Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le sujet principal qui nous occupe aujourd’hui concerne la transformation de l’université des Antilles et de la Guyane en une université des Antilles. Elle est rendue nécessaire depuis le départ du pôle universitaire guyanais, acté à la fin de 2013 par le Gouvernement, et qui s’est traduit par la création d’une université de la Guyane de plein exercice par un décret du 30 juillet 2014.
L’examen de ce projet de loi a été l’occasion d’un bel exercice au sein de notre commission. Il nous a permis, majorité et opposition, de travailler en bonne intelligence et dans un esprit de responsabilité partagée, dans l’intérêt supérieur de l’université dans cette région hautement stratégique pour notre pays. À cet égard, je tiens à adresser mes plus vifs remerciements à notre collègue Dominique Gillot, dont le travail inlassable en faveur du développement universitaire et scientifique dans les Antilles et en Guyane a été unanimement salué par les acteurs locaux. C’est donc logiquement que le rapport d’information qu’elle a produit en avril 2014, en binôme avec notre collègue Michel Magras, a servi de base de travail à notre commission.
Notre souci premier et absolu a été de traduire dans le projet de loi les propositions formulées dans le sens d’une université des Antilles solide sur le plan institutionnel, cohérente sur le plan stratégique et pleinement fonctionnelle dans le cadre d’une autonomie renforcée de ses deux pôles guadeloupéen et martiniquais. L’enjeu est énorme, car il s’agit non seulement de faire de cette université le véritable fer de lance du développement des deux territoires antillais, mais aussi de préserver sa capacité à rayonner sur les espaces caribéen et latino-américain, en garantissant son attractivité tant auprès des étudiants qu’auprès des enseignants-chercheurs les plus renommés et en tirant pleinement profit des atouts exceptionnels de chacun de ses deux pôles.
L’université des Antilles, c’est plus de 11 000 étudiants, des formations complémentaires et communes organisées sur les deux territoires, et près d’une vingtaine de structures de recherche, dont certaines de rang international dans les domaines de l’environnement et du développement durable, de la santé et de l’épidémiologie ou encore de l’histoire des sociétés caribéennes. C’est cette belle université que nous voulons préserver et voir prospérer. C’est pourquoi la commission a veillé scrupuleusement, dans l’élaboration de son texte, à ce que ne soient pas répétées les erreurs du passé.
À la suite des troubles survenus à la rentrée universitaire de 2013 sur le pôle universitaire de la Guyane, le Gouvernement s’était engagé à créer une université guyanaise de plein exercice et à constituer, en conséquence, une université des Antilles qui succéderait à l’UAG. Toutefois, le champ de l’habilitation prévue par l’article 128 de la loi du 22 juillet 2013 se limitait à une adaptation d’une partie de ses dispositions à l’UAG, entité universitaire dont l’existence législative fait l’objet d’un chapitre spécifique au sein du code de l’éducation. Le Gouvernement n’était donc pas autorisé à modifier, dans le code de l’éducation, le périmètre de l’actuelle UAG et à lui substituer une université des Antilles. C’est pourquoi l’ordonnance du 17 juillet 2014 s’emploie à réformer le fonctionnement de l’UAG, qui continue juridiquement d’exister, dans le sens d’une autonomie renforcée de ses pôles universitaires non seulement antillais, mais aussi guyanais, bien que la composante guyanaise ait été convertie en université de plein exercice, désormais effective et opérationnelle depuis le 1er janvier 2015.
Il nous appartient donc de tenir compte, sur le plan juridique, de la décision du Gouvernement de créer une université des Antilles et une université de la Guyane, en amendant les articles du code de l’éducation résultant de l’ordonnance afin de prévoir que le nouveau fonctionnement universitaire déconcentré et décentralisé qu’elle institue est bien applicable à une université des Antilles fondée sur deux pôles, guadeloupéen et martiniquais, disposant de compétences propres.
