En tout cas, mon cher collègue, vous allez être rassuré : vous avez en effet ouvert le débat, mais vous n’obtiendrez pas forcément satisfaction aujourd’hui.
M. Magras a pourtant déposé plusieurs amendements au texte de la commission visant à réintroduire dans la proposition de loi organique les dispositions supprimées par la commission. Celle-ci a émis au sujet de ces amendements un avis défavorable.
Le groupe socialiste souhaite que le Sénat confirme cette position cohérente. Il proposera même de pousser plus loin la logique de la commission en supprimant l’article 6, qui procède du même esprit que l’article 5. Je crois que plusieurs autres groupes soutiendront cette démarche.
Néanmoins, il convient de ne pas sous-estimer la réalité quotidienne vécue par nos compatriotes de Saint-Barthélemy dans leur relation avec les organismes chargés de la gestion des affaires sociales. Dans ce domaine, en effet, l’île dépend toujours de structures localisées en Guadeloupe, et il est vrai que le traitement des dossiers subit parfois quelques lenteurs en raison de l’éloignement des deux territoires.
C’est un point sur lequel je souhaite attirer l’attention du Gouvernement, ainsi que celle de notre assemblée, car on nous a rapporté qu’il était mal vécu par la population locale et demeurait une source de mécontentement et d’incompréhension. Madame la ministre, soyez tranquille : tant que la moindre inquiétude subsistera dans ce domaine, vous aurez des propositions de loi de Michel Magras… Alors, réglez les problèmes et nous en aurons terminé avec une partie de la démarche de notre collègue !
Dans la même logique, M. Magras a déposé des amendements visant à rétablir tout ou partie de l’article 2 de sa proposition de loi organique, que la commission a supprimé.
Nous nous félicitons de la position prise par la commission, car les modalités prévues dans la proposition de loi organique pour permettre à la collectivité de Saint-Barthélemy de participer à l’exercice des compétences de l’État en matière pénale, de procédure pénale et d’entrée et de séjour des étrangers ne pouvaient être adoptées en l’état sans méconnaître certains principes fondamentaux.
Nous reprendrons la discussion sur ce dernier point dans la discussion des articles, lorsque nous examinerons l’amendement n° 9 de Michel Magras sur lequel, à l’initiative de son rapporteur, la commission des lois a émis un avis favorable, sous réserve de plusieurs corrections. Le groupe socialiste souhaite d’ores et déjà attirer l’attention du Gouvernement sur la nécessité de respecter les délais fixés par le législateur organique, car l’inertie des pouvoirs publics dans un certain nombre de cas revient à méconnaître le pouvoir d’initiative de la collectivité et à remettre en cause l’une des prérogatives de celle-ci.
Par ailleurs, je tiens à dénoncer les négligences dont font preuve la collectivité de Saint-Barthélemy et les services déconcentrés de l’État dans l’accomplissement de leurs obligations légales et réglementaires en ce qui concerne la production des rapports sur la situation de l’île et de la collectivité d’outre-mer. À Saint-Barthélemy, à l’évidence, on n’aime pas les rapports ! Aussi, madame la ministre, on se dispense de les faire chaque fois que cela est possible.
Dans ces conditions, il ne me semble pas pertinent de supprimer les dispositions existantes prévoyant la production de rapports annuels, sous prétexte que cette formalité n’est pas accomplie depuis plusieurs années. Puisqu’on n’aime pas les rapports, on ne les fait pas ; après quoi on soutient que, puisque les rapports n’existent pas, c’est qu’ils ne sont pas utiles… Je dois vous dire, monsieur Magras, que cette logique me paraît assez épouvantable !
Je le répète : ces manquements sont le fait de la collectivité de Saint-Barthélemy, mais aussi des services de l’État.
Quant à l’article 1er de la proposition de loi organique, il supprime la condition de résidence prévue dans le code général des collectivités territoriales pour permettre à la collectivité d’exercer son droit de préemption aux fins de sauvegarder ou de mettre en valeur des espaces naturels.
Lors de l’examen par le Sénat du projet de loi organique dont est issue la loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer, qui a érigé la commune de Saint-Barthélemy en collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie, Bruno Magras, alors maire de Saint-Barthélemy, avait expliqué au rapporteur, Christian Cointat, que l’attribution d’une telle compétence à la future collectivité constituait une condition essentielle du maintien de la qualité de vie sur l’île et, par conséquent, de son attractivité touristique. Le rapporteur avait soutenu d’autant plus fortement cette disposition qu’elle était assortie d’un régime de dérogation assurant la protection de la population de l’île en matière de patrimoine foncier.
