Intervention de Ségolène Neuville

Réunion du 29 janvier 2015 à 9h00
Débat sur le thème : « la france dispose-t-elle encore du meilleur système de santé au monde ? »

Ségolène Neuville, secrétaire d'État :

Si les études longues sont nécessaires pour acquérir le savoir et former des soignants de qualité, cela ne suffit pas pour assurer la qualité d’un système de soins.

Ce qui fait la particularité du nôtre et son excellence, c’est avant tout son universalité dans l’accès aux soins, vous l’avez souligné, madame Cohen. C’est un système qui accueille et qui soigne tout le monde, sans distinction. Cette universalité est garantie par l’assurance maladie, qui traduit la solidarité à laquelle nous sommes tous attachés. La sécurité sociale, qui fête cette année ses soixante-dix ans d’existence, atténue, à défaut de supprimer, l’injustice des inégalités lorsque la maladie survient. Elle permet de pourvoir aux besoins de santé de millions de nos concitoyens.

Cet accès universel à la santé, principe fondamental de notre République, doit sans cesse être conforté, réaffirmé, défendu. Il l’a été lors de la création de la couverture maladie universelle.

L’excellence de notre système de santé tient aussi à un large accès aux nouveaux traitements, aux essais cliniques, aux nouvelles techniques diagnostiques. C’est loin d’être le cas partout dans le monde. En France, n’importe quel malade peut être inclus dans un protocole d’essai clinique et avoir accès à des techniques extrêmement performantes. Nos établissements de santé possèdent des plateaux techniques de pointe, dotés des dernières avancées technologiques. L’innovation, l’enseignement et la recherche sont au cœur de l’exercice médical à l’hôpital public, en particulier dans les centres hospitaliers universitaires.

L’excellence de notre système de santé est un bien commun de l’ensemble des Français. Il nous revient aujourd’hui de le préserver pour lui permettre de continuer, à l’avenir, de garantir une bonne santé au plus grand nombre.

Comment faire ?

Préserver l’excellence de notre système de santé, c’est d’abord lutter contre les inégalités en matière de santé, vous l’avez tous souligné, mesdames, messieurs les sénateurs. Or ces inégalités sont d’abord liées aux inégalités territoriales. C’est pourquoi la lutte contre les déserts médicaux est une priorité de ce gouvernement. Cette lutte n’est pas facile, les solutions ne sont pas évidentes.

Dès 2012, Marisol Touraine a lancé le pacte territoire-santé, qui donne déjà des premiers résultats. Ainsi, plusieurs centaines de praticiens territoriaux se sont installés et sont rémunérés en fonction de leur lieu d’installation. Des dizaines, voire des centaines de maisons de santé pluridisciplinaires ont été créées, dont les mérites ont été vantés par certains orateurs. Par ailleurs, des centaines d’étudiants choisissent désormais le système des bourses publiques pour s’installer ensuite en zone désertifiée.

Lutter contre les déserts médicaux suppose aussi de trouver l’équilibre entre proximité et sécurité. Nombre d’entre vous l’ont fait remarquer, notamment à propos des maternités, sujet ô combien difficile. Comment conserver des établissements de santé nombreux, au plus près de la population, tout en assurant la sécurité au sein de ces structures, par un nombre suffisant de praticiens et par un exercice des pratiques médicales suffisamment régulier ? Les choix sont faits en fonction des territoires, en fonction des établissements. C’est l’un des axes importants de notre politique.

Ces inégalités peuvent également être liées aux inégalités de revenus. Certains patients renoncent à aller consulter, tout simplement parce qu’ils n’ont pas les moyens d’avancer le prix de la consultation. C’est aussi l’une des raisons de l’engorgement des services d’urgence. En effet, à l’hôpital, on n’avance pas d’argent, alors que l’on doit le faire chez le médecin.

C’est pourquoi la généralisation du tiers payant n’est pas seulement utile : elle est indispensable si nous voulons préserver l’universalité du droit à la santé. Chacun doit pouvoir consulter son médecin traitant quand il en a besoin.

Ceux qui pensent encore que la généralisation du tiers payant risque d’entraîner une inflation du nombre de consultations se trompent. Cela n’a pas été le cas dans les pays européens qui ont mis en œuvre le tiers payant généralisé, et ce pour une raison très simple : aussi sympathique que soit son médecin traitant, on ne va pas le consulter pour le plaisir ; on le fait parce que l’on est malade.

