Intervention de Alain Milon

Réunion du 29 janvier 2015 à 9h00
Débat sur le thème : « la france dispose-t-elle encore du meilleur système de santé au monde ? »

Photo de Alain MilonAlain Milon :

… mais elle se mesure – vous le savez bien, madame la secrétaire d’État, puisque vous êtes médecin. Elle est par ailleurs intimement liée à l’évaluation, à toutes les évaluations – celle des outils, celle des traitements et de leur incidence sur l’espérance de vie –, mais la première des évaluations porte d’abord sur les performances des individus et sur celles des structures. C’est d’ailleurs à ce titre que la Haute Autorité de santé avait retenu la mise en œuvre de l’évaluation des pratiques professionnelles, l’EPP, comme un élément majeur de la modernisation du système de santé.

Mes chers collègues, personne n’échappe au débat sur la santé. En France, la maîtrise des coûts du système de santé est désormais un débat récurrent.

La France dépense beaucoup pour sa santé, avec des résultats qui ne sont pas à la hauteur de ces investissements, a-t-on coutume de dire. Le Haut Conseil de la santé publique relativise cette position. Certes, la part du PIB allouée à la santé en France est élevée, proche toutefois de celle de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Belgique, mais un autre classement stigmatise moins notre pays : les dépenses de santé par habitant, exprimées en parité de pouvoir d’achat, situent la France en sixième position, après le Luxembourg, les Pays-Bas, l’Autriche, l’Irlande et l’Allemagne.

Pourtant, comme la majorité des pays de l’OCDE, la France a adopté une politique de limitation des dépenses, en raison du contexte économique difficile que traverse la majorité des pays dans le monde. Cependant, les dépenses de couverture de santé françaises sont toujours parmi les plus élevées proportionnellement au PIB. La France se situe ainsi au troisième rang des dépenses les plus élevées, derrière les États-Unis et les Pays-Bas.

Une étude qui compare notre pays aux autres pays de l’Union européenne quant à l’état de santé de la population et à l’efficacité du système de santé a été réalisée à partir des indicateurs de santé définis par la Commission européenne et destinés à établir une cohérence dans les données statistiques à l’échelle communautaire.

Ces indicateurs sont établis à partir des éléments fournis par les bases de données internationales et celles d’agences spécialisées dans le cas de thématiques spécifiques. Certes, ils sont clairement définis au niveau de la Communauté européenne, mais comme le rappelle le Haut Conseil de la santé publique, les systèmes d’information qui permettent de les renseigner dans chacun des États ne sont qu’en partie harmonisés.

Par ailleurs, une fréquence plus importante de telle ou telle pathologie peut révéler non pas une situation défavorable, mais au contraire une organisation du dépistage de cette pathologie particulièrement efficace ; d’où la prudence et la vigilance dans l’analyse que recommande le Haut Conseil.

Il n’en demeure pas moins que les conclusions qu’en tirent ces sages sont particulièrement intéressantes. Elles peuvent être classées en deux catégories : les atouts, d’une part, et les faiblesses, d’autre part. Vous me permettrez de les rappeler.

Les atouts de la France sont les suivants : l’espérance de vie des Françaises est la plus élevée ; le taux de natalité est excellent ; des progrès constants et importants ont été réalisés en matière de sécurité routière, même si les chiffres de 2014 sont venus relativiser cette performance ; la mortalité cardio-vasculaire est particulièrement basse par rapport aux autres pays de l’OCDE ; enfin, les hospitalisations sont « courtes ».

Pour ce qui est de nos faiblesses, il faut relever une mortalité périnatale très élevée – la commission des affaires sociales s’est penchée sur ce sujet la semaine dernière –, une mortalité prématurée élevée, le problème constant du tabac, de l’alcool et des drogues, le suicide, qui reste un fléau national, et une fréquence élevée des cancers.

Ces atouts et ces faiblesses montrent quelles doivent être les priorités en termes de santé publique, priorités que l’on aimerait voir clairement et explicitement exprimées avec, en regard, des plans d’action cohérents entre eux. Il faut, là aussi, une vision d’ensemble, qui n’existe pas aujourd’hui, dans le fatras des plans, actions et programmes de santé publique déroulés depuis des dizaines d’années par les différents gouvernements – voire par les différents Présidents de la République –, avec bien souvent un souci plus d’affichage que d’efficacité.

Je ne saurais conclure mon propos sans vous rappeler que, dans quelques jours, nous serons amenés à débattre dans cet hémicycle du projet de loi relatif à la santé. Je n’entends pas intervenir dès à présent sur ce texte qui affiche des objectifs très généraux, trop généraux : comment rassembler tous les acteurs concernés dans une stratégie commune, renforcer la prévention et l’efficacité des politiques publiques, et garantir la pérennité du système de santé ? De tels objectifs semblent pouvoir être approuvés par tous.

Cependant, n’oublions pas qu’une loi dont l’ambition est la « refondation » de la politique de santé a des conséquences directes sur son financement, qui est assuré pour les trois quarts par les caisses d’assurance maladie.

Ce texte, qui cristallise les tensions des professionnels de santé – le monde médical n’a pas connu pareille mobilisation depuis 2009 – porte sur une reprise en main par l’État et son administration de la gouvernance de l’ensemble du système de santé, y compris de la médecine de ville et des médecins libéraux.

Il me semble nécessaire, afin de ne pas pénaliser davantage notre système de soins, d’engager une réflexion pour donner aux médecins généralistes, aux médecins traitants et aux soignants toute leur place dans notre système de soins et améliorer le parcours des patients en ville.

Mes chers collègues, pour conclure mon propos, je voudrais citer Frédéric Bizard, qui précisait dans un récent article : « Comme pour les autres pays développés, le modèle de santé français est le reflet de notre histoire. C’est à partir de nos valeurs que notre système s’est construit. Ce socle est incontestablement dominé par la liberté, de laquelle dépend l’égalité. C’est ainsi que chaque citoyen est libre de se soigner ou de ne pas se soigner, sous réserve qu’il n’altère pas la liberté des autres. […] Ainsi chaque citoyen est libre du choix de son médecin, à lui de s’assurer qu’il soit de qualité. Aucun autre pays développé n’offre ce degré de liberté en rapport avec sa santé. »

Tâchons de garder cette liberté !

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