Michel Magras et les autres signataires de la proposition de loi organique font valoir, dans leur exposé des motifs, que, à plusieurs reprises, les critères établis par le code général des collectivités territoriales « ont fait obstacle à la préemption, en particulier les conditions de résidence ». Ils soulignent que, « dans certains cas, l’échec de la préemption peut remettre en cause un projet de sauvegarde d’espaces naturels. » En conséquence, ils proposent de modifier la loi organique pour supprimer la condition de résidence lorsque le but de la préemption est la sauvegarde ou la mise en valeur d’espaces naturels « qui constitue un pilier de la politique environnementale locale ».
En revanche, lorsque la préemption est motivée par la préservation de la cohésion sociale ou la garantie de l’exercice effectif du droit au logement pour les habitants de l’île, les auteurs de la proposition de loi maintiennent la condition de résidence.
Le groupe socialiste avait déposé sur cet article un amendement permettant d’assouplir l’exercice du droit de préemption par la collectivité sur l’ensemble des propriétés foncières en vue de la préservation de la cohésion sociale de Saint-Barthélemy. Nous souhaitions ainsi étendre la portée de l’article 1er, qui ne prévoit la facilitation de l’exercice du droit de préemption que pour la sauvegarde ou la mise en valeur d’espaces naturels.
Las ! c’était sans compter sur la vigilance constante et rigoureuse de la commission des finances, qui a déclaré notre amendement irrecevable au regard de l’article 40 de la Constitution. La justification donnée par la commission des finances est la suivante : « en ce qu’il étend un droit de préemption au profit de la collectivité de Saint-Barthélemy, le présent amendement doit être vu comme aggravant une charge publique ; les créations ou extensions de droits de préemption s’apparentent, d’un point de vue juridique, à une autorisation d’acheter un bien à laquelle est donc associé un “droit de dépenser”. » Certes, cette analyse juridique est imparable. Mais n’aurait-elle pas dû conduire la commission des finances à adopter le même raisonnement pour l’ensemble de l’article 1er de la proposition de loi ?
En tout état de cause, ainsi que le déclarait notre collègue Jacques Gillot à cette même tribune lors de l’examen de la loi organique qui a fait de Saint-Barthélemy une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, la République franchit un pas de plus vers la réconciliation de son unité et de sa diversité. Saint-Barthélemy a fait le choix d’un développement économique tourné vers le tourisme haut de gamme, choix qui lui a permis d’atteindre aujourd’hui le niveau de cohésion économique et sociale qu’elle connaît. Dès lors, la préservation de cet équilibre constitue indéniablement un enjeu vital pour l’avenir de l’île, et c’était là tout le sens de l’amendement déposé par le groupe socialiste, malheureusement déclaré irrecevable.
Nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 4 relatif au transfert à la collectivité de la compétence en matière de réglementation économique de véhicules terrestres à moteur en raison du champ de compétence très étendu de la mesure de contrôle et du fait que, nous semble-t-il, la collectivité détient déjà des compétences normatives pour agir. Je constate que Michel Magras en convient lui-même, puisque son amendement n° 5 tend à limiter la portée de l’article 4 ; il a adopté une position de repli sur le type de véhicules.
Les ajustements équilibrés apportés aux dispositions relatives au fonctionnement des institutions de la collectivité n’appellent pas d’observations particulières. À cet égard, je voudrais saluer le travail de notre rapporteur, qui a amélioré la rédaction et la présentation du texte en le débarrassant des dispositions excessives qu’il pouvait comporter.
En tout état de cause, le groupe socialiste se félicite à l’instant de l’avis défavorable émis par la commission sur la création d’une caisse de prévoyance et de sécurité sociale, et sur la participation de la collectivité à certaines compétences qui nous semblent relever de l’État.
Nous n’en avons pas terminé et les allers-retours avec l’Assemblée nationale permettront peut-être d’améliorer encore ce texte, lequel, entre autres vertus, a déjà donné à l’intervenant que je suis l’envie de se rendre à Saint-Barthélemy, que je ne connais pas. Je voudrais voir si la réalité y est conforme à ce que l’on m'a dit ! §