Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 29 janvier 2015 à 9h00
Débat sur le thème : « la france dispose-t-elle encore du meilleur système de santé au monde ? »

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la France dispose d’un bon système de santé ; encore faut-il que nos concitoyens puissent y accéder, et donc en bénéficier, quels que soient leurs moyens financiers ou leur situation géographique.

Rappelons que la nation, aux termes de l’article 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé ».

Cependant, on constate qu’un certain nombre de nos concitoyens éprouvent des difficultés à accéder aux soins, du fait de leur lieu d’habitation. Ce phénomène n’est pas dû à une pénurie de médecins : la France dispose de suffisamment de médecins, bien qu’il faille nuancer cette affirmation pour certaines spécialités médicales.

Selon l’Atlas de la démographie médicale, au 1er janvier 2014, la France comptait 276 354 médecins, toutes spécialités confondues, soit 1, 6 % de plus qu’en 2013. Cela représente 334 médecins pour 100 000 habitants, ce qui situe notre pays à un bon niveau dans le monde occidental.

Actuellement, 90 630 médecins généralistes sont en activité régulière. Cependant, depuis 2007, le nombre de médecins généralistes est en diminution de 6, 5 %, et cette baisse risque de se poursuivre. En effet, seuls 9, 4 % des étudiants en médecine choisissent d’exercer en médecine générale. Cette population vieillit. Les médecins âgés de plus de 60 ans, susceptibles de partir à la retraite d’ici à 2020, donc dans les cinq ans qui viennent, ne représentent pas moins d’un quart des effectifs.

L’exercice de cette profession a connu des évolutions.

On l’a dit, la profession s’est fortement féminisée. Un grand nombre de médecins travaillent à temps partiel. Les professionnels de la santé souhaitent pouvoir concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale. Ils ne veulent plus, comme leurs aînés, travailler jour et nuit, sillonner la campagne par tous les temps pour se rendre au chevet de leurs malades. Enfin, les jeunes médecins sont moins séduits par la médecine générale et s’orientent vers d’autres spécialités.

Il convient donc, dans un premier temps, de se poser des questions concernant le numerus clausus, s’agissant notamment des spécialités touchées par une forte baisse du nombre de praticiens.

De plus, certains jeunes peuvent être effrayés à l’idée d’exercer seuls en zone rurale, loin d’un centre hospitalier.

La difficulté d’accès des usagers aux soins médicaux est avant tout due à une répartition inégale des médecins sur l’ensemble du territoire. Certains territoires sont ainsi devenus de véritables déserts médicaux.

Toutefois, la définition de ces zones n’est pas aussi aisée qu’il y paraît : elle dépasse les distinctions entre zone rurale et zone urbaine, nord et sud. Par exemple, l’accès à certains médecins spécialistes peut s’avérer aussi difficile en zone urbaine qu’en zone rurale.

Le droit d’accès aux soins doit être concilié avec une liberté qui nous apparaît comme fondamentale, la liberté d’installation des médecins. Celle-ci constitue l’essence même de cette profession et nous tenons à la préserver.

L’expérience a montré que les mesures coercitives ne permettaient pas d’atteindre le but escompté et ne réglait pas le problème des déserts médicaux. Celui-ci ne pourra pas être résolu en imposant aux médecins de s’installer contre leur gré dans une zone donnée. Sans remettre en cause cette liberté d’installation, ce sont les modes d’exercice de la profession qui doivent être modifiés.

Il n’y a pas de solution miracle, mais, compte tenu de l’évolution de la démographie médicale, nous sommes tenus d’agir. C’est d’autant plus vrai que la population française s’accroît et vieillit, ce qui entraîne une augmentation de la demande de soins.

Les élus locaux que nous sommes savent combien la présence de médecins dans nos communes est un élément d’attractivité essentiel et que le service de santé figure en tête des services plébiscités par nos concitoyens.

Quelles sont les marges de manœuvre qui s’offrent aux élus locaux ?

Les solutions à préconiser diffèrent d’un territoire à un autre. Elles ne peuvent être mises en place qu’en concertation avec les professionnels de santé. Les élus locaux se doivent de les accompagner, de créer sur leur territoire les conditions favorables à l’installation de jeunes médecins. Cela passe, selon moi, par la création de maisons de santé, de pôles de santé, et par le développement des dispositifs de télémédecine.

Les maisons de santé offrent plusieurs avantages.

Tout d’abord, elles permettent aux praticiens qui n’entendent plus travailler de manière isolée et harassante d’exercer au sein d’un groupe de professionnels, qui définissent en commun un projet de santé et décident des modalités d’exercice.

Ensuite, du point de vue des autorités sanitaires, ces structures pluridisciplinaires favorisent l’accès aux soins puisqu’elles permettent une plus large amplitude horaire.

De plus, les médecins devant pratiquer des tarifs conventionnels, elles offrent aux patients un service plus accessible sur le plan financier.

Les maisons de santé sont, en outre, un gage de qualité des soins, car elles favorisent une meilleure coordination des différents soignants pour un même patient.

Elles représentent aussi un moyen d’inciter les soignants à venir exercer dans des territoires défavorisés.

À cet égard, rappelons que l’article 88 du code de déontologie médicale prévoit la possibilité pour un médecin, dans une situation de désertification médicale, de s’adjoindre le concours d’un étudiant en médecine. Cette pratique doit être soutenue, car, souvent, les jeunes médecins ainsi recrutés bénéficient du savoir-faire de médecins aguerris. Cette expérience leur permet de dépasser les préjugés qu’ils pourraient avoir et les incite à rester dans ces territoires.

Je connais particulièrement bien le principe des maisons de santé puisque je vais avoir le plaisir d’inaugurer, dans quelques semaines, un établissement de ce type dans ma commune de Moncoutant. Je vous invite d’ailleurs à vous joindre à nous à cette occasion, madame la secrétaire d’État.

Cette maison de santé regroupera treize professionnels de santé, dont quatre médecins généralistes et deux dentistes. Cette réalisation est née de l’initiative des professionnels de santé eux-mêmes, qui souhaitaient anticiper le départ à la retraite de deux médecins généralistes. Il leur a fallu près de six ans pour mener à bien leur projet. Celui-ci n’aurait pu aboutir sans l’implication forte de l’État, par le biais de l’agence régionale de santé, et de l’ordre des médecins.

Il faut encourager de telles initiatives. Toutefois, leur concrétisation suppose des démarches administratives souvent complexes, notamment lorsque l’on entend bénéficier de fonds européens ; les délais d’instruction sont parfois trop longs au regard de la mobilisation des médecins.

Comment expliquer à un professionnel qui a besoin de s’installer rapidement qu’il faut six ans pour mener un projet à son terme ? Le décalage est grand entre la demande des professionnels et la capacité des pouvoirs publics à se mobiliser. C’est pourquoi je ne peux qu’inviter le Gouvernement à simplifier les démarches administratives pour la réalisation de ces équipements et à développer les procédures de coordination entre les différents acteurs et les financeurs.

Les solutions peuvent être apportées par les professionnels de santé, mais aussi par les pouvoirs publics, à travers des projets novateurs répondant à la pratique moderne de la médecine. §

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