Intervention de Michel Delebarre

Réunion du 29 janvier 2015 à 15h00
Collectivité de saint-barthélemy — Adoption d'une proposition de loi organique dans le texte de la commission modifié

Photo de Michel DelebarreMichel Delebarre :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’initiative de Michel Magras de présenter cette proposition de loi organique n’est pas étonnante. En vérité, compte tenu des spécificités qui le caractérisent et des aspirations diverses qui animent ses populations, l’outre-mer français est aujourd’hui naturellement conduit à s’interroger en permanence sur l’évolution des règles statutaires qui régissent son fonctionnement.

Cette situation résulte de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, lancée par le Président de la République Jacques Chirac, qui avait déclaré : « L’heure des statuts uniformes est passée. Il n’y a plus aujourd’hui de formule unique qui réponde efficacement aux attentes variées des différentes collectivités d’outre-mer. Chacune d’entre elles doit être libre de définir, au sein de la République, le régime le plus conforme à ses aspirations et à ses besoins, sans se voir opposer un cadre rigide et identique. »

Sans surprise, l’île de Saint-Barthélemy, située à 230 kilomètres au nord de la Guadeloupe et d’une superficie de 25 kilomètres carrés, a profité de cette évolution constitutionnelle.

Dès 1999, dans un rapport intitulé « Saint-Martin, Saint-Barthélemy : quel avenir pour les îles du nord de la Guadeloupe ? » et adressé à Jean-Jack Queyranne, alors secrétaire d’État à l’outre-mer, François Seners, que l’on connaît bien dans notre institution, analysait ainsi la situation particulière de ce territoire : « Alors que la Guadeloupe et la Martinique restent encore, pour l’essentiel, orientées vers une relation privilégiée avec la métropole, les îles du nord se sont ouvertes depuis fort longtemps sur leur environnement caraïbe et américain ».

Je rappelle que, lors des consultations populaires organisées dans l’ensemble des Antilles françaises en décembre 2003 en vue de permettre aux électeurs de choisir entre le statu quo et l’évolution statutaire au sein de la République, Saint-Barthélemy s’est prononcée à 95, 51 % en faveur de son entrée dans la nouvelle catégorie des collectivités d’outre-mer dotées de l’autonomie.

Cette évolution statutaire, consacrée par la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, a entraîné de nombreux transferts de compétences. Ainsi, la collectivité de Saint-Barthélemy assume désormais à la fois les compétences de la région, celles du département et celles des communes. En outre, elle s’est vu attribuer des compétences spécifiques dans un nombre déterminé de matières.

Sept ans après le vote de la loi organique statutaire et le début de l’exercice par la collectivité de Saint-Barthélemy de ses nouveaux pouvoirs, le 17 avril 2014, Michel Magras et dix autres de nos collègues et anciens collègues ont déposé la présente proposition de loi, estimant que « des ajustements du statut se révèlent nécessaires dans un souci d’une meilleure adaptation à la réalité locale ». Cette démarche constructive est d’autant plus respectable qu’elle traduit la réflexion menée par la collectivité de Saint-Barthélemy à la suite de l’annonce par le précédent ministre des outre-mer, Victorin Lurel, d’une évolution institutionnelle de plusieurs collectivités d’outre-mer, dont Saint-Barthélemy.

De fait, la proposition de loi organique reprend, pour l’essentiel, une délibération adoptée par le conseil territorial le 20 décembre 2013, qui rassemble des dispositions éparses de toilettage traitant à la fois des compétences de la collectivité d’outre-mer et du fonctionnement de ses institutions. Cette délibération du conseil territorial illustre une pratique commune aux collectivités ultramarines, consistant à s’inspirer des divers statuts existants pour ne retenir que les dispositifs les plus adaptés, pour ne pas dire les plus favorables, à leur réalité locale.

On ne peut cependant fonder son jugement sur ce seul aspect de la présente proposition de loi organique. En effet, M. Michel Magras a également présenté une proposition de loi portant diverses dispositions relatives à Saint-Barthélemy, qui vise à créer une caisse de prévoyance locale ; elle a été renvoyée à la commission des affaires sociales, qui n’a pas encore désigné de rapporteur.

Comme le disait justement et avec humour Marcel Pagnol, « si l’on jugeait les choses sur les apparences, personne n’aurait jamais voulu manger un oursin » ! §En l’occurrence, je constate que la proposition de loi organique de notre collègue comporte quelques piquants législatifs, que M. le rapporteur a fort opportunément retirés en proposant la suppression de plusieurs articles ; l’examen du texte en séance publique s’en trouve bien entendu facilité.

L’un des objectifs de la proposition de loi organique et de la proposition de loi présentées par M. Magras est de créer une caisse de prévoyance sociale spécifique à Saint-Barthélemy.

Lors de sa réunion de la semaine dernière, la commission des lois a supprimé, sur proposition de son rapporteur, les dispositions de l’article 5 de la proposition de loi organique instituant des règles en faveur d’un régime de sécurité sociale spécifique à Saint-Barthélemy. Elle a en effet constaté, sans se prononcer sur le fond de la mesure proposée, que celle-ci, en l’état, ne relevait pas du niveau de la loi organique.

Le groupe socialiste se félicite de cette décision de la commission. En effet, cet article soumettait les règles en matière de sécurité sociale et de retraite au principe de spécialité législative, en prévoyant qu’elles ne seraient étendues à Saint-Barthélemy que sur mention expresse ; de surcroît, il renvoyait à une caisse sociale de prévoyance la gestion des risques maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail, etc.

Or il me semble que l’annonce de la création d’une caisse spécifique de sécurité sociale suscite au niveau local certaines interrogations, voire quelques inquiétudes. Elle préfigure le transfert à la collectivité d’outre-mer de la compétence sociale, c’est-à-dire le droit pour cette collectivité de définir seule les règles applicables sur son territoire en la matière. La majorité des membres du conseil territorial, dont vous faites partie, monsieur Magras, qui avait initialement adopté une délibération demandant un tel transfert, n’est plus, semble-t-il, favorable à cette mesure.

Par ailleurs, l’article 5 anticipait sur l’adoption de la proposition de loi que j’ai évoquée il y a quelques instants, qui porte le numéro 474 rectifié (2013-2014) et qui n’a pas encore été inscrite à l’ordre du jour des travaux du Sénat.

Comme l’admet Michel Magras dans une lettre ouverte publiée le 5 juin 2014 dans Le Journal de Saint-Barth, la mesure présentée a pour objet d’ouvrir le débat sans chercher une traduction immédiate. Si on m’avait dit que je lirais un jour Le Journal de Saint-Barth ! Il est vrai que c’est uniquement, mon cher collègue, pour avoir le plaisir de vous lire…

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