les accidents au travail.

Qu’en est-il de l’efficience du système, autrement dit du rapport entre ses moyens et ses résultats ? C’est bien simple : la France est le pays européen où la part des dépenses de santé dans le PIB est la plus élevée. Celles-ci représentent 11, 2 % du PIB, près du double d’un pays comme l’Estonie, qui, il est vrai, se situe à l’autre extrémité du classement.

Le problème, c’est que les moyens ne se retrouvent pas là où on les attendrait. Ainsi, en nombre de lits d’hôpitaux disponibles pour 100 000 personnes, la France ne se situe qu’au huitième rang européen, au dix-septième rang pour ce qui est des IRM, au vingtième rang pour les scanners. Pour ce qui est du nombre de médecins en activité et des vaccinations, elle se situe très légèrement au-dessus de la moyenne européenne.

En revanche, la France demeure bien le premier consommateur européen de médicaments. Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie a, de longue date, souligné que le poids du médicament dans le PIB était le plus élevé d’Europe.

Le constat n’est pas nouveau : le système de santé français est, juste derrière celui des États-Unis et des Pays-Bas, le plus cher du monde, sans pour autant que le niveau de santé des Français soit à l’aune de ce coût. En effet, je ne vous l’apprends pas, santé et médecine ne sont pas synonymes.

Si les moyens alloués à la santé sont donc bien en décalage avec les résultats, c’est parce que le système souffre d’un certain nombre de dysfonctionnements, qui sont maintenant bien identifiés et que Gilbert Barbier a soulignés. Les réformes successives ont eu pour objet d’y remédier. Je pense en particulier à la création de l’ONDAM, au passage à la tarification à l’activité, à la loi sur le parcours de soins et à la loi HPST. La création des agences régionales de santé, en particulier, a constitué selon moi une avancée notable dans la coordination des moyens.

Mais beaucoup reste à faire. C’est la raison d’être de la prochaine et tant attendue loi de santé, madame la secrétaire d’État. Aura-t-elle les moyens de ses ambitions ?

Sans vouloir déflorer le débat qui nous attend, je constate que certains aspects du projet initial sont encourageants. C’est le cas de toutes les mesures qui tendent à décloisonner le système. Ainsi en est-il de la coordination des parcours de soins complexes, de l’instauration d’un document de liaison entre les services de soins en ville et à l’hôpital, et de la relance du dossier médical personnel. Ces initiatives sont de nature à réduire les actes redondants et inutiles, qui représentent 28 % de l’activité, selon la mission de contrôle et d’évaluation des lois de financement de la sécurité sociale du Sénat, soit une vingtaine de milliards d’économies potentielles. Je retrouve d’ailleurs là, exactement, ce que j’avais proposé en tant que rapporteur général de la commission des affaires sociales au moment de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.

S’agissant de l’hôpital, un chantier doit être ouvert d’urgence, qui concerne la carte hospitalière. Le rapport de la Cour des comptes sur les maternités montre bien que sa réforme n’est pas achevée. Il s’agit là d’une question non seulement d’efficience, mais aussi et surtout de sécurité et de qualité du service rendu, car celles-ci tirent aujourd'hui notre système de santé vers le bas.

En matière de médecine ambulatoire, il faut engager une véritable lutte contre la désertification médicale, car les mesures incitatives déjà prises ne l’ont pas fait reculer. Et je n’oublie pas l’accès difficile à certaines spécialités.

Je conclurai en évoquant deux sujets transverses et majeurs : la prévention et la surconsommation de médicaments.

Cela fait maintenant plus de dix ans que la France est censée s’être dotée d’une politique de prévention digne de ce nom. Dans les faits, elle tarde pourtant à faire sentir ses effets. D’où ma question, aussi iconoclaste soit-elle : a-t-on vraiment les moyens de faire de la prévention ou bien celle-ci ne relève-t-elle que d’un vœu pieu ? Il y a au moins un domaine où elle semble possible : celui de l’iatrogénie médicamenteuse.

Cela m’amène au second sujet transverse. Les records que la France bat en matière d’infections iatrogènes sont la conséquence directe de notre culture de la consommation du médicament. Le médicament ne peut plus être considéré comme un produit de consommation courante. La rupture avec cette conception du médicament passe par une éducation du patient et par une rationalisation des prescriptions, voire leur réduction.

Prenons ces directions et peut-être pourrons-nous un jour dire de nouveau que nous avons le meilleur système de santé au monde.

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