Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 29 janvier 2015 à 9h00
Débat sur le thème : « la france dispose-t-elle encore du meilleur système de santé au monde ? »

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe RDSE d’avoir pris l’initiative de ce débat, qui nous permet de préparer l’examen du projet de loi de santé, dont nous serons saisis dans quelques mois.

Ce débat nous amène également à lever le nez de notre « guidon franco-français » en nous adonnant à la comparaison avec les systèmes de santé d’autres pays.

Avant toute chose, le groupe écologiste du Sénat souhaite saluer la compétence, l’excellence et le dévouement des nombreuses équipes de professionnels de santé qui, parfois dans des conditions très difficiles et quoi qu’on en dise, font vivre dans notre pays un système de grande qualité.

Notre système de santé a été qualifié par l’OMS, dans son rapport sur la santé dans le monde de 2000, comme le plus performant au monde en termes de dispensation et d’organisation des soins de santé. Pour autant, cela ne veut pas dire que tout est acquis. D’ailleurs, ce classement aura bientôt quinze ans et la situation a évolué depuis, chez nous comme ailleurs dans le monde.

Pour aller à l’essentiel dans les six minutes qui me sont imparties, je mettrai l’accent, au nom du groupe écologiste, sur deux points, ce qui me conduira évidemment à passer sous silence de nombreux sujets importants qui sont évoqués ce matin.

Tout d’abord, nous souhaitons à nouveau insister sur les très grandes inégalités d’accès aux soins qui existent encore aujourd’hui en France. Je sais que le Gouvernement y est sensible. En 2013, Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre, m’avait d’ailleurs confié une mission sur l’accès aux soins des plus démunis, et je note que la ministre des affaires sociales et de la santé s’est très clairement engagée sur l’une des propositions que je faisais, avec d’autres : la généralisation du tiers payant intégral.

Je veux donc saluer sa détermination sur ce point, d’autant que je sais combien les conservatismes sont parfois pesants en la matière. J’espère que ses efforts pour les dépasser aboutiront et qu’une solution consensuelle sera trouvée afin que les médecins de bonne foi, qui ne sont pas idéologiquement opposés au tiers payant – et ils sont nombreux –, mais qui craignent la lourdeur administrative, puissent être rassurés.

J’espère tout autant que le combat pour l’accès aux soins et à la santé des personnes modestes et démunies ne s’arrêtera pas à cette mesure et que la mise en œuvre d’autres de mes propositions sera rapidement envisagée pour simplifier l’accès aux droits, lutter contre le non-recours, endiguer les dépassements d’honoraires ou encore soutenir véritablement les structures tournées vers les populations fragiles.

Comment peut-on accepter que des mesures de simplification soient prises dans tous les domaines par le Gouvernement – et c’est une bonne chose – mais pas dans celui de l’accès aux droits des plus démunis ? Je donnerai un seul exemple : comment accepter que 30 % des bénéficiaires du RSA-socle – en Île-de-France, le chiffre frôle les 40 % ! – ne parviennent pas à faire aboutir leur dossier d’ouverture de droits à la CMU complémentaire, alors que c’est la loi, puisque les plafonds sont identiques ?

Le second point sur lequel mes collègues et moi-même souhaitons insister est celui de la santé environnementale. Dans ce domaine, il nous semble que la France pourrait également se positionner à l’avant-garde.

Le Centre international de recherche sur le cancer, le CIRC, agence de l’OMS, a encore rappelé la semaine dernière que la moitié des cancers pourraient être évités.

Plus largement, lorsqu’on sait le fléau que constitue l’épidémie de maladies chroniques aujourd’hui en France –diabète, cancer, etc. –, lorsqu’on sait à quel point ces maladies pèsent sur nos finances publiques, on comprend mal que la santé environnementale ne soit pas encore devenue une priorité !

Cela est d’autant plus incompréhensible que nous sommes souvent tous d’accord sur les constats. Le débat qui a eu lieu en novembre dernier à l’occasion d’une proposition de loi sur le diesel et les particules fines cancérogènes a montré que nous nous accordions à peu près sur le constat. Malheureusement, les actes tardent en la matière !

Certes, depuis le 1er janvier 2015, le bisphénol A est interdit dans tous les contenants alimentaires. Mais combien de temps faudra-t-il attendre encore pour que l’interdiction soit étendue aux autres perturbateurs endocriniens, qui mettent quotidiennement en danger notre santé par leur omniprésence dans notre environnement et par leurs interactions ?

D’une manière générale, il faudrait réfléchir à tout ce qui concerne les pesticides, les nanomatériaux, les résidus de médicaments dans les milieux et autres produits présents dans l’environnement et susceptibles d’affecter la santé. Il nous paraît urgent, et même indispensable, de prendre des décisions en la matière.

Nous espérons pouvoir, à l’occasion du prochain examen du projet de loi relatif à la santé, débattre avec le Gouvernement ainsi qu’avec vous, mes chers collègues, d’un rééquilibrage en faveur de la santé environnementale.

Ce rééquilibrage pourrait passer par un renforcement des moyens des observatoires régionaux de la santé, par l’élargissement de leurs missions en matière de santé environnementale, comprenant notamment le suivi épidémiologique des populations, ainsi que par un accès de toutes et tous à un dépistage gratuit des niveaux d’imprégnation par les toxiques dans le cadre de la santé au travail et des bilans de santé aux différents âges.

Nous regrettons le dépôt d’une proposition de loi constitutionnelle modifiant la Charte de l’environnement en vue de supprimer le principe de précaution. Nous proposons l’application de ce principe de précaution dans le domaine de la santé via, notamment, une évaluation systématique des impacts sanitaires et environnementaux des politiques publiques et projets de recherche technologique.

Bien d’autres sujets pourraient être abordés, qu’il s’agisse du renforcement de la prévention, de la régulation du prix des médicaments et, plus généralement, de la nécessité absolue de séparer les décisions publiques en matière de santé des pressions exercées par les détenteurs d’intérêts économiques. Si nous traitons ces sujets comme il convient, nous pourrons réaliser d’importantes économies pour les finances publiques.

Nous espérons pouvoir mettre en place, à l’occasion de l’examen du projet de loi de santé, des solutions conjuguant volontarisme politique, pédagogie, éducation populaire et prévention.

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