L’ordonnance du 17 juillet 2014 a rénové la gouvernance de l’UAG afin de concilier l’unité stratégique de l’établissement et l’autonomie renforcée des pôles. Le président et le conseil d’administration sont ainsi chargés d’assurer la cohérence et l’équilibre entre les pôles universitaires régionaux. Pour leur part, les pôles sont dorénavant identifiés comme des regroupements de composantes, au sens de l’article L. 713-1 du code de l’éducation, pouvant disposer, à ce titre, de compétences déléguées du conseil d’administration. Doté de statuts, chaque pôle disposera, en outre, d’un conseil de pôle nanti de compétences propres, à la fois délibératives et consultatives. Le vice-président du pôle disposera, lui aussi, de compétences propres : il sera ordonnateur des recettes et des dépenses du pôle, aura autorité sur les personnels et émettra un avis sur les affectations des personnels ingénieurs, administratifs, techniciens et ouvriers de service, dits IATOS.
L’ensemble de ces dispositions sont conformes aux préconisations du rapport d’information sénatorial Gillot-Magras.
Comme je l’ai dit en introduction, afin d’achever la transformation de l’UAG en université des Antilles, la commission de la culture a apporté des modifications au code de l’éducation auxquelles le Gouvernement ne pouvait procéder, en raison du champ limité de son habilitation. La commission a ainsi acté le fait que l’université des Antilles succède juridiquement à l’UAG en remplaçant, dans le code de l’éducation, toute référence à l’UAG par la mention « université des Antilles ». Il s’agit de préserver la continuité et la sécurité juridiques, puisque l’université des Antilles conservera la même personnalité juridique que l’UAG, dans toutes ses dimensions, aussi bien en sa qualité d’employeur et d’ordonnateur que dans la délivrance des diplômes.
Cette succession a supposé de réajuster la composition du conseil d’administration de la nouvelle université. Il nous a semblé indispensable de porter de deux à quatre sièges la représentation des personnels IATOS, qui occupent près de 40 % des emplois au sein de l’université. Nous avons ainsi rapproché la composition du conseil d’administration de l’université des Antilles du droit commun des universités, sans pour autant diminuer le nombre des personnalités extérieures, maintenu à dix, pour un nombre total de trente membres. En effet, il convient d’assurer la représentation des organismes de recherche présents en Guadeloupe et en Martinique, qui sont incontournables pour la structuration du développement de ces territoires.
La commission a souhaité clarifier les éléments constitutifs des pôles universitaires régionaux afin d’éviter toute confusion entre les services communs et généraux de l’université – relevant de l’administration générale de l’université –, dont une grande partie est installée au siège de l’université en Guadeloupe, et les services universitaires propres à chaque pôle universitaire. Elle a en outre veillé à ce que la transversalité des équipes de recherche de l’université soit préservée.
Notre commission a également tenu à mettre en œuvre la proposition n° 11 du rapport Gillot-Magras relative à la mise en place d’un « ticket » de trois candidats à la présidence et aux deux vice-présidences de pôle. Cette disposition est indispensable afin de garantir la cohérence stratégique et l’unité de l’établissement.
Soyons clairs : dans la configuration actuelle, avec des pôles aux compétences désormais considérables, si nous n’assurons pas la confiance entre la présidence et les deux vice-présidences, le nouvel établissement se dissoudra de lui-même en l’espace de seulement quelques années, compte tenu des forces centrifuges aujourd’hui à l’œuvre. Au travers de ce « ticket », les trois candidats devront démontrer la cohérence entre le projet global d’établissement porté par le président et les stratégies de développement de pôle défendues par les vice-présidents. De cette manière – c’est une première –, nous inscrivons la gouvernance de l’établissement dans une logique de projet, conciliant l’intérêt supérieur de l’université et les objectifs légitimes de développement territorial des pôles.
Jusqu’ici, l’enjeu électoral dépassait très difficilement le simple périmètre du pôle. La désignation du président résultait le plus souvent d’un choix par défaut, après neutralisation de la concurrence entre les pôles, plutôt que d’une véritable volonté coopérative entre ces derniers. La configuration que nous vous proposons favorisera l’émergence de listes électorales axées sur la complémentarité entre des pôles autonomes contribuant chacun à un projet global d’établissement, plutôt que sur des listes uniquement centrées sur ces mêmes pôles.
