Intervention de Jean-Yves Roux

Réunion du 3 février 2015 à 9h30
Questions orales — Conséquences du règlement européen reach sur la production de plantes à parfum françaises et la production de lavande

Photo de Jean-Yves RouxJean-Yves Roux :

Monsieur le secrétaire d'État, je ne vous apprendrai rien en vous rappelant aujourd’hui que la filière lavandicole est plus qu’inquiète pour sa production et son avenir.

Dans mon département, les Alpes-de-Haute-Provence, les différents acteurs de la filière doivent faire face à deux grandes difficultés.

Vous avez déjà été alerté sur les conséquences préoccupantes du règlement européen d’enregistrement, d’évaluation, d’autorisation et de restriction des substances chimiques, dit « REACH », sur la production de plantes à parfum françaises, notamment sur celle de lavande et de lavandin.

Les acteurs et producteurs d’huile essentielle de lavande se mobilisent. Une pétition nationale contre ce projet de réglementation des huiles essentielles a déjà recueilli près de 20 000 signatures.

Bien que protéger avec efficacité la santé des consommateurs soit évidemment notre priorité à tous, il ne s’agirait pas en l’occurrence de laisser la théorie l’emporter sur un savoir-faire et une production de très haute qualité.

Recenser, évaluer et contrôler les substances chimiques fabriquées, importées, mises sur le marché européen se comprend parfaitement. Prévoir que chaque substance chimique existante ou nouvellement produite ou importée soit enregistrée auprès de l’Agence européenne des produits chimiques et que les producteurs ou importateurs de produits chimiques soient obligés de fournir des données toxicologiques relatives aux produits se conçoit également.

Réduire la présence de produits potentiellement allergènes dans les cosmétiques et les parfums, nous le comprenons tous.

Mais qualifier les huiles essentielles, issues des plantes, donc naturelles, de produits chimiques me paraît excessif et irraisonné.

S’agissant de l’huile essentielle de lavande, le linalol – une molécule naturellement présente dans la lavande – est pointé du doigt puisqu’il serait potentiellement allergène. Certes, j’en conviens, l’huile essentielle de lavande placée sous l’œil irritera ce dernier… Mais revenons à la raison et au bon sens : il convient de faire la distinction entre le linalol conçu chimiquement par les usines pour la fabrication de produits tels que la lessive ou les désodorisants, et celui qui est contenu de manière naturelle dans la plupart des huiles essentielles, comme l’huile essentielle de lavande ou même l’extrait d’orange. Notre méfiance à l’égard des substances chimiques ne doit pas conduire à un amalgame grossier.

L’une des conséquences de la réglementation en question est l’apposition de pictogrammes sur le flacon. Les répercussions économiques d’un tel étiquetage sont évidemment dramatiques !

Il est inconcevable que les plantes et les huiles essentielles soient considérées comme des produits chimiques et que les distillateurs soient assimilés aux fabricants de produits chimiques, voire dangereux et toxiques.

Par ailleurs, les dossiers que doivent constituer les lavandiculteurs en application de cette réglementation, afin de mettre en évidence les caractéristiques physico-chimiques, toxicologiques et éco-toxicologiques de leur production, ont un coût non négligeable : c’est la double peine !

Dernière précision sur cette réglementation : pour une huile essentielle, il est quasiment impossible de fournir les données demandées puisqu’elles varient en fonction du sol et du soleil. Exiger une « carte d’identité » pour chaque huile essentielle est une aberration.

Cela étant, un autre danger réel menace la lavande dans les Alpes-du-Sud : un insecte, la cicadelle, qui se nourrit de sève et ravage des champs entiers, transporte, ce faisant, une bactérie, le stolbur, qui ronge les pieds de lavande et de lavandin. La plante dépérit rapidement et meure.

Pour tenter d’endiguer les dégâts causés par la maladie, un programme d’investigation et d’expérimentation visant à mieux cerner les causes de l’épidémie et à trouver des solutions afin de faire baisser l’incidence de la maladie a été mené entre 2011 et 2013 ; il a été financé par le compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural, ou CASDAR, France AgriMer, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, le Comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises, le CIHEF, et l’Occitane.

La sélection variétale est l’une des méthodes préconisées pour enrayer la maladie, mais il faudra attendre plusieurs années pour obtenir des résultats. À l’heure actuelle, nous disposons vraiment de peu de moyens de lutte adaptés.

La lavande est l’arbuste phare de la Provence : 500 tonnes de lavande sont produites chaque année dans les Alpes-de-Haute-Provence, soit la moitié de la production nationale. Les répercussions économiques de sa culture sont multiples : du tourisme à l’industrie de la parfumerie, en passant par la gastronomie La lavande et le lavandin sont à l’origine de 2 milliards d’euros en termes de consommation touristique. En Provence, les plantes à parfum sont cultivées sur plus de 22 000 hectares et concernent plus de 2 000 producteurs ; 80 % de la production est exportée, et il s’agit souvent de produits prestigieux.

Les conséquences induites du règlement européen REACH, à l’horizon 2018, couplées aux pertes causées par la cicadelle, pourraient porter un coup fatal à la production de lavande et de lavandin.

Amalgamer par l’étiquetage, dans l’esprit des consommateurs, production naturelle et production chimique pure est préjudiciable. Monsieur le secrétaire d’État, quelle stratégie préconisez-vous pour sauvegarder ce secteur si précieux ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion