Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous réunit ce soir vient clore – en tout cas, nous l’espérons – un chapitre de l’histoire universitaire aux Antilles et en Guyane dont on aurait préféré faire l’économie.
L’ordonnance dont la ratification est proposée et le texte établi par la commission de la culture dressent définitivement l’acte de décès de l’université des Antilles et de la Guyane, résultant de la sécession du pôle guyanais, et font naître une nouvelle université : l’université des Antilles.
En ma double qualité, hier de corapporteur avec notre collègue Dominique Gillot de la mission d’information commune à la commission de la culture et à la délégation à l’outre-mer, aujourd'hui de président de la délégation à l’outre-mer, je veux souligner l’enjeu majeur que constitue la stabilisation de la situation universitaire dans nos territoires.
L’université a été mise à mal par les dissensions entre ses trois pôles, qui n’ont fait que s’amplifier au fil des ans jusqu’à l’implosion voilà plus d’un an déjà. Il faut maintenant tirer les leçons de ce grand désordre pour construire un nouvel édifice non seulement à même d’offrir de réelles perspectives à la jeunesse, mais aussi capable de valoriser les potentiels exceptionnels dont disposent ces territoires tropicaux, territoires français qui sont des têtes de pont de l’Europe aux portes de l’Amérique.
Je me félicite tout d’abord que l’option retenue par l’ordonnance du 17 juillet 2014 soit la création d’une université des Antilles dotée de deux pôles bénéficiant d’une autonomie renforcée. Cela correspond précisément au schéma imaginé par le groupe de travail commun à la commission de la culture et à la délégation à l’outre-mer dans la proposition n° 9 du rapport, c'est-à-dire « créer une université des Antilles, à caractère pluri-territorial, constituée par deux pôles guadeloupéen et martiniquais dont l’autonomie pédagogique et de gestion serait véritablement renforcée et sanctuarisée ».
Il est essentiel de conserver un même écrin universitaire pour la Guadeloupe et la Martinique. Une taille critique suffisante est en effet un gage de qualité et de reconnaissance de la valeur des enseignements et des diplômes. En outre, un tel schéma est cohérent avec la prise en compte de trois paramètres essentiels.
Le premier, c’est le contexte démographique antillais. Il est atone, avec un vieillissement des populations déjà tangible et des effectifs de bacheliers s’inscrivant en première année universitaire qui stagnent, voire qui sont en léger repli. On ne verra donc pas au cours des prochaines années de croissance endogène fulgurante des effectifs d’étudiants. Celle-ci ne pourrait provenir que de l’extérieur grâce à un gain d’attractivité, qui fait aujourd’hui défaut.
Le deuxième paramètre est que la politique universitaire nationale recherche les fusions plutôt que la dispersion. Les collectivités antillaises, bien que susceptibles de bénéficier de possibles adaptations sur le fondement de l’article 73 de la Constitution pour tenir compte de leurs spécificités, restent des territoires soumis au droit commun de l’enseignement supérieur et ne sauraient évoluer dans une direction diamétralement opposée à celle qui est empruntée par l’ensemble du réseau universitaire.
Le troisième et dernier paramètre, c’est le contexte budgétaire national contraint, qui s’oppose à une dispersion universitaire. En un mot, le maintien d’une université des Antilles paraît la seule voie raisonnable et surtout la seule formule de nature à sauvegarder la crédibilité de l’offre universitaire.
Cependant, pour être pertinente, cette offre universitaire en matière de formation comme de recherche doit évoluer en synergie avec les stratégies territoriales de développement qui sont différenciées entre la Guadeloupe et la Martinique, d’où l’idée de renforcer l’autonomie des deux pôles, avec des conseils de pôle et des vice-présidents de pôle disposant de compétences propres. Le triumvirat chargé des destinées de la nouvelle université devra intégrer ces priorités territoriales dans le projet universitaire et il devra rester solidaire pour que l’université des Antilles vive.
L’autonomie de gestion, tenant compte du morcellement géographique, permettra également de fluidifier le fonctionnement administratif au quotidien.
Pour résumer la situation, la nouvelle architecture, telle que proposée par la commission de la culture, tend à asseoir la crédibilité et l’attractivité du dispositif universitaire antillais, à stimuler les dynamiques territoriales en harmonie avec une stratégie globale au service du rayonnement régional. Le pari est pris de convertir les rivalités, parfois stériles et source d’inertie, voire de paralysie, en aiguillons sources d’une émulation fertile.
Je soulignerai enfin une précision ajoutée par la commission, qui vient fort opportunément compléter l’organisation de l’université des Antilles : la présence d’« au moins un représentant des organismes de recherche au titre de chacune des régions d’outre-mer dans lesquelles est implantée l’université, désigné par un ou plusieurs organismes entretenant des relations de coopération avec l’établissement » est obligatoire.
De l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, à l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, en passant par le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, le CIRAD, l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, ou encore l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, nombreux sont les organismes de recherche présents sur les territoires antillais. La stratégie de développement de ces territoires ne peut les ignorer, car ils jouent et joueront un rôle majeur dans la valorisation des potentiels terrestres et maritimes. Il paraissait donc impératif de leur ménager une place dans les instances dirigeantes de l’université. Encore une fois, cette disposition est directement inspirée des préconisations du rapport d’information.
Avant de conclure, je voudrais remercier la commission de la culture, en particulier sa présidente et son rapporteur, d’avoir travaillé dans la continuité de la mission d’information du printemps dernier, en transcrivant dans le code de l’éducation plusieurs de ses propositions. Je me félicite que ce travail d’investigation et d’analyse conduit en amont du processus législatif vienne enrichir celui-ci et permette de dégager des solutions pragmatiques. À l’heure où notre assemblée mène une réflexion sur ses méthodes de travail, voilà une bonne façon de mettre en synergie contrôle et initiative, l’un se nourrissant de l’autre. Il y a là une heureuse mise en perspective. Je suis fier que les travaux initiés par la délégation à l’outre-mer dans une démarche commune avec une commission permanente aient été aussi fructueux.
Mes chers collègues, le mois de janvier n’étant pas encore achevé, je forme le vœu que le cadre juridique proposé pour l’université des Antilles offre un nouveau départ, favorise une situation apaisée et jette les bases d’une stratégie universitaire ambitieuse et propice au rayonnement de la France dans la région. Je souhaite également que des liens forts soient renoués très rapidement – pour le plus grand bénéfice de chacun – et qu’une coopération active soit mise en place entre l’université des Antilles et l’université de la Guyane.
Nous voterons le texte issu des travaux de la commission.