Nous ne pouvions conserver en l’état le mode d’élection prévu par l’ordonnance du 17 juillet 2014, ce qui serait revenu à ne rien changer, à répéter les erreurs du passé qui ont miné l’unité de l’établissement et déjà conduit à la perte d’un de ses pôles. En effet, l’ordonnance ne fait que valider un schéma à l’œuvre depuis 2008 et qui a échoué : en pratique, les vice-présidents étaient déjà désignés par les conseils consultatifs de pôle, le président ne faisant aucune proposition réelle en la matière, la ratification de leur nomination par le conseil d’administration étant devenue purement formelle.
Or cette situation a précisément conduit à ce que certains vice-présidents de pôle s’opposent au président sur des questions stratégiques aussi déterminantes pour l’unité de l’établissement que le redéploiement de moyens entre composantes déficitaires et composantes mieux dotées. C’est d’ailleurs cette situation qui avait prévalu avant la scission du pôle universitaire de la Guyane, lequel s’était légitimement plaint de ne pas bénéficier des redéploiements promis. Autant dire que si nous n’agissons pas et que nous maintenons le risque d’une opposition systématique entre les vice-présidents de pôle et la présidence de l’université, alors même que les conseils de pôle se voient reconnaître des compétences considérables, cette université des Antilles sera morte dans l’œuf.
Le choix est clair : soit nous donnons une réelle chance à cette université de fonctionner dans une configuration fédérale en renforçant l’autonomie de ses pôles et en garantissant, en contrepartie, la cohérence stratégique entre la présidence et les vice-présidences de pôle ; soit nous ne tenons pas compte des erreurs du passé et laissons les clés à ceux qui ne souhaitent pas que cette université survive – soyez en sûrs, ils ne manqueront pas de la conduire à une nouvelle scission, cette fois définitive.
Persiste à l’heure actuelle en Guadeloupe un climat de défiance à l’égard de la présidence de l’université qui inquiète une bonne partie des personnels et des étudiants. Les tenants de la création d’une université de plein exercice en Guadeloupe maintiennent que l’égalité de traitement n’a pas été respectée dans la répartition des moyens entre pôles dans le budget provisoire. Or ce dernier prévoit d’affecter 58 % de la dotation de l’État au pôle Guadeloupe, lequel compte 55 % des inscrits, et 42 % au pôle Martinique, pour 45 % des inscrits. En comptabilisant les droits d’inscription, nous arrivons à une répartition de 53 % des ressources pour la Guadeloupe et 47 % pour la Martinique, qui dispose de plus de masters et de formations continues.
Le budget provisoire se fonde donc sur des équilibres anciens, mais que tout le monde se rassure : les nouveaux critères de répartition des moyens sont en cours de concertation avec les pôles ; ils seront appliqués dans le cadre du budget primitif courant mars 2015.
À l’heure où le paysage universitaire national se réorganise dans le sens de regroupements cohérents autour de projets partagés dans l’intérêt du développement des territoires, comment comprendre que l’on prenne le risque de voir une université des Antilles s’éteindre en l’espace de quelques années pour accoucher, en définitive, de deux universités de plein exercice à format réduit ? La Guadeloupe et la Martinique pâtissent d’ores et déjà d’une démographie atone et du départ d’un grand nombre de leurs bacheliers vers les universités métropolitaines et canadiennes. Ce mouvement s’accentuera assurément à raison d’une université de la Guadeloupe et d’une université de la Martinique aux capacités de recherche et de coopération scientifiques fortement réduites.
Vous l’aurez compris, notre commission a fait le choix d’une université des Antilles solide, cohérente et pleinement opérationnelle, dans l’intérêt de la communauté étudiante, universitaire et scientifique. Je vous demande donc, mes chers collègues, de la suivre en ce sens.