Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 29 janvier 2015 à 21h30
Université des antilles et de la guyane — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Geneviève Fioraso :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis particulièrement heureuse de vous présenter ce soir le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-806 du 17 juillet 2014. Ce texte constitue en effet l’aboutissement du processus créant l’université des Antilles.

Il n’est pas inutile, avant d’exposer les aspects plus techniques de ce projet de loi, de revenir sur l’histoire de l’université des Antilles.

La Martinique et la Guadeloupe ont une tradition universitaire ancienne et bien ancrée. Dès 1883, une école préparatoire de droit a été créée à Fort-de-France. Transformé en 1948 en institut d’études juridiques, politiques et économiques, cet établissement voit progressivement apparaître à ses côtés, en Martinique et en Guadeloupe, d’autres formations d’enseignement supérieur en lettres, en sciences et en santé. Il faut toutefois attendre 1970 et l’application de la loi du 12 novembre 1968 d’orientation de l’enseignement supérieur, dite « loi Edgar Faure », pour qu’un centre universitaire multidisciplinaire, commun aux Antilles et à la Guyane, soit créé. Cet établissement devient université de plein exercice en 1982 – l’université des Antilles et de la Guyane, ou UAG -, ce qui met fin à son rattachement historique à l’université de Bordeaux.

Tout au long de cette histoire, et particulièrement à partir des années 1970, les collectivités territoriales ont énormément investi pour accompagner cette montée en puissance de l’enseignement supérieur et de la recherche dans les Antilles. Les campus sont aujourd’hui particulièrement modernes et bien équipés. Ils offrent aux étudiants des conditions d’études très favorables. Toutefois, des difficultés de fonctionnement sont apparues à partir des années 1980. L’éloignement géographique et des désaccords sur la répartition des moyens et des compétences ont progressivement tendu les relations entre le pôle guyanais et les pôles antillais. J’ajoute que le contexte économique, démographique et géopolitique de la Guyane, très différent de celui des Antilles, a contribué à aggraver ces difficultés. L’historique de cette question a été fort bien documenté dans le rapport sénatorial d’information, rendu en avril 2014 par Mme Dominique Gillot et M. Michel Magras.

Dans ce contexte, les tensions ont culminé à l’automne 2013 avec le blocage du campus guyanais. La médiation que j’avais engagée pour sortir de ce conflit a abouti à un protocole d’accord, signé le 11 novembre 2013. Ce protocole prévoit diverses mesures, dont la principale est la création d’une université de Guyane de plein exercice, au plus tard pour la rentrée de 2016.

Je tiens ici à souligner que le Gouvernement a tenu ses engagements et qu’il est même allé plus vite que ce qui avait été prévu. En effet, le décret créant l’université de Guyane est paru le 30 juin 2014. Il a permis la création d’une université de plein exercice en Guyane au 1er janvier 2015. Je salue les efforts des équipes, grâce auxquels cette création a pu être menée à bien dans un calendrier contraint. Cette réussite n’aurait pas été possible sans la participation de tous les acteurs concernés, notamment des pôles antillais de l’université dont la coopération avec la nouvelle université de Guyane a été exemplaire, dans un contexte pourtant sensible.

L’ordonnance qu’il vous est proposé de ratifier ce soir s’inscrit dans la suite de ces événements et prend acte de la création de l’université de Guyane. Toutefois, comme vous avez pu le constater, elle va bien au-delà d’un simple changement de périmètre de l’université. En dialogue constant avec les élus locaux et nationaux, ainsi qu’avec les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche - les présidents d’université, les recteurs, etc. -, le Gouvernement a souhaité que le cadre juridique qui s’appliquera à la nouvelle université des Antilles soit aussi adapté que possible aux spécificités locales.

L’ordonnance signée le 17 juillet 2014 par le Président de la République constitue donc un acte fort, qui réaffirme l’unité de l’université des Antilles, tout en conférant à ses pôles une très large autonomie. Encore une fois, le contenu de ce texte est le fruit de larges concertations avec les collectivités locales des Antilles et avec l’ensemble de la communauté universitaire. Il apporte à l’organisation de l’ancienne université des Antilles et de la Guyane des évolutions significatives.

Tout d’abord, l’ordonnance applique à l’université des Antilles les innovations résultant de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi ESR ». Cette loi, il faut ici le rappeler, prévoyait la possibilité pour le Gouvernement d’adapter par ordonnance les dispositions législatives relatives à l’université des Antilles et, à cette époque encore, de la Guyane. Ainsi, comme dans les autres universités, un conseil académique se substitue désormais aux anciens conseil scientifique et conseil des études et de la vie universitaire.