Lutter contre les inégalités de santé, c’est aussi remettre le patient au centre de l’organisation du système de soins. Cela implique de faciliter le parcours entre médecine de ville et médecine hospitalière, entre les consultations, les rendez-vous d’examen. Cela implique aussi de donner davantage d’informations, de prendre le temps d’expliquer. C’est pourquoi nous avons souhaité diversifier les modes de rémunération des médecins libéraux et prévoir des rémunérations au forfait pour la prise en charge des malades chroniques et pour la prévention. La rémunération à l’acte rend impossible ce temps d’explication.

J’ai bien entendu les propos de plusieurs d’entre vous déplorant la surconsommation de médicaments en France. Précisément, pour prendre le temps d’expliquer qu’il n’est pas nécessaire de prendre un médicament, alors que les patients attendent une réponse immédiate, il faut modifier les modes de rémunération, car la rémunération à l’acte ne permet pas de faire ce travail pédagogique.

Remettre le patient au centre de l’organisation du système de soins, cela passe aussi par l’amélioration de la coopération entre les professionnels. Certes, cette coopération existe déjà, mais elle est perfectible. C’est d’ailleurs l’un des objectifs du projet de loi de santé.

Pour améliorer notre système de soins, pour lutter contre les inégalités, il faut également améliorer le système de tarification des établissements de soins. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a supprimé la convergence tarifaire entre établissements publics et établissements privés, qui était injuste. C’est aussi pourquoi la ministre de la santé a lancé un travail de concertation pour proposer de sortir, dans un certain nombre de cas, d’une tarification uniquement basée sur le nombre d’actes dans les établissements de santé.

Mieux informer les patients est un autre moyen de lutter contre les inégalités de santé. À cet égard, je vous indique que l’article 47 du projet de loi de santé prévoit l’ouverture des données de santé de l’assurance maladie et des hôpitaux, et ce dans des conditions garantissant l’anonymat. Je ne doute pas, monsieur Barbier, que vous êtes, vous aussi, très attaché à ce principe.

Vous avez évoqué le manque de statistiques sur la mortalité par service. Pour ma part, je pense qu’il faut être extrêmement vigilant sur de telles statistiques, qu’il faut pondérer en fonction du type de patients accueillis. Si l’on classait les établissements, en particulier les services, uniquement en fonction du taux de mortalité, on prendrait le risque non négligeable d’amener les services à sélectionner les patients qu’ils accueillent afin de ne pas afficher de mauvais chiffres. Ils n’accepteraient alors que des patients allant le mieux possible et ne souffrant que d’une seule pathologie. §

Le même biais peut exister concernant notamment les infections nosocomiales. À l’évidence, les patients qui cumulent un diabète et des problèmes cardiaques, qui doivent en permanence porter un cathéter, par exemple, présentent un risque beaucoup plus important de contracter une infection nosocomiale qu’un patient qui est en bonne santé avant son hospitalisation.

Ces statistiques sont utiles, mais il faut savoir les interpréter et les manier avec une extrême prudence.

Lutter contre inégalités de santé suppose, par ailleurs, d’améliorer nos connaissances épidémiologiques et notre système de prévention.

Il faut, bien sûr, combattre les mauvaises habitudes de consommation pour permettre à chacun de vivre en bonne santé. Il faut ainsi empêcher les jeunes de tomber dans l’addiction au tabac. C’est d’ailleurs l’un des objectifs majeurs du projet de loi de santé, qui contient également des dispositions permettant de prévenir la malnutrition et le surpoids en étiquetant mieux les aliments, afin que les consommateurs puissent connaître les risques qu’ils présentent pour leur santé.

Par ailleurs, en matière de connaissances épidémiologiques et de prévention, l’article 42 du projet de loi de santé autorisera la création d’un nouvel institut, lequel ne viendra pas alourdir notre dispositif institutionnel puisqu’il remplacera trois instituts existants : l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS. L’objectif de la réunion de ces établissements est de simplifier et de rendre plus efficace la veille épidémiologique afin d’apporter les réponses sanitaires appropriées, notamment en termes de prévention.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour conclure, je vous dirai que notre système de santé est et reste notre fierté à tous, comme cela a été dit sur toutes les travées.

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