Intervention de Quentin Llewellyn

Délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 13 janvier 2015 : 1ère réunion
Dans la perspective du rapport d'information sur les collectivités territoriales et le financement des lieux de culte présentation par tns sofres de l'enquête quantitative et qualitative réalisée par elle sur l'expérience et l'opinion des élus communaux à l'égard du financement des lieux de culte en france

Quentin Llewellyn, directeur d'études TNS-Sofres :

Les élus justifient leur opposition au nom du respect de la loi actuelle, qu'ils jugent suffisamment claire, pertinente et garante de l'État laïc. Ils rappellent le devoir de neutralité des acteurs publics vis-à-vis des religions, ainsi que leur obligation de défendre l'intérêt général contre les intérêts des communautés. Ils invoquent aussi l'état des finances publiques locales et l'existence de mesures et d'aides alternatives comme le bail emphytéotique, la location de salle ou le prêt temporaire de terrain. À leurs yeux, le financement public des nouveaux lieux de culte risque d'enclencher un mécanisme d'engrenage et de surenchère entre les différentes communautés. À cela s'ajoutent un risque financier et un risque politique, la construction de ces nouveaux lieux devenant un enjeu électoral.

Nous avons également interrogé les maires sur le co-financement. Pour 61 % d'entre eux, ce n'est pas à la commune d'assumer les charges liées au financement des nouveaux lieux de culte, tandis que 29 % se déclarent séduits par un co-financement public et privé, impliquant les organisations religieuses (73 %), l'Etat (45 %) et les particuliers (42 %). Ce système faciliterait la transparence et éviterait l'implication d'organisations terroristes ou d'États étrangers dans le financement des lieux de culte, avec les problèmes qui s'ensuivent - perte d'identité, politisation du religieux et importation sur le territoire national de problématiques venues d'ailleurs. Pour certains élus, il contribuerait aussi à renforcer le sentiment d'égalité entre les cultes, entre les églises d'avant 1905 et les nouveaux lieux de culte.

Sur les vingt élus que nous avons interrogés, cinq ont tenu à nous faire part de leur gestion sereine et maîtrisée de l'implantation d'un nouveau lieu de culte musulman dans leur commune. Ils indiquent avoir posé dès le début des conditions très claires : le besoin du nouveau lieu de culte doit être justifié par l'existence d'une communauté de fidèles dans la commune ; un porteur de projet identifié doit présenter des plans organisés et structurés. C'est ainsi qu'une communauté de fidèles disparate, formée de nationalités diverses - Maliens, Algériens ou Marocains - doit fédérer ses diverses composantes autour d'un lieu de culte unique. Le porteur de projet doit également s'engager à respecter le principe de laïcité et les lois de la République. On veillera à opérer une séparation stricte entre le culturel et le cultuel pour éviter des financements publics indirects : les subventions à une association dispensant des cours de danse traditionnelle ne doivent pas servir à financer un lieu de culte. Cette séparation doit se concrétiser dans le phasage, la création d'une association culturelle constituant une première étape, avant d'envisager la construction d'une mosquée.

Pour réussir l'implantation du nouvel établissement cultuel, des maires se sont impliqués clairement dans le suivi du dossier. Cela a consisté à assurer la communication avec les administrés, en leur exposant dans le détail la nature du projet et de son financement, en leur présentant les porteurs du projet, en organisant des concertations. Le dialogue et l'écoute ont ainsi été favorisés. Les maires ont parfois proposé la solution alternative des baux emphytéotiques. Ils ont anticipé les tensions et calmé les inquiétudes des riverains. Enfin, à chaque étape, ils se sont assurés de la conformité du projet avec la règlementation en vigueur.

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