Néanmoins, en raison des événements mentionnés précédemment, l’ordonnance a également tiré les conséquences de la prise d’autonomie du pôle guyanais. En s’appuyant notamment sur les avis exprimés par les acteurs locaux, trois principes ont inspiré sa rédaction : un principe de parité entre les pôles martiniquais et guadeloupéen ; un principe de large autonomie de ces pôles ; un principe d’alternance de la présidence de l’université.

S’agissant du principe de parité de représentation des pôles régionaux dans les instances de l’université, la disposition prise reflète l’égal engagement des communautés de l’enseignement supérieur et de la recherche de Martinique et de Guadeloupe dans leur université commune. Elle se traduit par l’égalité du nombre des représentants de ces deux pôles au sein des différentes instances de l’université.

S’agissant du principe d’autonomie, les pôles régionaux constituant l’université reçoivent une large capacité d’organisation administrative et pédagogique. À cet égard, l’ordonnance signée par le Président de la République prévoyait - c’est un point important sur lequel je reviendrai - l’élection des présidents de chacun des pôles, qui sont aussi vice-présidents de l’université, par le conseil de pôle.

S’agissant, enfin, du principe d’alternance, le mandat du président de l’université est porté à cinq ans, contre quatre ans dans les autres universités. En contrepartie, ce mandat n’est pas renouvelable. Cette règle vise à créer les conditions d’une alternance régulière à la tête de l’université, afin que la présidence soit exercée successivement par un représentant issu de chaque pôle. Je précise sur ce point que, contrairement aux demandes des deux pôles, il n’était pas possible de préciser plus avant les conditions de l’alternance. En effet, toute règle visant à rendre celle-ci obligatoire se serait heurtée au principe d’égalité devant le suffrage.

Cette ordonnance n’avait pu, essentiellement pour des raisons de calendrier, intégrer certaines dispositions nécessaires pour parachever le statut de l’université. Elle devait notamment être complétée afin de prendre acte du changement de sa dénomination en devenant officiellement « université des Antilles ». Par ailleurs, la composition de son conseil d’administration devait être amendée pour tenir compte du retrait des membres guyanais.

Les amendements adoptés par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de votre assemblée ont permis de compléter utilement le texte sur ces différents points. J’observe toutefois que la commission a souhaité modifier les conditions d’élection des présidents de pôle initialement souhaitées par le Gouvernement et les élus des collectivités concernées. Alors que le texte du Gouvernement prévoyait que les présidents de pôle sont élus par les conseils de pôle, comme je l’ai indiqué précédemment, le texte adopté en commission tend à instaurer une élection simultanée du président de l’université et de ses vice-présidents dans le cadre d’un même « ticket ». Le détail de ces dispositions figure au 5° de l’article 1er du projet de loi, visant à insérer dans le code de l’éducation un article L. 781-3-1.

Ces dispositions diffèrent très sensiblement de celles qui avaient été prévues par le Gouvernement et de la position exprimée par les élus des collectivités concernées. Dans une prise de position publique datée du 7 juillet 2014 et cosignée par les présidents des conseils régionaux et des conseils généraux de Martinique et de Guadeloupe, ces derniers ont expressément indiqué leur souhait de voir figurer dans le texte législatif le principe d’élection libre des vice-présidents par les conseils de pôle. C’est pourquoi je souhaite exprimer ici les réserves du Gouvernement sur les modifications apportées par votre assemblée à une disposition importante de l’ordonnance. Je ne doute pas que cette question fera l’objet de discussions complémentaires lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.

En conclusion, je tiens à souligner que, dans un contexte difficile, la personne chargée de la médiation, Christian Forestier – chacun le connaît ici -, a fait preuve de l’engagement et de l’efficacité que l’on attendait d’elle. Je remercie également l’ensemble des sénateurs pour le soutien qu’ils ont apporté à ce texte.

Vous êtes tous convaincus, j’en suis certaine, qu’une université est le meilleur investissement pour l’avenir des territoires et de leur jeunesse que la nation puisse faire. C’est dans cet esprit de responsabilité et avec le souci de l’intérêt général que le Gouvernement souhaite l’adoption la plus rapide possible de ce projet de loi de ratification.

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